• Aucun résultat trouvé

Un premier résultat de ce chapitre porte sur les différences entre les paramètres spectraux au pic et ceux mesurés sur toute la durée du sursaut. Nous avons ainsi constaté que les deux valeurs sont fortement corrélées et que le spectre n’est pas forcément plus dur lors de la seconde la plus brillante du sursaut. L’indice spectral à basse énergie s’éloigne, par contre, du domaine permis par l’émission synchrotron, ce qui pourrait être le signe d’un processus d’émission plus complexe lors du pic d’émission photonique du sursaut. Une discussion de cet effet dépasse le cadre de cette thèse, mais cette constatation pousse vers les expertises qui sont menées en ce sens, notamment par Sylvain Guiriec (voir Guiriec et al. (2010), Guiriec et al. (2011) et Guiriec et al. (2013)), qui poussent vers l’existence d’une contribution significative de l’émission photosphérique dont l’indice spectral est plus élevé que celui de l’émission synchrotron.

Un second point porte sur la méthode de calcul de la luminosité intrinsèque. Nous avons montré que si les écarts obtenus sont en moyenne de quelques dizaines de %, ils peuvent atteindre dans les cas les plus extrêmes un facteur 2. Ces diffé- rences n’impactent toutefois pas l’existence d’un lien entre ce paramètre et le Epi.

Elles pourraient par contre avoir une incidence non négligeable sur les fonctions de luminosité et les informations que l’on peut en tirer concernant le taux de formation stellaire.

Concernant la relation Epi– Liso, nous avons pu voir que la principale différence

venait de l’utilisation des paramètres spectraux au pic à la place de ceux mesurés sur toute la durée du sursaut. Ceci conduit à une réduction de la dispersion de la relation rendant cette dernière aussi étroite que la relation Epi– Eiso. L’effet de sélection lié

à la détection des sursauts joue un rôle important comme a pu nous le montrer le tracé des limites de détection. De plus, le fait que les sursauts incompatibles avec la relation Epi– Eiso le sont généralement aussi avec la relation Epi– Liso et que

les propriétés de ces sursauts (faible fluence et flux au pic, valeurs des paramètres spectraux et de la durée semblables aux autres sursauts) soient identiques d’une relation à l’autre, nous montre que des effets de sélection similaires sont à l’œuvre. L’existence d’une fraction trois à quatre fois inférieure de sursauts incompatibles avec la relation Epi– Liso ne permet toutefois pas d’invoquer le mécanisme à deux

sélections que nous avons pu mettre en évidence pour la relation Epi– Eiso dans le

chapitre précédent. Celle concernant le redshift n’est pas opérante pour la relation

Epi– Liso puisque la distribution des sursauts avec et sans redshift n’apparaît pas

aussi différente dans le plan Epi– Liso qu’elle ne l’était dans le plan Epi– Eiso.

Nous dressons donc finalement le portrait d’une relation relativement étroite, pour laquelle il est préférable, en se basant sur ce critère, d’utiliser les paramètres spectraux au pic. Elle se trouve affectée par un seul effet de sélection lié à la détection des sursauts gamma. Ceci n’est pas surprenant quand l’on considère que le calcul de la luminosité intrinsèque, quelle que soit la définition utilisée, fait intervenir le flux au pic, P . En effet, ce paramètre se rapproche d’avantage du critère de détection du sursaut gamma que la fluence puisque le déclenchement (et donc l’observation du sursaut) se produit lorsqu’une montée suffisamment intense et courte est observée dans le flux de photons gamma reçu. Le flux au pic représente donc un bon traceur de la sélection liée à cette condition de déclenchement de l’observation. Il n’est donc pas étonnant de voir apparaître un effet de sélection lié à cette dernière en position dominante pour la relation Epi– Liso.

En attendant de comprendre clairement la distribution réelle des sursauts dans le plan Epi– Liso, l’utilisation de cette relation pour la cosmologie doit être envisagée

avec prudence. Ainsi, si une limite physique reste établie de manière certaine, les effets de sélection à l’œuvre ne permettent pas un usage direct de la relation. Nous n’avons, en effet, pas pu déterminer si la relation observée était le fruit d’une limite ou d’une relation élargie. Ceci est confirmé par les résultats de Ghirlanda et al. (2012) qui, s’ils excluent l’inexistence d’une relation physique, ne permettent pas de trancher entre simple limite ou relation.

Chapitre 5

Les effets de sélection optique :

mise en évidence et impacts

Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre consacré à la relation Epi– Eiso,

l’existence d’un second effet de sélection, lié à la mesure du redshift, permettrait d’expliquer la différence entre les sursauts avec redshift et les sursauts sans redshift. Surtout, il permet d’apporter une réponse au débat en cours quant à l’existence de cette relation en expliquant pourquoi les sursauts avec redshift suivent la relation

Epi– Eiso tandis que ceux n’en possédant pas sont incompatibles avec elle. Dans le

chapitre d’introduction, nous avons détaillé la procédure permettant la mesure du redshift1. Cette dernière s’effectue dans la plupart des cas en observant les raies d’absorption sur l’émission rémanente des sursauts gamma. Ainsi, un tel effet de sélection impliquerait un lien entre l’émission prompte et rémanente des sursauts gamma. C’est pour confirmer cela que nous avons mis en place une collaboration interne à l’IRAP avec nos collègues travaillant sur l’émission rémanente. Ce travail a abouti à la soumission d’une publication à Astronomy and Astrophysics reproduite à la fin de ce chapitre. Par la suite, nous nous bornerons à expliciter les principaux résultats obtenus du point de vue des effets de sélection impactant la relation Epi–

Eiso.

