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2.3 Les « joints sur puces » : des structures nanofluidiques modèles

2.3.4 Modélisation numérique des écoulements gazeux

2.3.4.2 Approximation des milieux effectifs

Une seconde approche consiste en l’utilisation de la méthode des milieux effectifs (ef-

fective medium approximation, EMA), qui est une méthode de champ moyen pour décrire

le comportement global d’un système à partir de la connaissance de ses constituants élé- mentaires. Cette approche est adaptée lorsque le système étudié est, par exemple, un réseau infini loin de son seuil de percolation (Kirkpatrick,1973;Koplik,1981). Citons éga- lement son utilisation dans le domaine de l’étanchéité liquide, où le champ des ouvertures 69

2 – Écoulements gazeux raréfiés dans des puces nanofluidiques

est décrit par un réseau de percolation, et menant à des résultats pertinents (Fluckiger,

2005).

Pour un réseau fait de conductances dont la valeur est distribuée aléatoirement selon une certaine loi de probabilité, l’idée de la méthode est de déterminer une conductance équivalente des liens du réseau, ¯g, de telle sorte que le comportement moyen du réseau soit inchangé lorsque chacune de ces conductances locales aléatoires est remplacée par ¯g. Par analogie avec le transport du courant dans un réseau électrique,Kirkpatrick (1973) décrit le raisonnement menant à la détermination de la conductance équivalente de manière auto- cohérente (non présenté ici). La valeur de la conductance équivalente ¯g est alors choisie telle que l’équation intégrale (2.53) soit satisfaite, où g est la conductance des liens, de densité de probabilité f(g).

Z g −¯g

g+ η¯gf(g) dg = 0 (2.53)

avec η = z/2 − 1 la coordinance réduite et z la coordinance d’un nœud, c’est-à-dire le nombre de voisins que possède le nœud. Pour les réseaux réguliers de canaux présentés dans ce chapitre, nous avons z = 4 et donc η = 1. Le débit global au travers du réseau constitué de la conductance équivalente ¯g sur chacun de ses liens (en bonnes circonstances,

Q= ¯g∆p) peut ensuite être comparé aux débits fournis par le modèle de réseau de pores

et aux résultats expérimentaux par exemple. L’approche des milieux effectifs permet donc d’estimer aisément la conductance globale d’un réseau à partir de la seule connaissance de la densité de probabilité de la conductance de ses liens.

Les réseaux étudiés dans ce travail sont d’une taille relativement modeste de 200 liens (11 rangés selon y, faites de 10 canaux et 9 rangés selon x, faites de 10 canaux également, voir figure 2.8). Le débit global donné par l’approximation des milieux effectifs souffrira alors passablement d’un effet de taille finie par rapport à celui du modèle de réseau de pores. D’autre part, le calcul numérique de l’intégrale (2.53) nécessite la connaissance de la fonction densité f. Dans le cas d’un problème linéaire (écoulement de liquide par exemple), les conductances des liens sont uniquement fonction de leur géométrie et la densité est alors facilement accessible au préalable (Fluckiger,2005). Dans le cas d’un problème non- linéaire comme c’est le cas ici pour un écoulement de gaz, les conductances locales sont au minimum fonction de la pression moyenne sur les liens, qui vont varier à l’échelle du réseau (par exemple, deux liens ayant même géométrie mais une pression moyenne différente auront une conductance différente). Cela modifie donc la densité de probabilité par rapport au cas linéaire. Pour pouvoir poursuivre avec l’utilisation de l’équation (2.53), il est nécessaire de faire une estimation de la fonction densité. Dans le cas sans glissement et avec glissement de premier ordre, la variabilité de la conductance des liens n’est due qu’à la variabilité de leurs géométries et de la pression moyenne (voir équations (2.44) et (2.45)). Pour ne conserver qu’une variabilité géométrique (a fortiori uniquement une variabilité des profondeurs hi), on considère que la pression moyenne sur chacun des liens du réseau est identique et égale à la pression moyenne sur la puce (c’est-à-dire ¯pi = ¯p). Il s’agit là de linéariser le problème. On peut également fournir une estimation haute et basse des conductances en choisissant toutes les pressions moyennes sur les liens comme la pression interne (¯pi = Pi) ou externe (¯pi = Pe) respectivement. La densité de probabilité est donc celle d’une loi uniforme discrète pour les six profondeurs (de 0 nm à 500 nm), donnée par l’équation (2.54) :

f(g) = 1 6 X i δ(g − gi) = 1 6(δ(g) + δ(g − g100) + · · · + δ(g − g500)) (2.54)

où δ est la distribution de Dirac et g100 est la conductance d’un lien de profondeur

