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La concurrence en prix dans le secteur ferroviaire : Pourquoi le signal prix est-il

La partie précédente nous a permis de détailler le mode de fixation des tarifs dans le secteur ferroviaire français. Si nous avons commencé à donner certains éléments techniques (importance des coûts fixes et comparaison avec d’autres secteurs), nous ne sommes toutefois pas entrés dans un grand niveau de détails. Or une description plus fine du fonctionnement technique du secteur ferroviaire est selon nous nécessaire pour comprendre pourquoi le fonctionnement économique de celui-ci pourrait différer de celui d’autres secteurs (en particulier les télécommunications et le transport aérien qui servent de modèle à la libéralisation actuelle) nécessitant une adaptation du schéma institutionnel promu par la Commission européenne. C’est l’objectif de la présente partie. Dans cette partie, les institutions qui nous intéressent sont toutes celles qui ont une influence sur la formation des tarifs d’accès à l’infrastructure et des services de transport : textes légaux et règlementaires encadrant la tarification de RFF et de la SNCF, pouvoir du ministère et des autorités de régulation, représentations des agents, etc. Nous allons examiner la question de l’interaction entre ces institutions et fonctionnement technique à tous les niveaux (amont et aval) du signal prix. La séparation verticale du secteur ferroviaire a conduit à l’apparition d’un nouveau prix : celui payé par les entreprises ferroviaires au gestionnaire d’infrastructure. Nous verrons dans notre Chapitre 1 que la nature même du bien vendu (la capacité ferroviaire) restreint les possibilités d’utilisation de mécanismes de marché pour fixer ce prix et attribuer les capacités aux différentes entreprises ferroviaires.

La pertinence théorique de la séparation verticale imposée par la Commission européenne repose sur le postulat que les frontières du monopole naturel s’arrêtent à l’infrastructure et ne s’étendent

pas aux activités d’exploitation. Nous verrons que les caractéristiques du matériel roulant TGV sont probablement incompatibles avec cette hypothèse. Or, une remise en cause de cette hypothèse (c’est-à-dire la reconnaissance de la possible existence d’activités « naturellement » en monopole à l’aval) rend totalement caduque les modèles de tarification définis dans la directive 2012/34/UE (cf. Partie 2 Chapitre 2) : la tarification de l’infrastructure ne peut être de forme Ramsey-Boiteux (problème de double marginalisation) et le prix à l’amont doit être régulé par l’État comme pour tout monopole naturel. Ce point fait l’objet de notre Chapitre 2.

Dans notre Chapitre 3 nous verrons que la concurrence intermodale, qui sans être une spécificité réellement « technique » du secteur n’en est pas moins propre à celui-ci264, rend plus difficile le prélèvement d’une marge importante par l’opérateur ferroviaire sur le marché aval. Pour le dire autrement, le signal prix au niveau du service de transport ferroviaire est fortement contraint par l’existence d’autres modes de transport (routier et aérien) aux structures de coûts bien différentes. La couverture des coûts complets, objectif poursuivi dans les secteurs des télécommunications et de l’énergie, nous semble donc inatteignable dans le secteur ferroviaire.

Pour finir, nous revenons dans notre Chapitre 4 sur les représentations des agents et l’importance de la notion service public - pourtant très mal définie - dans ce secteur. Déterminer la nature d’une activité (commerciale vs service public) a en effet des conséquences très concrètes en termes de tarification, à l’amont comme à l’aval :

 Si une activité relève du service public, elle doit être mise en concurrence pour le réseau. La tarification de l’infrastructure est une tarification binôme. Les tarifs des services sont contrôlés par les pouvoirs publics.

 Si au contraire une activité ne relève pas du service public, une concurrence frontale peut être envisagée (hors d’une situation de monopole naturel telle que décrite dans le Chapitre 2). Les prix des services doivent être librement déterminés par les forces du marché. La tarification de l’infrastructure est calculée à partir du coût marginal, complété si possible d’un mark-up à la Ramsey-Boiteux.

264 Pour étayer cette affirmation, nous nous fondons sur la pratique décisionnelle de l’Autorité de la

Concurrence et sur la jurisprudence de la Commission européenne. De manière constante dans leurs décisions, ces deux autorités considèrent que les services de transport aérien et ferroviaire, voire routier, peuvent être considérés sous certaines conditions comme substituables (voir par exemple COMP/38477 British Airways/SN Brussels Airlines ou décision 07-D-39 de l’Autorité de la Concurrence). En revanche, la fourniture d’électricité a toujours été considérée comme non substituable à celle d’une autre énergie (comme le gaz de ville) et les appels téléphoniques non substituables à d’autres modes de communication comme les courriers électroniques ou postaux.

Dans une démarche qui repose sur les outils développés par la nouvelle économie institutionnelle, ce Chapitre 4 s’interroge sur les différentes « couches » d’institutions - réglementaires, normatives et culturelles/cognitives pour reprendre la typologie de (Scott, 2008) – coexistant dans le secteur ferroviaire et sur un possible mauvais alignement entre celles-ci. Nous verrons que ce mauvais alignement résulte de l’incompatibilité entre les exigences communautaires en matière de délimitation d’un service public et la nature même du service ferroviaire.

Les différents chapitres de cette troisième partie nous permettront également de déterminer plus précisément quelles sont les caractéristiques institutionnelles (existence d’un service public) et techniques (frontière du monopole naturel) qui font qu’un service de transport ferroviaire doit être organisé en concurrence « sur » le réseau plutôt qu’en concurrence « pour » le réseau.

Chapitre 1.

La prise en compte de la spécificité de l’objet sillon en cas