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Structure de la SDRS de ()

5.2. CONTRIBUTION DES ADVERBIAUX DE LOCALISATION 71

avoir dans des contextes de description de trajectoires (Asheret al., 1994), (Asheret al., 1995a), (Asheret al., 1995b).

Nous revenons donc maintenant sur les adverbiaux de localisation temporelle étudiés au cha-pitre 4, pour examiner leur contribution à la structure spatio-temporelle du discours. Dans (Asher et al., 1995b), nous analysons aussi des adverbiaux qui opèrent une localisation de nature spa-tiale (à l’aéroport de Toulouse, à vingt mètres), nous regardons comment la localisation opérée par les deux types d’adverbiaux (temporels et spatiaux) devient spatio-temporelle, quand les composantes spatiale et temporelle sont combinées dans la description d’une trajectoire (deux kilomètres plus loin, deux minutes plus tard).

Nous nous limiterons ici au traitement des adverbiaux temporels, dans leur interprétation temporelle, puis spatio-temporelle. Nous avons décrit en 4.1 leur contribution à la structure tem-porelle du discours – en termes d’établissement de relations temtem-porelles – dans un cadre de type DRT. Nous allons nous placer maintenant dans le cadre de la SDRT, tel que nous l’avons enri-chi dans la section 5.1. Nous n’allons pas suivre la piste ouverte en section 4.2, qui consistait à voir certains adverbiaux de localisation comme imposant directement une relation de discours.

Au contraire, nous allons rester sur la voie tracée en section 4.1, qui considère que le rôle des adverbiaux de localisation est de localiser l’éventualité des phrases qui les accueillent. Cette lo-calisation est incomplète si on ne prend pas en compte le lien de cette phrase avec le discours précédent. Nous avons vu en section 4.1 que ce lien était exprimé par des conditions incomplètes du typet = ?pour les adverbes anaphoriques, et que le jeu de repères mis en place par la DRT permettait d’accéder à un antécédent. Dans une approche de type SDRT, ce lien est représenté par l’attachement du constituant courant, celui-là même qui contient la phrase comportant l’adver-bial de localisation. La localisation complète de l’éventualité décrite par ce constituant reprend la composante temporelle du constituant auquel va être attaché le constituant courant6. On va ainsi établir une relation temporelle entre les éventualités des deux constituants reliés, qui pourra jouer le rôle de filtre sur les relations de discours possibles entre les deux constituants.

5.2.1 Principe de localisation spatio-temporelle

Généralisons ce que nous venons de dire aux adverbiaux de localisation temporels et spa-tiaux. La localisation de l’éventualité reprend au moins une des composantes, spatiale ou tem-porelle, du constituant auquel on va attacher le constituant courant. Mais ce principe, que nous appelons "principe de localisation spatio-temporelle", est plus général comme l’illustre l’exemple (5.2), dans lequel l’adverbialà Toulouselocalise l’attente de Léa spatialement, mais aussi tem-porellement par le fait même de relier cette phrase au fragment du discours qui a été traité précé-demment.

(5.2) Le 7 février 1995 au matin, Luc quitta Madrid. A 16 heures, il n’était qu’à la frontière. A Toulouse, Léa l’attendait avec anxiété.

C’est précisément le fait de relier le constituant courant au constituant d’attachement, par le biais d’une relation de discours, qui va permettre d’effectuer cette localisation temporelle à partir de celle du constituant d’attachement. De la même manière, quand un adverbial localise tempo-rellement une éventualité, on a également, par le fait même de relier le constituant courant au constituant d’attachement, une localisation spatiale de l’éventualité, comme c’est le cas pour la troisième phrase de (5.3).

6Sauf pour le premier constituant d’un texte bien sûr.

72 CHAPITRE 5. RÉFÉRENCE SPATIO-TEMPORELLE DANS LE DISCOURS

(5.3) Léa arriva à l’aéroport. Elle s’installa dans la salle d’attente. Vingt minutes plus tard, on annonça que le vol de Madrid avait du retard.

Ce principe de localisation spatio-temporelleexprime la cohérence spatio-temporelle des dis-cours narratifs. Nous étendons ainsi la modélisation de la cohérence temporelle décrite dans le chapitre 3. Les principes généraux de cohérence du discours en SDRT sont mis en œuvre au moyen des relations de discours qui ont des effets sémantiques et en particulier des effets spatio-temporels. Nous verrons par la suite comment notre principe de localisation spatio-temporelle découle de ces effets spatio-temporels (section 5.2.3) dans des contextes de trajectoires.

