• Aucun résultat trouvé

Conséquences de la non dissociation du complexe Pol I-rrn3 I-1) Sur le cycle transcriptionnel de la Pol I (in vitro)

Comme nous l’avons déjà mentionné dans ce manuscrit, le complexe Pol I-Rrn3 est la seule forme d’enzyme qui soit compétente pour l’initiation de la transcription (Milkereit and Tschochner, 1998). Lors de l’entrée en phase d’élongation du cycle transcriptionnel le facteur Rrn3 se dissocie de la Pol I in vivo et in vitro (Aprikian et al., 2001; Bier et al., 2004; Claypool et al., 2004). De plus, il a été montré in vitro chez la levure, en utilisant les fractions PA600, que le facteur Rrn3 dissocié lors de l’entrée en étape d’élongation n’est pas capable de se réassocier à une molécule de Pol I libre afin de réinitier un nouveau cycle transcriptionnel (Milkereit and Tschochner, 1998). L’ensemble de ces données a conduit à proposer l’existence d’un cycle régulateur de la transcription Pol I au cours duquel Rrn3 i) s’associe à la Pol I, ce qui permet l’initiation d’un cycle transcriptionnel, ii) se dissocie de l’ADNr lors de l’élongation de la transcription et est inactivé, ce qui l’empêche de se réassocier avec la Pol I, et iii) est réactivé en condition d’activation de la transcription Pol I, ce qui permet la formation d’un nouveau complexe Pol I-Rrn3 et l’initiation d’un nouveau cycle transcriptionnel.

Dans la souche CARA, le facteur Rrn3 est associé de façon stable à la Pol I. Il est donc très probable que dans les cellules CARA, le facteur Rrn3 reste associé à la Pol I pendant la totalité du cycle transcriptionnel, permettant ainsi aux molécules de Pol I CARA de réinitier un nouveau cycle de transcription juste après l’étape de terminaison. La méthode la plus directe pour déterminer si une polymérase est capable de réinitier consiste à comparer les intensités des signaux obtenus en condition de transcription en cycles mutiples versus en cycle unique. Afin de réaliser des expériences de transcription in vitro en cycle unique, on utilise la propriété des complexes d’élongation à résister à des concentrations en héparine ou en sarkosyl qui dissocient ou empêchent la formation des complexes d’initiation. Ainsi, lorsque la reprise en élongation de complexes ternaires bloqués est réalisée en présence de concentrations d’héparine ou de sarkosyl adéquates,

ne peuvent plus réinitier. Cette méthode a déjà été utilisée pour démontrer la capacité de la Pol III à réinitier (Dieci and Sentenac, 1996) figure 51 et l’incapacité de la Pol I WT à réinitier (Milkereit and Tschochner, 1998).

Figure 51. Réinitiation de la transcription par l’ARN polymérase III.

(A) Schéma réactionnel : un complexe de préinitiation stable est formé sur le gène codant

l’ARNt SUP4 puis la Pol III est ensuite rajoutée avec l’ATP le CTP et l’UTP radioactif et

l’incubation est poursuivie pendant dix minutes pour permettre la formation du 17mer. Le GTP est ensuite rajouté au milieu réactionnel en l’absence (puits 3 à 5) ou en présence d’héparine (puits 1 et 2). Aux temps indiqués (en B), des échantillons sont prélevés et la réaction est arrêtée. Les ARN sont ensuite séparés par électrophorèse sur gel en conditions dénaturantes (acrylamide 6%, 7M urée) puis autoradiographiés. (B) autoradiographie du gel S : transcription en cycle unique (Single round), M : transcription en cycle multiples (Multiple round). D’après Dieci et Sentenac 1996

Lorsque nous avons voulu étudier l’étape de réinitiation par la Pol I CARA, nous n’avions pas encore construit les matrices contenant une cassette sans G (p22 et p60) qui permettent de bloquer la Pol I en élongation et de pouvoir transcrire en condition de

cycle unique. Nous avons donc utilisé une méthode indirecte. La transcription est réalisée en conditions standards avec la matrice (YepSIRT) et le PA600 WT ou CARA. Les résultats obtenus, (figure 52) montrent que le signal correspondant au transcrit complet obtenu par la transcription du plasmide YepSirt par le PA600 CARA augmente au fur et à mesure de la cinétique. De plus les derniers résultats obtenus en étudiant l’élongation du 60 mer sans préincubation préalable (Résultats partie II-5-6 figure 45) corroborent ce résultat. Pour le PA600 WT, le signal augmente en début de cinétique, mais au bout de 10 minutes nous observons un plateau qui doit correspondre à l’intensité du signal en cycle de transcription unique.

