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Le Conseil National des Femmes Roumaines

Chapitre 1 : L’intégration, l’organisation et le développement du mouvement

1.2. Le Conseil National des Femmes Roumaines

Les débats des premières années d’après la guerre ont fini par l’extension du programme de l’Union, qui a été complété avec des revendications civiles et politiques, et par

la garantie de la stratégie promue par l’orientation féministe réformiste46

.

1.2. Le Conseil National des Femmes Roumaines

Les tendances d’unification du mouvement et le besoin de se solidariser des associations et des organisations autour d’un organisme qui coordonne au niveau national l’action revendicative, dans les conditions du maintien de l’attitude conservatrice des fors législatifs, ont imposé la fondation, en Roumanie aussi, d’un Conseil National des Femmes (CNFR). « L’état de révolte symbolique des femmes qui s’unissent pour créer un groupe qui milite pour les droits politiques, juridiques et économiques » se retrouve dans cet organisme, conçu comme une fédération à laquelle adhèrent la plupart des associations, en conservant en même temps « l’autonomie et la liberté d’action » : « le CNFR respecte l’autonomie de toutes les sociétés y affiliées, ne se mélangeant pas dans leur organisation et dans leur direction, en

établissant seulement une liaison entre elles en vue du progrès de la cause féminine »47.

44Ibid., ff. 87-88.

45

Ibid., ff. 89-91.

46 Simona Stiger, « Ideologia mişcării feministe româneşti din Transilvania între educaţie şi emancipare », in AMN Hist., Cluj-Napoca, 1987-1988, p. 1152-1153.

47Statutul Consiliului Naţional al Femeilor Române, Bucarest, Typographie de la Cour Royale F. Gobl et fils, 1922, p. 3.

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Le but principal inscrit dans les statuts votés à Bucarest, le 8 juin 1921, était d’établir une « liaison de sympathie et de solidarité entre toutes les manifestations féminines et féministes de la Roumanie », tout cela pour l’amélioration des « conditions juridiques, économiques et morales de la femme, pour qu’elle puisse contribuer de mieux en mieux à la prospérité de la famille et de la société ». Dans une note explicative d’Elena Meissner nous en trouvons d’autres objectifs aussi : la représentation des intérêts de la femme roumaine devant le gouvernement, les corps législatifs, en vue de l’obtention d’une collaboration par laquelle les résultats des études et des enquêtes effectuées dans ses sections soient communiqués ; l’affiliation au Conseil International des Femmes (CIF) pour faire connaître l’activité féministe à l’étranger et pour entrer en contact direct avec le mouvement

international et participer aux congrès organisés périodiquement48. (voir l’Annexe 4)

Les rapports avec le mouvement féministe français ont été réalisés par l’intermédiaire de la secrétaire pour la correspondance externe, la princesse Callimachi, qui « pendant un

récent voyage à Paris, a contacté au nom du CNFR le CNFF »49. Quelques informations s’en

retrouvent aussi dans les discours d’Alexandrina Gr. Cantacuzino sur le fait que la fondation de cet organisme féministe en Roumanie s’est fait par le soutien moral de la féministe française Avril de Sainte-Croix.

En ce qui concerne le choix des membres du bureau il y a eu plusieurs discussions, parce que la proposition de Bucarest n’avait en vue aucune membre de l’AECPFR comme déléguée au Conseil. Dans ces conditions, de l’adresse sur la délégation envoyée par l’association à Bucarest, nous apprenons qu’on voulait faire plusieurs modifications au cadre des statuts qui auraient permis une extension du nombre des déléguées ayant des fonctions dans le Bureau. On sollicitait d’ajouter parmi les vice-présidentes Elena Meissner et Maria Baiulescu, lorsque Maria Pop, Sanda Filliti et Maria Petrovici devaient participer comme

secrétaires « externe, interne et parlementaire »50. Quoique ces modifications sont appliquées

dans le comité provisoire51, elles n’apparaissent plus dans celui définitif et à la fin est

maintenue la variante proposée initialement par les féministes de la capitale.

Il y avait la possibilité de deux systèmes d’organisation, chacun longuement débattu. L’un centralisé, auquel les sociétés de tout le pays devaient s’affilier et dépeindre « directement et sans l’intermédiaire de la centrale », situation qui aurait conduit à un nombre de 96 vice-présidentes. Celles-ci, loin du centre, n’auraient pu faire aucune activité ni avoir

48 ANIC, fond Constantin Meissner, dossier XI/39, ff. 31-32.

49Ibid., f. 29.

