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Conclusions générales

Cette étude concerne l’adsorption de composés organiques volatils du silicium (siloxanes) sur des adsorbants du type charbon actif. L’application visée est la purification du biogaz. Les problèmes à résoudre sont d’améliorer d’une part l’efficacité des adsorbants en présence d’humidité, et d’autre part leur régénérabilité par traitement thermique. D’un point de vue fondamental, le travail vise à identifier les facteurs pouvant influencer ces deux propriétés.

Trois CA commerciaux appelés STIX, AP4 et 207C ont été choisis pour leur utilisation dans le traitement de gaz et d’air et caractérisés par des méthodes physicochimiques. Leur texture est essentiellement constituée de micropores, ce qui génère une aire spécifique élevée variant entre 766 (STIX) et 1207 (207C) m2 g-1. L’analyse thermograviméthique et les analyses élémentaires (EDX, ICP-AES) ont mis en évidence la présence d’impuretés inorganiques : principalement K, Al et Si dans le STIX, Si, Al et Ca dans l’AP4. Le 207C se révèle le plus pur mais il contient néanmoins des traces de K. L’analyse de la chimie de surface par XPS a montré la présence de groupements oxygénés de surface, tels que C-O, COOH, dans des proportions similaires pour les trois CA. Tous les échantillons étudiés présentent un caractère basique qui augmente dans le sens : 207C < AP4 < STIX.

L’octaméthylcyclotétrasiloxane (D4) a été principalement étudié dans ce travail en raison de sa teneur dans le biogaz plus importante que les autres composés. Dans un premier temps, la faisabilité d’utiliser la technique DRIFTS pour étudier in situ le processus d’adsorption de D4 sur le STIX ainsi que sa thermodésorption en température programmée a été évaluée. Il en résulte que l’observation de D4 en phase adsorbée durant l’adsorption à température ambiante n’est pas possible en raison de la réponse prédominante de D4 en phase gazeuse. En revanche la technique permet l’étude de la phase adsorbée après élimination de la phase gazeuse. Les bandes caractéristiques de D4 en phase adsorbée sont déplacées de quelques cm-1 par rapport à celles du gaz, ce qui est dû à l’interaction de la molécule avec les groupements fonctionnels de surface du charbon. La thermodésorption révèle, en plus du dégagement du D4, celui de D3, ce qui suggère une transformation du D4 au cours de ces diverses étapes. Cette étude préliminaire montre l’intérêt de la technique DRIFTS pour identifier les produits de décomposition du siloxane dégagés pendant la thermodésorption.

Dans une deuxième étape, une étude comparative des CA sélectionnés (STIX, AP4 et 207C) a été réalisée. Les capacités d’adsorption de D4 ont été mesurées par adsorption dynamique suivie par chromatographie et par gravimétrie à l’équilibre. AP4 montre une meilleure capacité d’adsorption (270 mg g-1) que STIX (160 mg g-1) et 207C (155 mg g-1). Les volumes microporeux correspondant aux pores de taille supérieure au diamètre critique de D4 sont équivalents pour ces trois matériaux. Il en a été déduit que le paramètre texture ne permet pas d’expliquer les propriétés adsorptives différentes.

Les isothermes d’adsorption d’eau à température ambiante ont révélé l’existence de sites hydrophiles et la quantité de ces sites augmente dans le sens AP4 < 207C < STIX. Les

isothermes de co-adsorption du D4 et de l’eau ont révélé que l’adsorption de D4 sur ces sites peut être inhibée par l’adsorption préférentielle de l’eau sur les sites hydrophiles à faible humidité relative (<55%). En l'absence de sites hydrophiles, la compétition entre H2O et D4 est plus faible et progressive. Pour des valeurs d’humidité relative supérieures à 55%, l’adsorption de H2O se produit par condensation capillaire sur tous les charbons, ce qui induit une diminution de la capacité d’adsorption du D4.

La régénérabilité thermique des CA après adsorption de D4 a été étudiée en effectuant une série de 3 cycles d’adsorption – thermodésorption. Une perte progressive de capacité d’adsorption a été observée pour les CA contenant des métaux alcalins. L’étude par DRIFTS a mis en évidence, au cours de la thermodésorption, le dégagement de D3 gazeux en plus de celui du D4. L’apparition de D3 en phase gaz est expliquée par la dégradation, sous l’effet de la chaleur, de polysiloxanes ou polysiloxanolates linéaires formés dans la porosité. La dégradation de ces espèces ne serait que partielle à l’issue du traitement thermique, ce qui conduirait à une réduction de la capacité d’adsorption du CA par blocage partiel de la porosité.