Ce résultat est très préliminaire, mais suggère que la Pol I CARA est capable de réinitier contrairement à la Pol I WT.

Cette étude devrait être poursuivie de façon plus rigoureuse afin de déterminer plus précisément le rôle du facteur Rrn3 dans le cycle de transcription de la Pol I.

Pour cela, il faudra réaliser tout d’abord des expériences de transcription spécifique in vitro en cycle multiples et unique en utilisant les matrices p22 et p60 que j’ai construites. Il sera donc nécessaire de déterminer la concentration d’héparine ou de sarkosyl requise pour transcrire en cycle unique. Et si la Pol I CARA est capable de réinitier, il serait intéressant de déterminer par des expériences de « template commitment » si elle réinitie de façon préférentielle sur la même molécule de matrice ou si elle réinitie sur une autre molécule de matrice. Ces expériences consistent à former d’abord des complexes ternaires sur une matrice donnée (p22 ou p60) puis à rajouter en même temps le GTP et une seconde matrice (dont la transcription génère un produit de taille différente). La transcription de cette nouvelle matrice n’est possible que si la Pol I CARA capable de réinitier est dissociée après un cycle de transcription.

Figure 52. Comparaison de la cinétique de transcription du mini gène d’ADNr au niveau du plasmide Yepsirt par les polymérases I WT et CARA.

(A) La matrice yepSirt est incubée en présence de PA600 WT ou CARA pendant 1h 30 à 25°C

préalablement à l’ajout des 4 nucléotides froids ( ATP, CTP, GTP:600 uM et UTP 1,8mM) ainsi que d’UTP marqué. Des aliquotes sont prélevées aux temps indiqués. Les ARN sont séparés par électrophorèse sur gel de polyacrylamide en conditions dénaturantes (6% polyacrylamide, 7M Urée), puis autoradiographiés. La position du transcrit complet est indiquée. (B) Représentation graphique de la cinétique d’apparition du produit complet. Les signaux sont quantifiés au PhosphorImager et représentés en coup par minute (cpm).

L’idéal pour l’étude mécanistique de la transcription par Pol I serait de disposer d’un système de transcription efficace constitué de tous les facteurs de transcription purifiés comme pour le système Pol III de levure par exemple. Ce système nous permettra alors d’étudier de nouveaux paramètres tels que le clivage et la fidélité de la Pol I. Il nous permettra surtout de comparer ces paramètres entre la Pol I WT et la Pol I CARA afin de déterminer si la non dissociation du facteur Rrn3 a une influence sur le clivage ou la fidélité de la transcription et ainsi de mieux préciser le rôle de ce facteur dans la transcription par la machinerie de classe I. Il serait également intéressant de comparer la fidélité de la Pol I par rapport à celle de la Pol II et celle de la Pol III. Ce système sera également très important pour comparer le recrutement de la Pol I Wt et de la Pol I CARA sur le PIC ainsi que l’étape d’échappement du promoteur. En effet,

un défaut de l’une de ces deux étapes du cycle pourrait être à l’origine de la densité moindre de molécules de Pol I observée dans les cellules CARA par rapport aux cellules Wt en l’absence de rapamycine.

Outre l’étude des différentes étapes du cycle transcriptionnel et des propriétés de la Pol I, ce système purifié sera précieux pour préciser le rôle des sous-unités de la Pol I dans l’une des étapes du cycle. Il serait par exemple, intéressant d’étudier le rôle de la sous-unité A49 afin de savoir si elle est vraiment impliquée dans l’étape d’échappement du promoteur comme ceci l’a été suggéré par le laboratoire de Pierre Thuriaux, étant donné que l’inactivation du gène codant cette sous-unité dans les cellules CARA est létale.

I-2) In vivo :

a) Sur l’occupation du 35S par la Pol I

L’étude de l’occupation de l’ADNr 35S par la Pol I dans les cellules WT et CARA par ChIP et par Miller spread a montré que dans les cellules CARA la densité de molécules de Pol I sur l’ADNr est plus faible par rapport aux cellules WT.

