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Alors connecteur temporel

discours, et du même coup, une relation temporelle accèdent au statut de connecteur temporel. ».

Un connecteur temporel est donc défini, dans le cadre des analyses SDRT que nous menons, comme impliquant une relation de discours ayant un effet sémantique temporel, ce qui nous amène à la conclusion que les adverbiaux du typeSNdur plus tard (un peu plus tard)ne sont pas des connecteurs temporels. De fait, nous avons rendu compte de leur rôle dans la structuration du discours « vers l’avant », en décrivant leur contribution en tant qu’introducteurs de nouveaux topiques dotés d’une localisation, rôle qui s’ajoute à leur rôle de liaison « vers l’arrière ». A la différence des connecteurs, qui ont un rôle, en matière d’attachement discursif, celui d’attacher

« vers l’arrière », ces adverbiaux ont deux rôles, qui se traduisent par un attachement « vers l’ar-rière » et l’introduction d’un nouveau topique permettant une structuration « vers l’avant ». C’est par rapport à ce rôle « vers l’avant » qu’ils sont décrits comme relevant, en tant qu’adverbiaux cadratifs (ou introducteurs de cadres), de l’indexation (forward labelling) et non de la connexion dans la classification des marqueurs de cohésion discursive de Charolles (2005).1

Revenons maintenant au cas dealors. Quand il n’est pas en position interne, la relation tem-porelle qu’il exprime est la concomitance originellement attachée àalorset il n’est pas compa-tible avec un décalage temporel, contrairement aualors initial qui admet ce décalage. Tout se passe comme si le changement de statut de simple adverbe temporel à celui de connecteur tem-porel s’accompagnait d’un relâchement de la contrainte temtem-porelle (autorisation du décalage).

L’étape suivante dans ce changement de statut serait l’absence de tout sémantisme temporel, dans le cas oùalorsest un connecteur purement argumentatif. Nous ne rendrons pas compte de cet emploi dealorsici, il sera simplement mentionné en section 8.4.3.

8.4 Formalisation de la contribution de Alors connecteur temporel

Nous avons montré dans la section précédente quealors en tête de phrase avait le statut de connecteur temporel. La relation de discours qu’il marque a été pour l’instant qualifiée, selon les termes de Hybertie, comme une « relation de dépendance qui s’établit entre deux événements logiquement ordonnés dans une séquence d’événements, le premier étant présenté comme la condition de réalisation du second ». Dans (Braset al., 2006), nous avons voulu formaliser le rôle de connecteur temporel dealorsen SDRT. Nous avions deux possibilités : soit choisir une relation de discours dans le jeu des relations de la SDRT pour exprimer cette relation de dépendance, soit introduire une nouvelle relation. Nous allons expliquer dans les deux sections suivantes comment nous avons choisi de rendre compte du rôle dealorsconnecteur temporel.

8.4.1 Quelle relation de discours pouralorsconnecteur temporel ?

Nous allons d’abord envisager la relation de Résultat. Reprenons un exemple classique, (8.9 a), illustrant les cas où cette relation est inférée grâce à la présence du prédicatcauseDentre les types des éventualités (voir axiomeInférerRésultatau chapitre 3). Observons maintenant, en (8.9 b), ce qu’il se passe si on insèrealors:

(8.9) (a) Il m’a poussée. Je suis tombée.

(b) Il m’a poussée. Alors je suis tombée.

1Ces considérations n’excluent pas la possibilité, pour un connecteur, d’avoir un rôle « vers l’avant » dans certaines positions textuelles comme celle de l’initiale de paragraphe.

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(8.9 b) n’est pas mauvais, mais il devient plus acceptable si on imagine un contexte où il serait né-cessaire d’insister sur la relation causale entre les deux événements. Par exemple, pour répondre à quelqu’un qui mettrait en doute cette relation. En cherchant des exemples attestés d’emplois de alorsmettant en jeu des informations du type de celles qui sont encodées parcauseD, ce n’est pas des cas d’interprétation « d’insistance » de ce type que nous avons trouvés, mais des cas où la relation causale semble être d’une nature un peu différente, assimilables à la relation de « Ré-ponse » au sens de Sandström (1993) que nous avons déjà mentionnée au moment de l’étude de puisau chapitre 7, confondue avec la relation de Résultat en SDRT :

(8.10) Mme Couze a dit d’abord qu’on ne te voyait plus jamais et que ces messieurs du restaurant devaient te regretter. Alors Mme Londe a répondu : Une de perdue, dix de retrouvées. (Julien Green, Léviathan).

Pour un discours comme (8.10), on peut inférer la relation de Résultat sans s’appuyer sur la présence dealors.