En effet, dans des discours décrivant des trajectoires, un effet essentiel des adverbiaux de lo-calisation sur la sémantique du discours est d’interagir avec ce principe de cohérence discursive en décalant les localisations temporelle et spatiale du constituant d’attachement7. Cet effet est en-core plus manifeste quand les adverbiaux de localisation temporelle (ou de localisation spatiale) opèrent des localisations spatio-temporelles, combinant les composantes spatiale et temporelle nécessaires à la description de trajectoires. Il s’agit essentiellement de localisations calculées, par l’intermédiaire d’une distance "temporelle" ou "spatiale" exprimée par un syntagme nominal de type SNdur à base de noms de mesure temporelle ou spatiale (deux kilomètres plus loin, deux minutes plus tard), ou bien directement par un adverbe simple ou une préposition (après, avant, puis, ...). Considérons par exemple le discours (5.4) :

(5.4) (1) Le premier jour des vacances, Paul partit à la mer avec sa nouvelle voiture. (2) Il prit la route de Narbonne. (3) Il passa devant une station d’essence fermée. (4) Dix minutes plus tard, il tomba en panne d’essence.

L’adverbedix minutes plus tard, dans la quatrième phrase, a une interprétation temporelle, per-mettant de situere4dans un temps situé aprèse3, à une distance de 10 minutes, mais une analyse plus approfondie révèle qu’il doit être interprété spatio-temporellement, par rapport à la trajec-toire de Paul. Cette interprétation autorise l’inférence "la panne d’essence a eu lieu après la station d’essence, sur la route de Narbonne, en direction de la mer", qui montre que l’éventualité de la phrase (4) a bien été située, par l’adverbedix minutes plus tard, dans le temps, comme on pouvait s’y attendre, mais aussi dans l’espace. Un adverbial de localisation spatiale commedix kilomètres plus loin,remplaçantdix minutes plus tarden tête de (4), localiserait également à la fois spatialement et temporellement l’éventualité.

Il est important de noter que l’éventualité qu’on localise ainsi n’est pas exprimée par un verbe de déplacement, auquel cas la localisation spatio-temporelle serait déjà exprimée par l’éventualité elle-même. L’interprétation spatio-temporelle est possible même si l’éventualité n’implique pas directement le mobile de la trajectoire (ici, Paul). C’est le cas par exemple quand l’existence d’un événement de perception par le mobile est suggérée comme en :

(5.5) (1) Le premier jour des vacances, Paul partit à la mer avec sa nouvelle voiture. (2) Il prit la route de Narbonne. (3) Dix minutes plus tard , il se mit à pleuvoir.

Soulignons qu’en général, la localisation spatio-temporelle n’est pas un effet des seuls adverbiaux de localisation, c’est un effet conjoint de l’adverbial, du type d’éventualité à localiser, du contexte

7Pour des adverbiaux commeà ce moment là,pendant ce temps, à cet endroit-là,le décalage ne se produit pas. On encodera qu’il s’agit d’un décalage nul. Pour les phrases contenant à la fois un adverbial de localisation temporelle et un adverbial de localisation spatiale, le recours au constituant d’attachement pour la localisation spatio-temporelle de l’éventualité n’est pas nécessaire.

tem-porelle – que leur interprétation soit strictement temtem-porelle ou spatio-temtem-porelle – dans des textes décrivant des trajectoires ou des déplacements.

Interprétation temporelle

Nous allons partir des représentations sémantiques des adverbiaux données en section 4.1 – de la formeλP λe (P(e)∧L(e))– et les enrichir pour qu’elles permettent de rendre compte correctement des interprétations que nous venons de mettre en évidence dans la construction des SDRSs. On désignera ici l’éventualité du constituant courant pareP, on indiquera que le nouveau référent introduit est de type temporel (Time). La propriété anaphorique d’un adverbial comme dix minutes plus tardsera représentée par la conditionP0 =?qui déchenche, comme en DRT, la résolution d’une anaphore. En SDRT, cette résolution aura lieu après l’attachement, dans le cas présent, P’ sera identifié avec le constituant d’attachement.

L’adverbe dix minutes plus tard, qu’on représentait en section 4.1 par la représentation à gauche de la figure 5.2, a maintenant la représentation située à droite de la figure. Nous allons commenter les nouveautés dans cette représentation.

74 CHAPITRE 5. RÉFÉRENCE SPATIO-TEMPORELLE DANS LE DISCOURS

λP λe t1, t2

P(e) t1 =?

dist(t1, t2,”10minutes”) e⊆t2

λP λeP P0, t P(eP) P0=?

time(t)

dist(mint(eP0, tP0(eP0)), t,”10minutes”) eP ⊆t

t10mpt(P) =t10mpt

∀t0t10mpt(t0) =t l10mpt(P) =lP