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Confiance en l’authenticité de la certification halal

Section II- Les déterminants de la consommation halal

II.5 Confiance en l’authenticité de la certification halal

La différenciation est un avantage qui permet doter un produit d’une identité unique. Les opportunités de se différencier sont désormais rares et sont vite rattrapées par les concurrents (Rajagopal et alii, 2011). La qualité halal offre,

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dans cette perspective, l’opportunité pour sortir du lot, la certification, quant à elle, intensifie cet avantage.

En plus d’être un marqueur de différenciation, le halal est aussi un gage d’une certaine qualité. Dans le cadre général, la littérature portant sur les produits alimentaires soutient que les signes de qualité inspirent confiance au consommateur. La profusion de produits dans les magasins alimentaires, conditionnent l’individu à la recherche de toute assurance qui peut lui permettre de repérer les produits de qualité supérieure et gagner ainsi du temps en optimisant ses choix. Les sceaux représentent l’un des outils qui permet d’aider le consommateur dans cette tâche. Ces labels jouissent généralement d’une certaine confiance de la part des consommateurs (Loisel et Couvreur, 2001). En pratique, les marchés agroalimentaires ont flairé cette attention et se caractérisent notablement, ces dernières années, par le développement d’un éventail d’offres et de demandes de qualification des produits sans cesse élargi.

Dans ce domaine de certification de la qualité des aliments, la labellisation halal est considérée comme relativement récente par rapport aux repères de qualité déjà existants tels que HACCP (Hazard Analysis of Critical Control Points), ISO (ISO 9001: 2000 ou ISO 22000: 2005), Bio ou encore équitable. Parmi ces étalons de qualité, nous retrouvons les produits dits ethniques qui se démocratisent et sont de moins en moins minoritaires. Stratégiquement parlant, ces certifications classiques et halal ont certainement des points en commun, mais il est important de noter que ce label ethnique et religieux diffère de tout autre sur certains aspects. Si le terme «qualité» est utilisé dans son sens le plus commun pour caractériser ce qui est meilleur ou pire dans une comparaison, ou encore pour fixer des caractéristiques de base pour qualifier un produit, dans le domaine du halal il ne s’agit plus de consensus commun mais de prescriptions divines tirées du Coran et d’autres lois islamiques. Cette différence fondamentale définit les lignes directrices de la distinction de la qualité halal de la qualité conventionnelle (Prabowo, 2015). Un autre exemple de labellisation ethnique qui confirme le succès de ce genre de certification est le marché du «cacherout». Depuis ce succès, de plus en plus d’entreprises embarquent dans cette aventure de certification de leur production. Le halal semble représenter une continuité dans cet historique du dispositif de labellisation.

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Pour les consommateurs musulmans, les produits qui portent ce logo halal sont plus valorisés que ceux portant une certification classique ou conventionnelle, parce que le halal est perçu comme plus sain et le processus de transformation comme rituellement virtueux. Relevons dans ce sens, que dans une enquête visant à identifier les facteurs qui influencent le choix des consommateurs de produits, 891 sur un total de 1000 répondants ont indiqué que le label halal a joué un rôle dans leur décision d'achat (Shafie et Othman, 2006). Rappelons qu’on retrouve une grande variété de produits alimentaires conformes à l’Islam dans les grandes surfaces. Ces produits qui entraient au départ sous l’égide de la niche du marketing ethnique, représentent désormais un vaste marché incontournable (Pras et Vaudour-Lagrâce, 2007). Notons à ce niveau que la certification halal est avant tout un processus qui garantit la conformité d’un produit avec des normes et exigences (cahier des charges); les produits qui y sont soumis peuvent donc être consommés par des individus qui observent et se soumettent aux règles et enseignements de la religion de l'Islam, concernant la consommation des aliments en général. La labellisation halal d’un produit ou d’un service suppose un certain nombre de conditions lors de la production, la transformation, le conditionnement ou encore les prcessus de commercialisation d’un produit. L’ensemble de ces opérations doit être licite du point de vue de la «Charia’a»20 islamique. Les

fabricants et les commerçants utilisent cette labellisation mais aussi son sceau comme un moyen d'informer et de rassurer leurs consommateurs cibles, que leurs produits sont authentiques et conformes à la «Charia’a» (Shafie et Othman, 2006). L’expansion grandissante de ces industries de transformation a donc provoqué une demande exponentielle de labellisation halal de leurs produits de la part des croyants (Cazes- Valette et Bernard, 2011).

