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Conscience de soi et évidence : la démarche cartésienne

Dans le document Cours de philosophie Séries technologiques (Page 63-66)

8. La vérité

8.4 Conscience de soi et évidence : la démarche cartésienne

Descartes, philosophe du XVII° siècle (1596 - 1650) est comme tout philosophe, en quête de vérité, il désire accéder à une vérité certaine et irréfutable car tout ce qu'il a pu apprendre lui laisse un sentiment d'insatisfaction, sa démarche est d'une certaine façon assez proche de l'atti-tude socratique dans la mesure où il a l'impression de ne posséder qu'une illusion de savoir et non un savoir véritable.

Comment juger, mesurer le degré de vérité de ce qu'il a appris ?

En recensant les différentes sources de connaissance et en les soumettant à l'épreuve du doute.

8.4.0.0.1 1° source : l'expérience sensible

``

Tout ce que j'ai reçu jusqu'à présent pour le plus vrai et assuré, je l'ai appris des sens ou par les sens ; or j'ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais à ceux qui nous ont une fois trompés.''

Méditation première

Parce que nos sens nous trompent quelquefois, Descartes va supposer qu'ils nous trompent toujours.

ex : les illusions d'optique, les songes ou les délires des fous.

``

Toutefois j'ai ici à considérer que je suis homme, et par conséquent que j' ai coutume de dormir et de me représenter en mes songes les mêmes choses, ou quelquefois de moins vraisemblables, que ces insensés, lorsqu'ils veillent. Combien de fois m'est-il arrivé de songer, la nuit, que j'étais en ce lieu, que j'étais habillé, que j'étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ? ``

Méditation première

Le fait que lorsque je rêve, je n'ai pas toujours conscience de rêver peut me conduire à penser que la différence entre le rêve et la réalité est illusoire et donc à douter de ce que je saisis par le témoignage des sens.

Je ne puis affirmer avec certitude que ce que je perçois par les sens est vrai, j'ai au moins une raison d'en douter.

Le doute de Descartes est hyperbolique, il est excessif, il dépasse la mesure.

Doute

: État d'incertitude de l'esprit se trouvant dans l'impossibilité d'affirmer ou de nier.

Doute

hyperbolique : Doute méthodique, radical, poussé à l'extrême, il s'agit de considérer comme absolument faux ce qui n'est que douteux, il s'agit donc d'un doute théorique et provisoire.

Mais toutes mes connaissances proviennent-elles des sens ? N'y-a-t-il pas des vérités que mon esprit tire de lui-même ? 8.4.0.0.2 2° source : l'esprit lui-même

En ce qui concerne les vérités mathématiques, même s'il n'y a rien à dénombrer, 2 + 2 font toujours 4, même s'il n'y a pas de triangle sensible à mesurer, la somme des angles d'un triangle est toujours égale à celle de deux angles droits, ne s'agit-il pas d'évidences qui s'offrent à notre esprit immédiatement, voire que celui-ci possède naturellement ?

``

Car, soit que je veille ou que je dorme, deux et trois joints ensemble formeront toujours le nombre de cinq, et le carré n'aura jamais plus de quatre côtés ; et il ne semble pas possible que des vérités si apparentes puissent être soupçonnées d'aucune fausseté ou d'incertitude.'' Méditation première

Mais suis-je certain de ne pas toujours me tromper en pensant cela ?

Pour répondre à cette question Descartes va émettre l'hypothèse d'un Dieu trompeur, hypo-thèse qu'il abandonnera rapidement, car il semble contraire à la nature de Dieu de me tromper toujours.

C'est pourquoi Descartes évoquera ensuite l'hypothèse d'un malin génie.

``

Je supposerai donc qu'il y a non point un vrai Dieu, qui est la souveraine source de vérité, mais un certain mauvais génie, non moins rusé et trompeur que puissant, qui a employé toute son industrie à me tromper.''

Méditation première

Mais alors que reste-t-il de vrai ? Apparemment rien !

* Ce que je perçois par les sens est faux, et même l'existence de mon corps est frappée de nullité.

* Ce qui m'apparaît comme des évidences intellectuelles n'est peut-être qu'un tissu de vérités illusoires ?

Mais cependant je continue à dire que je perçois, que je me persuade que tout est faux, que je doute.

