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Confrontation des résultats numériques et expérimentaux

2.3 Les « joints sur puces » : des structures nanofluidiques modèles

2.3.5 Confrontation des résultats numériques et expérimentaux

On compare maintenant les résultats expérimentaux aux différents modèles d’écoule- ments présentés dans la section précédente. Pour les canaux droits d’ouverture uniforme, 71

2 – Écoulements gazeux raréfiés dans des puces nanofluidiques 104 105 106 ¯ p [Pa] 10−2 10−1 100 101 C × 10 11 [m · s] R100 R200 R300 R400 R500

(a) Réseaux homogènes.

104 105 106 ¯ p [Pa] 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 C × 10 11 [m · s] R#1 R#10 R#15 R#20 R#25 EMA (b) Réseaux hétérogènes.

Figure 2.18 – Comparaison numérique des conductances des puces réseau par modèle de réseau de pores (traits pleins) et milieux effectifs (traits pointillés et zones colorées) pour le modèle glissant de premier ordre. Les zones colorées représentent les bornes supérieures et inférieures de l’approximation des milieux effectifs.

les modèles numériques correspondent directement aux lois (2.44), (2.45), (2.46) et (2.47) pour dix canaux en parallèle. Pour les réseaux, ces lois « élémentaires » sont mises en œuvre dans le modèle de réseau de pores. Les résultats sont donnés sous forme de conduc- tance adimensionnelle, C, en fonction du nombre de Knudsen moyen sur la puce, Kn. Pour cela, la conductance adimensionnelle est définie de façon similaire à l’équation (2.33) pour le taux de fuite, ce qui donne :

C= Q h02∆p s 2M RT Lx Ly (2.55) où h0 est choisie comme l’ouverture intrinsèque caractéristique de la puce, distance sé-

parant deux plaques planes ayant la même transmissivité intrinsèque que la puce, K0.

Pour les réseaux, la transmissivité intrinsèque est calculée par simulation sur la géométrie idéale des puces (sans considérer les formes réelles des sections de types paraboles, etc.), on a alors h0 =√12K3 0. Les valeurs sont données dans le tableau B.1de l’annexeB. Pour

les canaux droits d’ouverture uniforme, h0 correspond directement à leur ouverture géo-

métrique. On donne également la définition du nombre de Knudsen moyen sur la puce, associé à l’ouverture caractéristique et à la pression moyenne sur celle-ci :

Kn = ¯phµ

0

s

πRT

2M (2.56)

Dans les simulations, le coefficient d’accommodation tangentielle pour de l’hélium sur une surface en silicium est choisi à σv = 0,92 (soit ξ = 1,17), valeur moyenne obtenue par

Hadj Nacer (2012) dans ses travaux présentés au début de ce chapitre.

Une partie des résultats sont présentés sur la figure 2.19, les courbes en traits pleins représentent les résultats obtenus par simulation numérique et les points sont les mesures expérimentales. Le reste des résultats est donné dans l’annexeB.

Dans l’ensemble, on constate que les résultats expérimentaux sont en relativement bon accord avec les simulations incluant du glissement. En particulier, à Kn suffisamment élevé, le modèle sans glissement (courbe noire) sous-estime grandement la conductance expérimentale (de plusieurs ordres de grandeur), ce qui montre la nécessité de tenir compte du glissement dans la modélisation.

Pour les canaux droits d’ouverture uniforme, on remarque que les mesures se situent généralement entre le modèle de premier ordre et le modèle phénoménologique de Beskok

et Karniadakis (1999). On observe très nettement un minimum de la conductance pour

2.4 – Conclusions

grand. À plus faible Kn, on note une hausse de la conductance qui spécifie l’atteinte du régime glissant. La variation de la conductance est alors similaire à celle offerte par le modèle phénoménologique Beskok et Karniadakis(1999).

Dans le cas des réseaux homogènes, le minimum de conductance n’est pas clairement observé expérimentalement comme pour les canaux droits. Il s’agit là possiblement d’un effet « réseau » (présence des nœuds), qui rend le comportement global différent de celui des canaux droits seuls. En revanche, à forte raréfaction, la conductance est là aussi constante. Les réseaux d’ouverture supérieure à 300 nm permettent également d’atteindre le régime glissant où se rejoignent tous les modèles, cela permet leur validation. Les réseaux R100 et R200 montrent un comportement différent, de conductance quasi-constante et inférieure à celle prédite par le modèle de premier ordre. Cela peut possiblement s’expliquer par la gravure qui est beaucoup moins large et profonde qu’attendue (voir figure 2.11). Quelle que soit la pression, l’écoulement reste alors assez raréfié et les simulations vont surestimer la fuite car elles sont réalisées sur les géométries idéales.