Un mécanisme du type « ring opening » de D4 et polymérisation en siloxanes linéaires sur des sites basiques forts (polymérisation anionique) est proposé. La nature précise de ces sites n’est pas complètement comprise mais il semble qu’il existe un lien avec la présence d’alcalins (K, Na). En l’absence de ces sites, la régénération est complète. L’éventuelle formation de composés du type polysiloxanolate pendant l’adsorption à température ambiante entrainant le blocage partiel de la microporosité pourrait expliquer une performance plus faible de STIX et 207C par rapport à AP4. A l’inverse, l’exceptionnel comportement de AP4 tant du point de vue capacité d’adsorption que sensibilité à la vapeur d’eau et régénérabilité, pourrait quant à lui être dû à l’absence quasi-totale de sites catalysant la transformation de D4.

Le travail a été poursuivi en étudiant l’adsorption/désorption d’autres siloxanes présents dans le biogaz (L2, L3, L4 et D5) sur les charbons présentant les performances les plus différentes pour D4 : AP4 (le plus performant) et STIX (qui a montré la plus forte réactivité pour D4 et la plus faible régénérabilité). L2 ne montre aucune transformation sur les charbons actifs choisis et le traitement thermique permet la régénération totale des charbons étudiés. En revanche, le charbon actif ayant montré une mauvaise régénérabilité vis-à-vis de l’adsorption de D4 par traitement thermique (STIX) ne révèle qu’une régénération partielle pour toutes les autres molécules autres que L2, linéaires ou cycliques. Les mesures DRIFTS ont montré que la transformation des siloxanes sur STIX se fait par l’ouverture de cycle pour les molécules cycliques et par rupture de la liaison Si-O pour les linéaires, suivies par leur polymérisation, ayant comme résultat la formation de composés peu volatils. L3 et L4 sont convertis en L2 en tant que produit primaire à une température supérieure à 100 ° C. La désorption de D3, D4 et D5 explique leur transformation ultérieure en molécules à chaîne plus longue bloquant la porosité du charbon. Le comportement de D5 apparaît très similaire à celui de D4 en termes de réactivité : des composés du type polysiloxanolate/PDMS seraient formés dans la porosité du STIX en accord avec, pendant la thermodésorption, l’apparition en phase gaz du D3, produit majoritaire de décomposition du PDMS. La comparaison des résultats obtenus indique que la réactivité des siloxanes augmente avec la longueur de la chaîne quelle que soit la

géométrie (linéaire ou cyclique). Des sites basiques forts associés aux impuretés alcalines (K, Na) de surface sont proposés comme responsables de ces transformations.

A l’inverse le charbon qui ne présente pas de tels sites (AP4) montre des propriétés exceptionnelles en termes de régénérabilité vis-à-vis de l’adsorption des siloxanes (linéaires ou cycliques) présents dans le biogaz. Il s’avère qu’avec un traitement thermique adéquat en fonction de la volatilité des molécules adsorbées, ce matériau est complètement régénérable. Ce travail met en évidence que l’adsorption – désorption des siloxanes sur charbons actifs dépend non seulement des propriétés texturales de l’adsorbant, dont la structure microporeuse doit être développée pour des diamètres supérieurs au diamètre critique des molécules à retenir, mais aussi de la chimie de surface, et notamment du type d’impuretés présentes à la surface de l’adsorbant.

Perspectives

Le travail décrit dans ce manuscrit a permis d’acquérir des connaissances fondamentales concernant le traitement des siloxanes présents dans le biogaz par voie d’adsorption à température ambiante sur les CA. Cela ouvre également la voie à de nouvelles études et de nouveaux développements.

Bien que certains caractères essentiels du processus d’adsorption-thermodésorption de plusieurs siloxanes aient été mis en évidence, l’environnement dans lequel il a lieu est relativement simple (matrice d’azote). Les résultats obtenus n’ont donc pas vraiment de caractère universel en termes de composition du biogaz vu sa complexité. De ce fait, la première voie de développement de ce travail est de réaliser l’adsorption dans des matrices plus proches de la réalité. Ceci nécessite l’utilisation du mélange de CH4 et CO2 en introduisant d’autres composés minoritaires comme H2S, CH2Cl2, C2H2Cl2, etc. Cette étude permet également de mesurer l’impact de ces impuretés sur l’adsorption de siloxanes. Des essais sur les biogaz prélevés à partir d’une STEP sont également envisagés pour évaluer la performance des CA dans les conditions réelles.

Un mécanisme de polymérisation des siloxanes sur CA contenant des alcalins a été proposé. Il s’avère judicieux de vérifier cette hypothèse en réalisant des modifications chimiques sur l’AP4 qui ne contient pas ce type d’impuretés. Par exemple, on peut l’imprégner avec une solution alcaline (KOH, NaOH,…) et observer si cela peut provoquer la polymérisation de siloxanes. Une autre voie possible est de diminuer la réactivité des siloxanes sur STIX en neutralisant les sites basiques par une solution acide. Une telle étude permettra sans doute de mettre en évidence l’effet catalytique de ces sites spécifiques en vue de la polymérisation des siloxanes.