Toutes ces expressions ne témoignent-elles pas de la présence d'une volonté qui accepte de suspendre son jugement, c'est-à-dire de douter tant qu'elle n'est pas parvenue à une vérité cer-taine et indubitable.

Cette présence est-elle susceptible d'être réfutée en doute ?

Puis-je douter de l'existence de ce ``moi'' qui doute ?

``

...ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n'étais point ?'' Non !

Pour être victime d'illusions il faut qu'il y ait un être qui s'illusionne.

Pour que le malin génie me trompe, il faut bien qu'il y ait quelqu'un à tromper.

Puis-je en effet en me persuadant qu'il n'y a rien du tout dans le monde, aller jusqu'à me per-suader que je ne suis point ?

Ainsi ce corps que je considère comme mien n'est peut-être qu'une illusion puisque c'est par les sens que je le perçois.

Mais comme l'écrit Descartes dans la méditation seconde :

``

Suis-je tellement dépendant du corps et des sens que je ne puisse être sans eux ?''

Ne reste-t-il pas quelque choses de moi lorsque je doute, ne reste-t-il pas le Moi véritable qui doute de tout et même de son propre corps ?

Pour douter il faut bien que je sois, il faut bien un sujet du doute.

Le doute hyperbolique n'est pas illimité, il débouche sur l'affirmation d'une 1° certitude :

`` Il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j'existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce et que je la conçois en mon esprit.'' Méditation seconde

Cette affirmation est donc une exception au doute universel, une vérité indubitable , une pre-mière évidence.

Je puis douter de tout sauf de la condition même du doute, c'est-à-dire de ma propre existence.

Mais cette première certitude ne consiste pas dans la connaissance d'un objet précis, est-elle d'ailleurs une connaissance ?

Elle est certitude se rapportant à l'existence du sujet connaissant conscient de lui-même.

Quelle est le contenu de cette certitude ?

Il est affirmation de l'existence du « moi pensant », mais savoir que je suis me permet-il de prétendre connaître ce que je suis ?

Ainsi cette première vérité résistant au doute, que l'on a coutume de désigner par le verbe latin cogito (de cogitare = penser), cette première vérité inhérente à la conscience de soi-même du sujet pensant va déboucher sur la question : que suis-je ?

Je ne suis pas mon corps, il s'agit d'une réalité sensible donc douteuse.

Mais comme pour douter de ce corps il faut que je pense , j'en conclus que je suis une chose qui pense, une substance pensante, une âme.

``

Je n'admets maintenant rien qui ne soit nécessairement vrai ; je ne suis donc précisément parlant qu'une chose qui pense, c'est-à-dire un esprit, un entendement ou une raison, qui sont des termes dont la signification m'était auparavant inconnue.''

Méditation seconde

Ce moi que découvre le cogito n'a donc rien de concret au sens où il désignerait un moi parti-culier et personnel (celui de Descartes), il s'agit d'un moi universel, du moi pensant en général comme condition de toute recherche et de toute connaissance, d'une intelligence pure.

Il y a donc une identité selon Descartes entre la conscience et la pensée :

« Mais qu'est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu'est-ce qu'une chose qui pense ? C'est une chose qui doute , qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent. »

La pensée désigne donc non seulement les opérations de l'intelligence (douter, entendre, conce-voir, affirmer, nier), mais aussi toutes les autres manifestations de la conscience (volonté, imagi-nation, sensation, sentiment). La sensation ne désignant pas ici les impressions des organes des sens, mais la conscience que nous avons de percevoir quelque chose.

Cette découverte de la réalité en soi de la pensée par la simple réflexion du sujet sur lui-même se présente donc comme une vérité première, comme une première évidence. Elle ne nécessite aucune démonstration , elle ne se déduit pas d'autre chose qu'elle-même. Elle s'offre à nous dans la clarté de l'évidence par sa résistance au doute.

Elle est dans cette mesure le modèle de toute vérité, de ``l'idée claire et distincte''.

Ainsi cette approche cartésienne de la conscience de soi et de la vérité conduit à affirmer la spécificité de l'être même de la pensée qui en se saisissant elle-même se découvre porteuse de vé-rité, d'une vérité première qu'aucun doute ne peut détruire.

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