Les réseaux hétérogènes se comportent de façon similaire aux réseaux homogènes, on n’observe pas clairement de minimum et la conductance tend à devenir constante à fort Knudsen. Les figures 2.19e et2.19f permettent de comparer le comportement du réseau R#25 sur les deux wafers. On constate alors une différence notable, la fuite étant plus faible sur le wafer L107. Ceci est donc imputable à la gravure.

Les résultats ont permis de montrer que d’un point de vue macroscopique, la fuite dans les différentes puces est raisonnablement bien décrite par les modèles glissants proposés, au moins en terme de l’ordre de grandeur, et ce malgré la raréfaction importante atteinte, bien au-delà de leurs domaines de validité respectifs. Généralement, le modèle glissant de premier ordre sous-estime la fuite expérimentale. Compte tenu de la forte variation locale du nombre de Knudsen sur la puce, on peut poser la question de la représentativité de l’utilisation du nombre de Knudsen moyen, Kn, pour quantifier la raréfaction sur celle-ci. En raison de la forme des sections d’aspect parabolique plutôt que rectangulaire (voir figure 2.11), et de la largeur généralement plus faible, il est possible que les simulations réalisées donnent un débit légèrement plus important qu’il ne le serait avec la géométrie réelle. Il faudrait alors intégrer cette géométrie réelle dans les modèles, bien que nous ne disposions que de quelques échantillons sur certaines puces seulement. Il serait également d’intérêt de modéliser les écoulements au travers des puces par des méthodes adaptées à la forte raréfaction (DSMC, etc.).

2.4

Conclusions

Ce chapitre a tout d’abord présenté une revue de la littérature sur les gaz raréfiés, en particulier dans le régime glissant où l’on a introduit différents modèles de conditions aux limites de glissement aux parois, pour des géométries de type canaux droits. Il a également été présenté des études s’attachant à la détermination du coefficient d’accom- modation pour différents couples gaz/surface. Dans l’objectif de valider l’utilisation de modèles glissants en fracture rugueuse et dans des conditions de forte raréfaction (entrée à pression donnée et sortie proche du vide), des puces nanofluidiques en silicium sont fabriquées par un procédé de photolithographie par niveaux de gris. Les structures gra- vées sont notamment de type canaux droits ou réseaux hétérogènes de canaux droits, et leur structure est relativement bien maîtrisée. La caractérisation des structures gravées a toutefois montré que les sections droites des canaux sont de forme parabolique au lieu de rectangulaire, et que leur largeur est, dans l’ensemble, légèrement plus petite que prévue. Les essais expérimentaux de mesure de débit gazeux au travers des puces sont réalisées et comparées à des simulations numériques par réseau de pores. Les régimes d’écoulements moyens s’étendent du régime glissant au régime moléculaire libre. On montre alors que dans l’ensemble, les modèles répliquent de manière satisfaisante le comportement global des puces quel que soit le régime. Cela laisse entrevoir l’utilisation de tels modèles dans 73

2 – Écoulements gazeux raréfiés dans des puces nanofluidiques 10−2 10−1 100 101 102 103 Kn 0 1 2 3 4 5 6 C Non glissant Burgdorfer, 1959 Beskok & Karniadakis, 1999 Alexander et al., 1994 C400(1) C400(2) (a) C400 sur L070. 10−2 10−1 100 101 102 103 Kn 0 1 2 3 4 5 6 C Non glissant Burgdorfer, 1959 Beskok & Karniadakis, 1999 Alexander et al., 1994 C300(1) C300(2) (b) C300 sur L107. 10−1 100 101 102 103 104 Kn 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 C Non glissant (PNM) Burgdorfer, 1959 (PNM) Beskok & Karniadakis, 1999 (PNM) Alexander et al., 1994 (PNM) R100(1) R100(2) (c) R100 sur L107. 10−1 100 101 102 103 104 Kn 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 C Non glissant (PNM) Burgdorfer, 1959 (PNM) Beskok & Karniadakis, 1999 (PNM) Alexander et al., 1994 (PNM) R400(1) R400(2) (d) R400 sur L107. 10−1 100 101 102 103 104 Kn 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 C Non glissant (PNM) Burgdorfer, 1959 (PNM) Beskok & Karniadakis, 1999 (PNM) Alexander et al., 1994 (PNM) R#25(1) R#25(2) (e) R#25 sur L070. 10−1 100 101 102 103 104 Kn 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 C Non glissant (PNM) Burgdorfer, 1959 (PNM) Beskok & Karniadakis, 1999 (PNM) Alexander et al., 1994 (PNM) R#25(1)

R#25(2)

(f) R#25 sur L107.