Parallèlement au charbon, beaucoup d’autres matériaux ont été également testés pour l’adsorption de siloxane. Pour certains d’entre eux (matériaux innovants tels que des polymères, des zéolites) des résultats très prometteurs ont été obtenus. Les zéolites, par exemple, possèdent des structures bien définies qui peuvent faciliter leurs études par rapport à un matériau complexe comme le charbon actif.

D’un point de vue procédé, le protocole de désorption thermique devrait être optimisé afin d’économiser le temps et l’énergie. Plusieurs facteurs peuvent être pris en compte : température de fonctionnement, vitesse de chauffage, débit du gaz vecteur, etc.

Le contrôle de siloxanes présents dans le biogaz est indispensable dans des unités de purification du biogaz. A l’heure actuelle, l’analyse de siloxanes se fait souvent en deux étapes : le prélèvement du biogaz à la source puis l’analyse au laboratoire. L’étape de prélèvement est souvent longue et nécessite des équipements de stockage complexes. Dans cette perspective, le développement d’un protocole d’analyse en ligne de siloxanes par le FTIR in situ peut être envisagé. Le principal verrou technique de l’analyse en ligne est la faible concentration de siloxanes dans le biogaz, ce qui provoque des problèmes de sensibilité. Notre recherche s’oriente donc vers l’étude des matériaux qui pourront jouer le rôle de capteur de siloxane. Un matériau adapté à cette application doit montrer une bonne réponse de siloxane adsorbé sous rayonnements infrarouges.

Résumé

Cette étude concerne l’adsorption de composés organiques volatils du silicium (siloxanes) sur des adsorbants du type charbon actif pour leur élimination du biogaz. Les principaux problèmes à résoudre sont l’efficacité des adsorbants à piéger les siloxanes en présence d’humidité et leur capacité à pouvoir être régénérés par traitement thermique pour être ré-utilisés. Plusieurs siloxanes ont été pris en compte en fonction de leur forme (cyclique ou linéaire), de leur longueur de chaine et de leur abondance dans le biogaz. Une attention particulière a été donnée à l’octaméthylcyclotétrasiloxane (D4), le siloxane le plus abondant dans le biogaz. Trois charbons actifs commerciaux utilisés pour le traitement de l’air et de gaz avec des propriétés hydrophiles différents ont été étudiés. Cette étude montre que leurs performances ne sont pas liées uniquement aux propriétés texturales. Le charbon actif donnant les meilleures performances en terme de capacité d’adsorption, de régénérabilité par traitement thermique et de sensibilité à l’humidité est celui qui ne contient pas d’impuretés alcalines (K, Na). Celles-ci pourraient être associées à des sites basiques forts responsables de la polymérisation des siloxanes (sauf L2) en composés peu volatils. Il en résulte une perte de capacité d’adsorption avec les cycles de régénération. Il est aussi montré que la réactivité des siloxanes augmente avec la longueur de la chaîne quelle que soit leur géométrie (linéaire ou cyclique).

Mots clés

Purification du biogaz, siloxanes méthyliques volatils, octaméthylcyclotétrasiloxane, charbons actifs, capacité d’adsorption, régénération thermique, DRIFTS.

Abstract

This study concerns the adsorption of volatile organic compounds of silicon (siloxanes) on activated carbon adsorbents for biogas purification. The main issues to be solved are the effectiveness of the adsorbents to trap siloxanes in the presence of moisture and their ability to be regenerated by heat treatment for re- use. Several siloxanes have been taken into account according to their type (cyclic or linear), the chain length and their abundance in the biogas. Special attention was given to octamethylcyclotetrasiloxane (D4), the most abundant siloxane in biogas. Three commercial activated carbons used for the treatment of air and gas presenting different hydrophilic properties were studied. This study shows that their performance is not related solely to textural properties. The activated carbon giving the best performance in terms of adsorption capacity, regenerability by heat treatment and sensitivity to moisture is that which does not contain alkaline impurities (K, Na). These impurities could be associated with strong basic sites responsible for the polymerization of siloxanes (except L2) into compounds of low volatility, resulting in capacity loss upon regeneration cycles. It is also shown that the reactivity of siloxanes increases with chain length irrespective of the geometry (linear or cyclic).

Keywords

Biogas purification, volatile methyl siloxanes, octamethylcyclotetrasiloxane, activated carbons, adsorption capacity, thermal regeneration, DRIFTS.