50

Ibid., f. 11.

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aucune influence au comité central. L’autre, basé sur le principe de la décentralisation, prévoyait la constitution d’un organe directeur, intitulé comité exécutif, qui allait être formé d’une délégation égale comme nombre pour tous les centres ou les comités régionaux. Le deuxième système, après de longues discussions, parfois animées, comme nous apprenons des documents d’Elena Meissner, est celui adopté et soutenu par l’UFR et l’AECPFR. Initialement, il est conçu avec un nombre de sept centres, Braşov, Bucarest, Iaşi, Craiova, Galaţi, Chişinău et Cernăuţi. À la fin, on a considéré que les centres d’Iaşi, Chişinău et Cernăuţi peuvent fusionner à base d’une entente, en formant un seul centre, avec le siège à Iaşi. Chaque centre ou région allait représenter la fédération de toutes les sociétés de chaque zone, conduite par un comité régional, formé des déléguées envoyées par chaque comité au niveau des villes. La présidente de chaque comité régional devenait légitimement vice-présidente dans le comité exécutif central. Le Bureau était choisi d’entre les membres du comité central, comprenant une présidente générale, un nombre de vice-présidentes égal au

nombre de centres qu’il y en avait, une secrétaire générale, deux secrétaires et une caissière52.

Comme nous apprenons de son statut, publié en 192253, on y précisait qu’on admettait

« n’importe quelle société culturelle ou de bienfaisance où la plupart des membres sont des femmes, sans différence ou confession […], composée d’au moins 20 membres » ayant une ancienneté d’au moins 2 années, l’affiliation en engageant toutes les filiales. On acceptait, bien sûr, des syndicats et des coopérations mixtes, à condition qu’il existe un groupe distinct d’au moins 25 femmes, et, exceptionnellement, des membres individuels d’honneur,

auxiliaires ou donneurs, à la suite des services importants apportés à la cause féministe54.

(voir l’Annexe 5)

Son assemblée générale, avec une réunion annuelle, comprenait entre les représentantes ayant droit de vote, les présidentes des sections locales, organisées dans chaque capitale de département, la fédération d’au minimum quatre sociétés ; entre une et trois déléguées de toutes les sociétés affiliées (celles organisées dans des filiales ayant le droit d’un vote pour chaque filiale) ; le président des commissions permanentes ; les membres du comité exécutif et les membres fondatrices. Il faut mentionner la division de l’activité en dix sections, d’après le modèle du CIF, parmi lesquelles celle de l’hygiène, du suffrage, du travail et de l’unité morale sont permanentes, leur président désignant ses collaboratrices, approuvées après par le comité exécutif.

52Ibid., ff. 32-33.

53 ANIC, fond familial Cantacuzino, dossier 49/1922, ff. 3-7. Un brouillon des statuts se retrouve aussi aux ANIC, fond Constantin Meissner, dossier XI/39, ff. 14-18.

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Le 8 juillet 1922, après une année de la fondation, la présidente du CNFR, Calypso Botez fait connaître la structure du Bureau et les statuts de ce for international à la présidente du CIF, dans une lettre officielle, dont l’entête est « Le Conseil National des Femmes Roumaines, le Secrétariat pour les Affaires Externes ». C’est comment nous apprenons la structure définitive du Bureau : présidente, Calypso Botez ; vice-présidentes, Alexandrina Cantacuzino, Zoe Romniceanu et Ianculescu de Reuss; secrétaire générale, la princesse Callimachi; secrétaires, Ecaterina Cerkez, E. Dimescu, Col. H. Stângaciu; caissière H. Panaitescu. Les responsables des commissions permanentes étaient : Dr. H. Manicatide-Venert, pour la commission d’hygiène, Dr. H. Nanu-Paşcanu, pour celle de l’unité morale, Ella Negruzzi, à la législation, Alexandrina Cantacuzino, la présidente générale des sections travail et suffrage et Alexandra Floru, à l’éducation et à l’instruction. Elena Văcărescu et

Elena Romniceanu sont désignées déléguées pour les affaires étrangères55.