Figure 2.19 – Comparaison des résultats expérimentaux (points gris) aux différents mo- dèles (traits pleins).

2.4 – Conclusions

des fractures rugueuses par la suite. Des améliorations restent cependant à apporter, en commençant par l’intégration au mieux de la géométrie réelle gravée dans les modèles, et la validation par des méthodes adaptées aux régimes très raréfiés.

Chapitre 3

Application au problème de

l’étanchéité

L

es stratégies utilisées pour modéliser l’écoulement faiblement compressible d’un gaz en fracture rugueuse, en présence d’une condition limite de glissement aux parois sont présentées dans ce chapitre. Dans un premier temps, le développement de l’équation de Reynolds avec une correction de glissement de premier ordre à l’échelle microscopique est présenté. Ensuite, un changement d’échelle est effectué, permettant le passage d’une description microscopique de l’écoulement à l’échelle macroscopique. Enfin, un méthode à deux échelles permettant de déterminer la transmissivité de la fracture entière est exposée.

3.1

Modèle d’écoulement à l’échelle microscopique

La mise en contact de deux surfaces rugueuses ne permet généralement pas d’obtenir un contact parfaitement conforme, laissant ainsi des espaces libres entre ces dernières. Une telle structure est bien souvent appelée fracture, ou champ des ouvertures. Une fracture rugueuse réelle est usuellement caractérisée par une microstructure géométrique hétéro- gène constituée de zones ouvertes, d’aspect multi-échelle, ainsi que de zones de contact, d’ouverture nulle. La nature multi-échelle de la topographie rend la modélisation des écou- lements de fluide assez complexe. En effet, le domaine d’étude peut avoir des dimensions centimétriques ou plus, tout en contenant des détails d’ordre micrométriques ou moins et ayant un impact important sur le transport global de fluide (Lorenz et Persson,2009;

Dapp et Müser, 2016). Pourtant, la connaissance de cette propriété de transport (idée

de perméabilité du milieu) représente un enjeu crucial dans certaines applications indus- trielles, pouvant déterminer la viabilité de tout le processus en question. On peut citer par exemple, dans le cas des roches fracturées, la récupération de fluide dans ces fractures, ou encore la capacité d’une formation rocheuse à être imperméable pour former une cou- verture de roche réservoir (Mourzenko et al., 1995; Berkowitz, 2002). Un autre exemple d’intérêt particulier dans ce travail est le cas des joints d’étanchéité métalliques qui inter- viennent, entre autres, dans la conception des réacteurs nucléaires ou pour les applications d’ultravide (Lefrançois,2004).

La plupart des travaux de la littérature s’intéressent à l’écoulement de liquide incom- pressible (Marie et al., 2003; Marie et Lasseux, 2007; Vallet et al., 2009; Ledoux et al.,

2011; Pérez-Ràfols et al., 2016a). Dans ce travail, nous nous attacherons cependant au

cas d’un écoulement de gaz. Lorsque l’ouverture de la fracture est comparable au libre parcours moyen du gaz, des effets de raréfaction (ou effet Knudsen) apparaissent, ce qui peut modifier de manière importante les propriétés de transport de masse, de quantité de mouvement ou de chaleur à travers le champ des ouvertures. Cet effet est quantifié par le nombre de Knudsen, Kn, rapport du libre parcours moyen du gaz et d’une ouverture caractéristique. Dans le régime glissant, il est possible de prendre en compte cet effet en conservant une description continue du milieu par les équations classiques de Navier- Stokes, mais en introduisant une condition limite de glissement du fluide aux parois de la fracture. Une telle situation a été particulièrement étudiée pour des applications micro- fluidiques en géométrie idéale (tubes, canaux droits) (Porodnov et al.,1974;Arkilic et al.,

3 – Application au problème de l’étanchéité

1997;Beskok et Karniadakis,1999;Dongari et al.,2007;Cai et al., 2007) ou pour l’écou-

lement de gaz en milieu poreux (Klinkenberg, 1941; Skjetne et Auriault, 1999; Lasseux et al.,2014,2016). Cette approche est employée et développée au cas d’une fracture dans

la suite de cette section.