100 nm (de même pour les autres profondeurs). Selon le modèle utilisé, les conductances

gi correspondent bien entendu aux équations (2.44) où (2.45). Pour les modèles phéno- ménologiques, la conductance dépend, en plus, des pressions absolues sur les liens (voir

2.3 – Les « joints sur puces » : des structures nanofluidiques modèles

équations (2.46) et (2.47)). Contrairement au cas précédents, on ne peut pas choisir une fonction densité de façon objective. Ces cas ne sont pas traités par la suite.

Pour illustrer la méthode des milieux effectifs, on la compare au modèle de réseau de pores sur les réseaux homogènes et hétérogènes, en utilisant un modèle glissant de premier ordre comme loi de conductance (équation (2.45)). Pour cela, on considère un écoulement d’hélium à température ambiante, on fixe la pression externe sur la puce à

Pe = 1 Pa et on fait varier la pression interne Pi de façon à ce que la pression moyenne sur la puce ¯p s’échelonne de 104Pa à 106 Pa (conditions proches des essais expérimentaux).

Les résultats sont présentés sur la figure2.18. Les traits pleins donnent la conductance du réseau obtenue par le modèle de réseau de pores en fonction de la pression moyenne. Les traits pointillés sont les résultats obtenus par milieux effectifs lorsque l’on considère que chaque lien voit la pression moyenne. Les zones colorées correspondent aux estimations haute et basse de la méthode des milieux effectifs (en considérant que chaque lien est soumis à une pression moyenne égale à Pi ou Pe respectivement).

Pour tous les réseaux homogènes, on observe que la méthode des milieux effectifs est en bon accord avec le modèle de réseau de pores. Un écart permanent de 10% entre les deux modèles est constaté pour chaque réseau. Il est en grande partie dû à un effet de taille finie du réseau. Pour corriger cet effet, on prend en compte la géométrie réelle du réseau où chaque lien possède la conductance ¯g, le réseau se comporte alors comme 11 rangées de canaux droits, chacun constitué de 10 conductance de valeur ¯g. La conductance appa- rente du réseau n’est plus simplement ¯g mais 11¯g/10 = 1,1¯g. Cette correction permet de réduire l’écart entre PNM et EMA à seulement 1% au maximum sur la gamme de pression étudiée (écart maximal obtenu à forte pression). Ce reliquat est dû à la non-linéarité plus importante de l’écoulement à forte pression (fort ∆p) qui n’est pas correctement captée par l’EMA (bornes haute et basse très éloignées par rapport à la valeur moyenne en traits pointillés).

Pour les réseaux hétérogènes, on observe tout d’abord un comportement différent entre les réseaux, en raison de la variabilité dans l’hétérogénéité des liens (réalisations aléatoires différentes des structures). Le flux est tantôt gouverné par des passages préférentiels très conducteurs ou peut, à l’inverse, ne pas être très conducteur dans sa globalité, d’où la variabilité observée. Le milieu effectif se comporte comme un modèle « moyen » et reste en accord raisonnable avec les modèles de réseau de pores, l’écart minimal est de 5% pour R#1, l’écart maximal de 30% pour R#15. Ces écarts relativement importants sont dûs à la petite taille des réseaux et à leur forte hétérogénéité dans le comportement. Augmenter la taille des réseaux (le nombre de liens) aura pour effet d’estomper cette variabilité et de se rapprocher du comportement moyen donné par les milieux effectifs.

En conclusion, on peut dire que la méthode des milieux effectifs donne une bonne approximation du comportement des réseaux par rapport au modèle de réseau de pores. Pour l’estimation des conductances, l’utilisation d’une pression moyenne unique (celle vue par la puce) semble fournir une appréciation correcte de la conductance globale du réseau. Il est envisageable de coupler l’EMA à un processus itératif qui permette d’estimer des pressions moyennes locales des liens, et donc une fonction densité des conductances plus représentative. D’autre part, la petite taille des réseaux introduit des effets très visibles sur la conductance apparente globale. Dans le cas des réseaux hétérogènes, on a donc une variabilité importante entre les réseaux de pores et le milieu effectif. La petite taille des réseaux fait également que le calcul direct par réseau de pores n’est pas très coûteux, rendant la méthode des milieux effectifs moins attractive ici. On conservera seulement cette première approche par la suite.