Soulignons d’autre part que la consommation halal dans les pays de foi non musulmane dépend, dans une grande mesure, de la confiance en la labellisation halal apposée sur les produits (Brunsø et alii, 2002; Grunert, 2006), mais aussi de la qualité de cette authentification (Bonne et alii, 2007). Cette certification est aussi importante, si on considère que les acteurs du marché halal ne sont plus exclusivement représentés par des entreprises islamiques. Ces dernières ont longtemps bénéficié de leurs caractéristiques communautaires, mais

20 Ensemble de normes doctrinales, sociales, culturelles, et comportementales édictées par les révélations du prophète Mohamed.

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doivent désormais cohabiter avec des entreprises occidentales non musulmanes fabriquant en parallèle des produits proscrits pour répondre aux besoins d’une population à demande hétérogène (Pras et Vaudour-Lagrâce, 2007). De surcroît, l’opportunité de l’authentification est argumentée par l’importance de la diaspora musulmane qui se fait ressentir de plus en plus de nos jours, non seulement sur le plan social mais aussi politique et économique, avec la croissance de la demande de produits certifiés halal (Riaz et Chaudry, 2004; Shafie et Othman, 2006). Remarquons également que le halal est une caractéristique de qualité qui peut difficilement être évaluée ou constatée par le consommateur, au moment même de la consommation ou dans certains cas après l’incorporation de l’aliment (Darby et Karni, 1973; Grunert, 2005). Par conséquent, les consommateurs doivent se fier au vendeur, à leur observation, et placent une très grande confiance dans la source d'information et les informations reçues (Hanzaee et Ramezani, 2011). Ainsi, en dehors des caractéristiques intrinsèques du produit, la certification dépend d’un ensemble de principes comme l'honnêteté, la confiance et l'acceptabilité absolue de la nourriture comme étant halal (LPPOM MUI, 2012). Ainsi, la certification semble en grande partie dépendre des croyances religieuses générales. En effet, la religion musulmane soutient par un «Hadith» rapporté du prophète, que «les actes ne valent que par les intentions»«innamâ al aâmal biniyyat». Cela signifie que si le certificateur prétend que c’est du halal et que la personne a vérifié l’existence de cette certification (intention), il n’est nul besoin d’aller chercher une deuxième authentification (action). La personne peut consommer (action) sans culpabilité (émotion). Le principe de la confiance en l’honnêteté prévaut. Ce principe est d’ailleurs un autre fondement de l’Islam, la suspicion d’autrui «Sou’ idhan» est à bannir dans le comportement du musulman modèle (LPPOM MUI, 2012). En conséquence, le label représente le moyen idéal pour les producteurs d’indiquer à leurs consommateurs cibles que leurs produits respectent la norme islamique, tout en affirmant un avantage concurrentiel par rapport aux concurrents qui n'auraient pas de certification halal.

Sur le plan de l’offre, le marché du halal est sans doute un sujet très sensible et la question de la labellisation l’est encore davantage. Arriver à imposer ou à faire reconnaitre un standard représenterait, non seulement, un avantage compétitif local considérable, mais aussi international (Pras et Vaudour-Lagrâce, 2007). Dans le contexte français, le dispositif de certification est particulièrement

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complexe, parce qu’il n’obéit pas à des règles précises. Il l’est encore plus dans le cas des produits carnés pour lesquels le dispositif de certification officiel (par exemple Label Rouge ou Label AB, tous deux propriétés du Ministère de l’Agriculture) ne peut prévaloir pour garantir la licéité pour cause de laïcité officielle de l’État (Cazes-Valette, 2011). Dans ce cas particulier, la certification est du ressort de plusieurs types d’opérateurs adoptant différentes stratégies (Bergeaud- Blackler, 2008). Le cas de la viande montre brillamment cette complexité par la multiplication d’organismes prétendant à cette fin. Parmi ces opérateurs, retenons les certificateurs, comme:

AVS (l’une des plus anciennes), MCI (Muslim Conseil International), l’association de contrôle et de certification des produits halalagréée KARAMA, le Groupement Islamique des Sacrificateurs et Contrôleurs Musulmans (GISCOM) ou le Bureau de Contrôle de l’Alimentation et de l’Authentification Religieuse (BCAAR). Il existe aussi des entreprises internationales dont la plus connue est IFANCA (premier organisme de certification halal aux États-Unis) qui se tourne à présent vers le marché européen de la certification halal» (Bergeaud- Blackler, 2005, p.18).