Reprenons maintenant les exemples (8.3 a) et (8.5 a), auxquels nous ajoutons l’exemple (8.11) extrait, comme (8.10), de Frantext :

(8.11) Puis les allées commencèrent de monter assez raide et, bientôt, Joseph se trouva sur le plateau. Alors Joseph leva la tête, vit le ciel et poussa un long soupir. Jamais il ne songeait à regarder le ciel. (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier)

Dans de tels exemples, c’est clairement la présence dealorsqui crée le lien de dépendance entre les événements, comme nous l’avons expliqué en section (8.2.2). Du point de vue de la SDRT, le prédicatcauseD n’est pas vérifié, et, en dehors de toute prise en compte du rôle dealors, on ne peut pas inférer Résultat. Le prédicatoccasionn’étant pas vérifié non plus, on ne peut pas appliquer la règleInférerNarration, on va donc inférer Narration « par défaut » (avec l’axiome RelationsEnvironnantes), mais sans rendre compte du rôle dealors.

La relation de Narration ne rend pas compte de façon satisfaisante de l’interprétation de tels exemples : elle n’exprime pas la notion de « condition de réalisation » qui positionne le premier événement vis à vis du second. Qu’en est-il de la relation de Résultat ? Cette relation n’est pas définie de façon complète dans Asher et Lascarides (2003), nous avons donné au chapitre 3 ses effets sémantiques sous la forme du prédicatcause. Celui-ci n’est pas défini, maiscause(eα, eβ) est compris par Asher et Lascarides (2003) comme «eαestlacause deeβ», ce qui correspond à un lien causal trop fort pour rendre compte du rôle dealorsdans ces derniers exemples.

8.4.2 Vers une relation de Résultat scalaire

Ni Narration, ni Résultat ne permettant d’exprimer la relation de dépendance rendant compte du lien instauré par alors, nous avons décidé, dans (Braset al., 2006), d’ajouter une nouvelle relation de discours ayant des implications causales plus faibles que celles exprimées par l’actuel prédicatcause.

Nous avons utilisé pour cela la notion de dépendance causale de Lewis (1973) et avons défini deux relations causales : une relation de dépendance causale faible, exprimant la relation de dépendance décrite plus haute, et une relation de dépendance causale « ordinaire », correspondant au lien causal plus fort sous-jacent à l’actuel prédicatcause. Ces relations sont définies comme suit :

8.4. ALORSCONNECTEUR TEMPOREL 119

DépendanceCausaleFaible On a :dependance_causale_f aible(Kα, Kβ) (i.e. un événement eβ associé à une descriptionKβ dépend causalement faiblement deeαassocié à une des-criptionKα) si et seulement si on a :(¬Kα → ¬Kβ)∧(Kα∧Kβ)∧(eα ≺ eβ), où A→B est vrai dans un mondemsi et seulement si dans chaque monde le plus proche demoùAest vrai,Best vrai aussi.

On peut gloser la condition(¬Kα→ ¬Kβ)en disant que sieαn’avait pas eu lieu,eβn’aurait pas eu lieu non plus, et ce dans tous les mondes les proches du monde deα–c’est-à-dire, toutes choses égales par ailleurs. Pour l’exemple (8.3 a), on ne pourra donc pas considérer un événement comme « je suis montée sur un mur », qui pourrait certes être une cause de l’événement « je l’ai vu arriver », mais qui a lieu dans un monde qui ne fait pas partie des mondes les plus proches du monde deπ1(représentant la première phrase de (8.3 a)). On définit ensuite la dépendance causale ordinaire, comme étant plus forte que la dépendance causale faible, grâce à l’ajout de la condition « siKαest vrai alors normalementKβ est vrai » :

DépendanceCausale On a : dependance_causale(Kα, Kβ) (i.e. un événementeβ associé à une descriptionKβ dépend causalement deeα associé à une descriptionKα) si et seule-ment si on a :dependance_causale_f aible(Kα, Kβ)∧(Kα> Kβ)

Ces deux relations causales nous permettent de définir les effets sémantiques de deux relations de Résultat : Résultat-Fort et Résultat-Faible :

RésultatFaibleConséquence φResultatF aible(α,β)⇒dependance_causale_f aible(Kα, Kβ) RésultatFortConséquence φResultatF ort(α,β)⇒dependance_causale(Kα, Kβ)

On propose donc de redéfinir Résultat comme une relation scalaire, en définissant, à côté de Résultat-Faible, déclenchée paralors, une relation de Résultat-Fort déclenchée parcauseD: InférerRésultatFaibleAlors (?(α, β, λ)∧[alors](β)))→ResultatF aible(α, β, λ)

InférerRésultatFort (?(α, β, λ)∧T op(σ, α)∧causeD(σ, α, β))> ResultatF ort(α, β, λ) Avec l’axiome InférerRésultatFaibleAlors, on va pouvoir inférer Résultat-Faible pour (8.3 a), (8.5 a) et (8.11). L’inférence des effets sémantiques de la relation permettra ensuite d’inférer, pour (8.5 a) par exemple, que : « s’il ne m’avait pas rejointe, je ne me serais pas souvenue que j’avais oublié mes clés », et qu’il est vrai que « il m’a rejointe » et que « je me suis souvenue... », et enfin que l’événement « il m’a rejointe » précède l’événement « je me suis souvenue... ».

