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Résultats et discussion

I- 3-1) Analyse par immunoprécipitation de la chromatine

Nous avons étudié l’occupation de l’ADNr 35S dans les cellules WT et CARA durant une cinétique de traitement à la rapamycine par des expériences d’immunoprécipitation de la chromatine. Les cellules ont été récoltées aux différents temps de la cinétique, puis la chromatine a été extraite, soniquée et immunoprécipitée avec des anticorps polyclonaux

dirigés contre la sous-unité A190 de la Pol I. L’occupation de l’ADNr a été analysée grâce à des oligonucléotides s’hybridant au niveau du promoteur ainsi que sur différentes régions tout le long du 35S (Figure 26, A).

Pour les cellules WT (Figure 26), nous observons une diminution rapide de l’occupation du 35S par la Pol I dès les premiers temps de la cinétique conformément à ce qui est décrit dans la littérature (Claypool et al., 2004). Cette diminution est équivalente, quelle que soit la région de l’ADNr 35S étudiée (promoteur ou régions transcrites proximale, médiane ou distale) ce qui est en accord avec une répression rapamycine-dépendante de l’initiation de la transcription Pol I. Après 4 heures de traitement à la rapamycine, la diminution de la densité de molécules de Pol I atteint environ 80% qui correspond avec la baisse d’activité de synthèse de l’ARNr 35S observée par la technique d’extension d’amorces.

Figure 26. Occupation de l’ADNr 35S par la Pol I dans les souches WT et CARA lors d’une cinétique de traitement à la rapamycine

L’occupation du gène de l’ADNr 35S par la Pol I est étudiée dans des cellules WT et CARA lors d’une cinétique de traitement à la rapamycine par la méthode d’immunoprécipitation de la chromatine. L’étape d’immunoprécipitation a été réalisée avec des anticorps polyclonaux dirigés contre la sous-unité A190 de la Pol I. (A) Représentation schématique de la position sur l’ADN 35S des couples d’amorces utilisées pour l’étape d’amplification par PCR en temps réel: P: promoteur, E1-E4 zones correspondant à la Pol I en élongation.(B) Quantification des signaux spécifiques détectés par PCR en temps réel pour les différents couples d’amorces.

Dans les cellules CARA (Figure 26), une situation totalement différente est observée. Après 30 min de traitement, nous constatons une légère diminution (environ 15 à 20%) du niveau d’occupation de l’ADNr par la Pol I qui semble ne plus évoluer au cours de la cinétique. Ainsi, après 4 heures de traitement, 70 à 75% du niveau initial d’enzyme sont encore associés à l’ADNr 35S, et ceci quelle que soit la zone du gène considérée (promoteur ou région transcrite, Figure 26). Ce résultat est surprenant car nos expériences d’extension d’amorces avaient montré que l’activité Pol I était fortement réprimée dans les cellules CARA après quatre heures de traitement. A priori, ce paradoxe pourrait avoir deux explications simples :

- soit les molécules de Pol I présentes sur l’ADNr des cellules CARA après 4h de traitement à la rapamycine sont transcriptionellement inactives

- soit il reflète simplement la façon dont nos résultats sont représentés. Pendant la cinétique de traitement, ils sont en effet exprimés en pourcentage par rapport à l’occupation de l’ADNr 35S par la Pol I en l’absence de rapamycine (t = 0). On ne peut donc pas formellement exclure que le nombre absolu de complexes d’élongation de classe I soit sensiblement plus élevé dans les cellules Wt que dans les cellules CARA à t = 0, et qu’in fine, le niveau de Pol I encore associée à l’ADNr après 4h de traitement soit comparable dans les deux souches (notons qu’il faudrait quand même dans ce cas un niveau d’occupation 3 à 4 fois plus élevé dans les cellules Wt).

Afin de répondre à ce dernier point, nous avons exprimé nos résultats obtenus dans 6 expériences de ChIP indépendantes en les standardisant par rapport au signal obtenu pour les gènes ADH1, RPL7 et RPL9 transcrits par la Pol II car il n’est évidemment pas possible d’utiliser un autre gène transcrit par la Pol I). Ainsi, il est possible d’obtenir des données de ChIP quantitatives (ou tout au moins semi-quantitatives) qui montrent qu’en l’absence de rapamycine, la densité de Pol I sur l’ADNr dans les cellules CARA est environ une fois et demie plus faible que dans les cellules Wt (Figure 27)

Figure 27. En phase exponentielle de croissance, la densité de Pol I sur l’ADNr 35S est plus importante dans les cellules WT que dans les cellules CARA

Quantification en valeur absolue de l’occupation de l’ADNr 35S par la technique d’immunoprécipitation de la Chromatine (à partir de 6 expériences indépendantes) en l’absence de rapamycine (dans des cellules en phase exponentielle de croissance)

En conclusion, nos données de ChIP indiquent :

i) qu’en l’absence de rapamycine, il y a environ 1,5 fois plus de molécules de Pol I associées aux copies d’ADNr dans les cellules Wt que dans les cellules CARA ii) que pendant le traitement à la rapamycine, une diminution très importante du

nombre de molécules de Pol I associées aux copies d’ADNr est observée dans les cellules Wt alors que dans les cellules CARA, ce nombre ne diminue que très faiblement

iii) que pendant le traitement à la rapamycine des cellules CARA, il n’y a pas de corrélation entre le nombre de molécules de Pol I associées aux copies d’ADNr et l’activité transcriptionnelle Pol I (contrairement à ce que l’on observe dans les cellules Wt)

iv) qu’après 4h de traitement à la rapamycine, on trouve environ 2,5 fois plus de molécules de Pol I associées aux copies d’ADNr dans les cellules CARA que dans les cellules Wt

Suite à ces données de ChIP, il est tentant de spéculer que les observations d’immunocytofluorescence suggérant un maintien de la structure nucléolaire dans les cellules CARA tout au long du traitement à la rapamycine reflètent simplement l’interaction d’un nombre plus élevé de molécules de Pol I avec l’ADNr 35S dans ces cellules. Si l’on imagine que la majorité des molécules d’enzymes observées sur l’ADNr dans les cellules CARA en présence de rapamycine se trouve au sein de complexes ternaires bloqués en élongation (ou transcriptionellement inactifs), nos données

suggèrent que ce n’est pas un niveau d’activité Pol I en tant que tel qui est nécessaire au maintien de l’intégrité de la structure nucléolaire mais simplement la présence de complexes de classe I (productifs ou non) sur les unités d’ADNr.

Les données obtenues par ChIP doivent néanmoins être considérées avec prudence. Il est en effet possible que l’accessibilité de la Pol I aux anticorps anti-A190 utilisés dans cette technique soit différente dans les cellules Wt et CARA, du fait de l’association covalente du facteur Rrn3 à l’enzyme dans cette dernière souche. De possibles changements de conformation de l’enzyme pendant le traitement à la rapamycine et/ou l’étape du cycle transcriptionnel peuvent donc se traduire par des rendements d’immunoprécipation variables selon que l’on est dans un contexte Wt ou CARA, rendant délicate une interprétation quantitative de nos données.

Afin de compléter nos résultats de ChIP, nous avons collaboré avec l’équipe d’Ann Beyer (Université de Virginie, Charlottesville, Etats-Unis) pour caractériser la transcription Pol I par la technique de Miller spread basée sur l’observation directe au microscope électronique des unités d’ADNr.