Comme nous découvrons dans une adresse envoyée à Olga Sturdza, au cours du mois de juillet de l’année 1921, par l’entremise de Cornelia Emilian, la secrétaire pour les affaires internes de CNFR, celle-là est informée de sa désignation en qualité de vice-présidente, mais elle n’accepte pas la fonction qu’avec quelques conditions comme la présence dans le bureau d’un nombre égal de déléguées de Iaşi et de Bucarest, sans vouloir « ignorer Elena Meissner et les membres du comité de l’AECPFR de laquelle elle faisait partie, que déléguée par

elles »56. Pourtant, Olga Sturdza considérait qu’il fallait avoir en vue un certain profile social

et culturel des féministes qui allaient être nommées dans la fonction de vice-présidente :

« Les vice-présidentes seront généralement des personnalités féminines parmi les plus cultes, qui non seulement qu’ont travaillé dans des sociétés de bienfaisance, mais qui représentent quelque chose par elles-mêmes et par leur culture. À la constitution du Conseil National, le Bureau devra tenir compte aussi des propositions des Comités des sociétés féministes, qui, par leur activité, ont contribué à la propagation du mouvement féministe »57.

En réunissant toutes les sociétés féministes importantes, cette fédération représente une fraternité qui oblige chaque membre de déposer un serment identique à celui du CIF : « Fais à autrui ce que tu veux qu’il te fasse ». Alexandra Petrescu considère que, par sa structure de l’organisation et par ce serment, la fédération représente « le premier modèle féminin autoritaire ». Ayant en vue « les tendances de politisation » du Conseil, l’auteure le compare même avec un « embryon de parti » conçu et composé de la fusion des associations

55

Calypso Botez à la présidente CIF, Bucarest, le 8 juillet 1922, in Centre d'Archives pour l'Histoire des Femmes (CARHIF), Bruxelles, dossier 929, f. 4. Voir aussi ANIC, fond Constantin Meissner, dossier XI/39, f. 4.

56

ANIC, fond Constantin Meissner, dossier XI/39, f. 10.

57 Ibid.

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féminines et féministes. « Le pouvoir féminin crée un appareil bureaucratique formé d’un

bureau, un comité exécutif et une assemblée générale »58, où s’institue une hiérarchie où « la

voix de la présidente est prépondérante » comme nous retrouvons dans le statut.

Le CNFR, ayant quatre filiales et auquel joignent plus de 30 associations59, devient

vite un véritable « parlement de la femme », en adoptant une organisation d’après le modèle des autres pays membres dans CIF et en s’adaptant aux conditions spécifiques du contexte social politique d’après l’unité. Ce for féministe se proposait d’obtenir une émancipation intégrale de la femme « par une réelle, édificatrice action d’organiser son travail et son utilité dans la nouvelle vie sociale ». Constanţa Hodoş, en 1927, considère sa création un moment important dans le mouvement féministe, qui a contribué beaucoup au « relèvement » du prestige de la femme roumaine dans l’idée de l’émancipation. Conformément à cette féministe, la réussite du mouvement ne pouvait pas être obtenue « seulement avec des protestes brouillards contre l’injustice faite », mais par une action énergique et organisée, avec un profond caractère unitaire, en montrant la solidarité et le pouvoir des femmes

roumaines60.

Calypso Botez a soutenu dès le début que le nouveau organisme avait en vue les intérêts vitaux de toutes les femmes, sans tenir compte de leur catégorie sociale. Par conséquent, le CNFR a refusé la séparation des femmes à partir des critères de classe sociale promue par l’Internationale Communiste, et a milité pour l’association des « efforts du mouvement féministe avec ceux des autres mouvements démocratiques du pays ». Dans ce sens-là, il est important de mentionner la collaboration avec la Fédération Internationale

Féminine du Travail, fondée en octobre 1921, à Genève61.

Dans les années 1921-1923 ce for a concentré « toutes les manifestations féminines et féministes de la Grande Roumanie » en vue de l’adoption, dans la nouvelle Constitution des droits intégraux civils et politiques de la femme, son évolution ultérieure montrant l’insuccès de la mise en pratique de son principal desideratum, celui de représenter toutes les associations de femmes de l’espace roumain.

58 Alexandra Petrescu, op. cit., p. 38.

59 L’invitation d’adhérer envoyée à toutes les associations le 4 juillet 1921 se retrouve aux ANIC, fond Constantin Meissner, dossier XI/39, f. 1.

60 Constanţa Hodoş, « Consiliul naţional al femeilor române », in Societatea de mâine, année IV, Cluj, nº 1 et 2, le 9 et le 16 janvier 1927, p. 7; voir aussi Alexandra Petrescu, op. cit., p. 39.

61

Calypso C. Botez, « Mişcarea feministă », in Arhiva pentru ştiinţă şi reformă socială, année IV, nº 2, octobre 1922, p. 224.

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