Pour les exemples (8.9 b) et (8.10), les deux axiomesInférerRésultatFaibleAlorset InférerRé-sultatFortvont s’appliquer, on va donc inférer Résultat-Faible et Résultat-Fort. Nous ne sommes pas en mesure pour l’instant d’expliquer pourquoi l’emploi dealors n’est pas très naturel en (8.9 b) alors qu’il ne pose aucun problème en (8.10). Ce dernier exemple est à rapprocher de l’exemple (7.11 a), examiné au chapitre 7, dans lequel l’insertion depuisétait impossible. Pour en rendre compte, il faut bien sûr adapter l’axiomeBloquerRésultatPuisqui devient :

BloquerRésultatFortPuis ?(α, β, λ)>∧[puis](β))→ ¬ResultatF ort(α, β) 8.4.3 Quels marqueurs pour les relations de Résultat ?

Avec la formalisation proposée ci-dessus, et en particulier la règle de déclenchement Infé-rerRésultatFaibleAlors,nous pouvons considérer quealors,dans les emplois temporels que nous

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avons considérés, est un marqueur explicite de la relation de Résultat-Faible, de la même façon quepuis,dans ses emplois temporels, est un marqueur explicite de la relation de Narration.

Dans (Braset al., 2006), nous avons commencé à étudier les emplois dealorspour lesquels la relation en jeu est de l’ordre de la conséquence logique ou argumentative. Ils sont illustrés par les exemples (8.12), de Hybertie, et (8.13) de Jayez, dans lesquelsalorsrelie des descriptions d’états dans un processus inférentiel. Pour rester dans le cadre du traitement des seuls événements, nous avons imaginé l’exemple (8.14) où la relation logique porte sur des événements.

(8.12) Les volets sont fermés. Alors ils sont partis.

(8.13) Ce nombre est égal à quatre. Alors il est pair.

(8.14) Toutes les filles sont arrivées à l’heure, alors Marie est arrivée à l’heure.

Dans ces exemples, la relation temporelle en jeu n’est paseα ≺ eβ : on a soit une relation de recouvrement pour les états, soit une relation d’inclusion pour les événements de (8.14). Dans (Bras et al., 2006), ces emplois inférentiels de alors étaient « intégrés » dans la définition de Résultat-Faible, sous la forme d’une disjonction.Alorsétait donc toujours un marqueur explicite de Résultat-Faible. Mais ce regroupement, s’il offrait un avantage technique, présentait l’incon-vénient majeur d’associer à Résultat-Faible la sémantique de deux relations de discours. Dans une version étendue de (Braset al., 2006), (Braset al., atre), nous proposons d’ajouter une autre relation, Résultat-Inférentiel. Nous n’allons pas entreprendre de la décrire dans les limites de ce mémoire, mais nous voulons simplement souligner quealors devient marqueur des deux rela-tions –Résultat-Faible et Résultat-Inférentiel– dont une (Résultat-Inférentiel) est déclenchée par une règle plus spécifique que l’autre (Faible). La règle de déclenchement de Résultat-Faible devient donc une règle molle, et le statut dealorscomme marqueur explicite de la relation s’en trouve affaiblit.

Qu’en est-il maintenant des marqueurs de Résultat-Fort ? Nous avons signalé au chapitre 3 que Asher et Lascarides (2003) ne donnaient pas de marqueurs explicites de Résultat, mais que nous avions avancé dans (Bras et al., 2001a) que donc pouvait jouer un tel rôle. C’était une position bien imprudente, qui ne tenait pas compte des emplois inférentiels quedoncconnaît tout commealors:

(8.15) Max a eu son bac. Donc il a pu entrer à l’université.

(8.16) Max a réussi à faire l’exercice, donc il a bien compris le cours.

Une analyse dedonc dans le cadre de la SDRT, à partir des nombreux travaux qui lui ont été consacrés (inter alia Jayez, 1981, 1988b; Rossari et Jayez, 1996; Jayez et Rossari, 1997; Rossari, 2000), est nécessaire avant de conclure sur son statut de marqueur de Résultat-Fort. Cette étude devrait enrichir celle dealors inférentiel en ouvrant la voie à une comparaison entre les deux marqueurs2.

8.4.4 Conclusion

Dans cette section, nous avons proposé une formalisation en SDRT de la contribution de alorsà la construction de la représentation du discours quand il est connecteur temporel. Pour cela, nous avons introduit la relation de Résultat-Faible, impliquant une relation de dépendance causale faible. Une relation de dépendance causale plus forte a été également définie, elle permet

2Il serait intéressant également d’élargir la comparaison au marqueurdu coup(Rossari et Jayez, 2000).