Une des raisons qui peut expliquer une telle différence, est un défaut de recrutement de la Pol I par le complexe de préinitiation sur le promoteur dans la souche CARA. Nos résultats de ChiP concernant l’étude de l’occupation du promoteur de l’ADNr révèlent que dans les cellules WT, nous avons une augmentation de 33% de l’occupation du promoteur par le Core Factor et une augmentation de 66% concernant UAF (Upstream Activating Factor). Cependant, comme je l’ai déjà mentionné, ces expériences restent très préliminaires et ont besoin d’être confirmeés. Même si comme nous l’avons déjà mentionné (résultats partie I-4-2) ces résultats, en tant que tels, ne peuvent pas expliquer la différence de densité de molécules de Pol I observée entre les cellules CARA et Wt en l’absence de rapamycine.

Il serait également important de déterminer de façon plus fiable la proportion de copies actives par la méthode du pontage au psoralène. Ceci pourrait être réalisable en utilisant de nouvelles sondes s’hybridant sur l’ADNr 35S ou en changeant les conditions électrophorétiques de migration de façon à bien séparer les bandes lentes et rapides et permettre ainsi une quantification plus rigoureuse.

b) Sur la maturation et le clivage du 35S :

La technique du Miller spread permet d’étudier la maturation cotranscriptionnelle de l’ARNr notamment l’assemblage du SSU processome et le clivage au niveau du site A2 conduisant à la séparation des ARNr précurseurs de la grande et de la petite sous unité des ribososmes (Osheim et al., 2004).

Dans les cellules WT, en l’absence de rapamycine, l’assemblage du SSU processome et le clivage sont observés sur les ARNr naissants de la plupart des gènes en cours de transcription.

Après l’ajout de la rapamycine, sur les rares trancrits observés, on note la présence de SSU processome mais le clivage au site A2 n’est pas observé.

L’absence de clivage après quatre heures de traitement à la rapamycine, alors qu’un assemblage du SSU processome est constaté au niveau des rares transcrits présents, peut faire partie d’une stratégie établie par la cellule afin de reprendre rapidement la synthèse de ribosomes une fois que la carence en nutriments est restaurée.

De façon surprenante, dans des conditions normales de croissance, les cellules CARA présentent un assemblage du SSU processome moins efficace que dans les cellules WT et lors du traitement rapamycine, une absence importante de processomes sur les transcrits naissants est constatée. La non-dissociation du facteur Rrn3 dans les cellules CARA pourrait donc entraver l’assemblage du processome. Il a également été démontré que les gènes du régulon RIBI (RIbosome BIogenesis, groupe de gènes impliqués dans les processus d’assemblage, de maturation et de transport des ribosomes) n’étaient pas dérégulés dans les cellules CARA lors d’une cinétique de traitement à la rapamycine, donc ils sont réprimés de la même façon que dans les cellules WT (Laferte et al., 2006), alors que la synthèse d’ARNr continue (au moins pour les premiers temps de la cinétique). Ceci pourrait expliquer le manque de SSU processomes dans les cellules CARA lors du traitement rapamycine, qui serait dû à l’absence ou à la présence en très faible quantité d’un des composants protéiques du processome empêchant l’assemblage efficace du complexe de maturation.

L’étude par Miller spread de la maturation cotranscriptionnelle du 35S révèle donc un assemblage moins efficace du SSU processome dans les cellules CARA que dans les

cellules WT. Cette altération de l’assemblage de la machinerie de maturation devrait se traduire par des défauts de maturation du 35S qui pourraient être révélés par la technique de Northern Blot. Il a déjà été réalisé dans notre laboratoire des expériences de Northern Blot et des expériences de marquage à l’uracile tritiée des ARN de cellules WT et CARA en phase exponentielle de croissance et lors d’un traitement à la rapamycine afin d’étudier les différents intermédiaires de maturation de l’ARNr 35S. Aucune différence de représentation relative de ces intermédiaires n’a été constatée entre les deux souches.

Il serait intéressant d’étudier plus en détails la maturation de l’ARNr par Northern Blot dans les deux souches en utilisant différentes sondes . Une étude récente montre que dans une souche présentant une mutation ponctuelle au niveau de la sous-unité A135 de la Pol I et dans laquelle l’élongation de la transcription est affectée (comme c’est le cas dans la souche CARA), un défaut significatif de la maturation du 35S est observé (Schneider et al., 2007). D’où l’importance d’approfondir l’étude de la maturation du 35S dans la souche CARA afin de vérifier que le défaut d’élongation observé in vitro dans cette souche n’a pas d’influence sur l’étape de maturation in vivo.

II) Structure du nucléole dans les cellules WT et CARA lors d’un traitement long à