Notons également qu’il y a plusieurs acteurs qui se spécialisent dans la tâche particulière de l’authentification de la viande halal, tels que:

les abatteurs-certificateurs, qui produisent et certifient eux-mêmes; les certificateurs-processeurs-distributeurs (exemple du groupe BHM); les sacrificateurs-certificateurs, qui proposent de certifier les carcasses des animaux qu’ils égorgent; les distributeurs qui jouent un rôle indirect dans la certification et s’investissent dans la mise au point de systèmes de traçabilité (exemple: Groupe GHT), dans l’organisation de foires commerciales et dans l’élaboration de principes de la certification (exemple:Medina hallal, Isla-mondial, Isla-delice), et finalement les mosquées agréées par l’État qui constituent la dernière catégorie d’acteurs du marché de la certification halal» (Bergeaud- Blackler, 2005, p19).

Soulignons également que la littérature retient une méfiance croissante envers ces labels. Cette méfiance est née du cadre général d’insécurité alimentaire que nous avons évoqué précédemment, mais aussi des conséquences des enjeux et des opportunités du marché du halal. Une des controverses qui ternit la réputation

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de cette labellisation est la véracité de l’authenticité et la qualité de la certification halal des produits vendus en grande surface, remises en cause par un certain nombre de « croyants ». Cela pose aussi le problème de la traçabilité, de la confiance et de l’authentification, si importantes en Islam. Le marché est effectivement alléchant et offre des marges que les labels de qualité conventionnels ne peuvent se permettre. Corolairement, les rumeurs de fausse viande halal deviennent fréquentes. L’irrégularité de la qualité de ces produits ne cesse de faire aiguiser la suspicion des consommateurs (Bergeaud-Blackler, 2005). Le débat est donc complexe. Les musulmans traditionnels s’avèrent être très sensibles à la question de la qualité et de la fiabilité de la certification. La question fondamentale qu’il faut se poser, en termes d’avantage concurrentiel, est celle de la qualité des sceaux halal mais aussi de leur potentiel à chasser le doute et la suspicion (Pras et Vaudour-Lagrâce, 2007).

Cette méfiance envers la certification, mais aussi le caractère attrayant de ce marché ont donné lieu à des avancées technologiques, en marge de ce marché, qui ont toutes pour objectif de rassurer davantage le consommateur. Certaines de ces «inventions» prouvent le manque de confiance absolue envers les certifications et proposent, grâce à des «kits» prêts à l’emploi, de vérifier l’authenticité du caractère halal, notamment l’absence d’alcool et de viande de porc dans les plats préparés. D’un autre côté, et dans un tout autre domaine, plusieurs applications accessibles sur téléphone (androids), proposées par des collectifs comme «Scan Halal» ou encore par des certificateurs (AVS) «Just Halal», offrent de vérifier l’authenticité des certifications en scannant simplement les logos (Itunes, 2015). D’autres applications, par exemple «AnnuHalal», proposent d’aider à trouver des restaurants halal partout dans le monde. Dans ce dernier exemple, des chercheurs se penchent depuis quelques années sur l’application de la technologie NFC (Near Field Communication) pour la vérification (Kadir et alii, 2015).

Toutes les considérations précédentes montrent que l’authentification du caractère halal des produits représente vraisemblablement un déterminant de cette consommation à caractère religieux. Nous formulons ainsi les deux hypothèses suivantes:

H5-1: Il y a un effet positif de la confiance en l’authenticité de la certification sur la consommation halal.

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H5-2: Il y a un effet positif de l’attachement aux principes généraux de la religion musulmane sur la confiance en l’authenticité de la certification halal.

Après avoir étudié chaque variable à part et investigué les relations entre les concepts, nous consacrons la dernière section de ce chapitre à la récapitulation de nos hypothèses et à la présentation d’un cadre conceptuel éclairé par les apports de la littérature présentée.

Section III: Rappel des hypothèses et présentation du cadre conceptuel