Pour rechercher la trace de ces effets de sélection, nous allons tenter de mettre en évidence le lien entre l’émission prompte dans le domaine gamma et l’émission rémanente en optique. Pour cela, il est nécessaire de disposer d’un échantillon de sursauts possédant à la fois les données nécessaires à la caractérisation de l’émission prompte en gamma et à celle de l’émission rémanente en optique. Un tel catalogue de sursauts disposant de l’ensemble de ces données n’étant pas accessible dans la littérature, une grosse partie du travail réalisé a donc porté sur la constitution de cet échantillon. Nous commencerons ce chapitre par sa présentation.

5.1

Échantillons

La description de l’échantillon sera ici faite de manière succincte. Pour plus de détails, le lecteur est renvoyé à Turpin et al. (2015). Étant donné que la contribution apportée à ce travail a porté sur la fourniture d’un échantillon de sursauts gamma avec des paramètres spectraux propres, c’est essentiellement ce travail que nous

1. Il existe également la possibilité de mesurer à posteriori le redshift du sursaut en observant les raies d’émission de la galaxie hôte quand celle ci peut être associée au sursaut gamma. Toutefois, ces cas de figure représentent moins de 10% des redshifts obtenus.

présenterons.

5.1.1

La partie émission gamma prompte

L’objectif consiste à mettre en évidence le lien entre l’émission prompte et l’émis- sion rémanente afin d’identifier les biais possibles créés dans la relation Epi– Eiso.

Pour cela, nous devons avoir à la fois la mesure des paramètres spectraux et celle du redshift. Afin d’obtenir l’échantillon le plus conséquent, nous avons choisi d’utiliser les sursauts de Swift. En effet, comme nous l’avons déjà explicité, ce satellite, grâce à la précision de ses localisations, permet d’obtenir dans un bref délai la position du sursaut nécessaire à l’obtention de son redshift. Nous partirons donc de l’ensemble des sursauts de Swift avec redshift. Cet échantillon, constitué de plus de 220 sursauts détectés entre le lancement de Swift à la fin de 2004 et la constitution de l’échan- tillon durant l’été 2014, se retrouve vite réduit à une centaine dès que l’on exige la mesure de paramètres spectraux. La plupart de ces derniers ont été extraits des données du catalogue Fermi. Plusieurs autres proviennent de Konus tandis que pour deux sursauts, ils proviennent de Swift lui même (la mesure du Epo sur le spectre

fourni par Swift est possible si ce dernier est inférieur à environ 70 keV).

Les critères de sélection sont plus ou moins ceux utilisés pour la constitution de l’échantillon du chapitre consacré à la relation Epi– Eiso à partir du catalogue de

Fermi. Il a toutefois fallu prendre en compte l’exigence supplémentaire d’avoir éga- lement des données de l’émission rémanente en optique, ce qui réduisait de manière importante la taille de l’échantillon final. C’est pourquoi nous avons décidé d’être moins exigeants quant aux critères de sélection appliqués aux paramètres spectraux. Nous avons relâché légèrement la contrainte sur les valeurs acceptées pour le Epo en

conservant l’ensemble des sursauts pour lesquels le rapport maximal entre l’erreur basse et l’erreur haute était inférieur à 3.5 au lieu d’un rapport de 3 dans l’étude que nous avons réalisée sur la relation Epi– Eiso. Nous avons également relâché légère-

ment la contrainte concernant l’erreur sur α. Notre seuil de tolérance est ainsi passé de 0.4 à 0.5. Après la prise en compte de ces critères de sélection, nous obtenons un échantillon de 84 sursauts Swift possédant des paramètres spectraux fiables.

Afin d’étendre ce dernier, nous avons décidé d’inclure dans notre analyse un ensemble de sursauts pré-Swift (Hete, Beppo-SAX, Batse) respectant les mêmes critères de sélection que l’échantillon de sursauts issus de Swift précédemment défini. Cette extension de l’échantillon nous a permis d’obtenir 11 nouveaux sursauts ayant une valeur fiable des paramètres spectraux et une mesure du redshift.

5.1.2

La partie émission rémanente en optique

Afin de comparer l’intensité de l’émission prompte à celle de l’émission rémanente en optique, nous avons utilisé pour cette dernière la magnitude dans la bande R à 2h. La bande R est, en effet, celle pour laquelle nous possédons le plus d’observations de l’émission rémanente en optique. Le choix du temps d’observation est motivé par plusieurs raisons. Premièrement, il s’agit de la durée après la détecion à laquelle la valeur du redshift est typiquement mesurée. Ainsi, nous voyons sur la figure 5.1 que la plupart des mesures de redshift sont réalisées quelques heures après la première observation du sursaut et ce quelle que soit la valeur du redshift de ce dernier. Si l’on considère maintenant la fonction de répartition des temps entre détection et mesure du redshift qui est présentée sur la figure 5.2, plus du tiers des redshifts sont

Figure 5.1 – Valeur du redshift en fonction de la durée entre détection du sursaut et mesure du redshift pour un échantillon de 126 sursauts. Données provenant de la base de données de Damien Turpin et Alain Klotz.

mesurés dans les deux heures suivant la détection du sursaut, ce qui justifie la prise en compte de cette valeur pour notre étude.

Une seconde raison est que nous voulons que l’émission rémanente se situe dans sa phase classique de refroidissement lent, soit dans un régime de décroissance du flux optique. Cela permet d’obtenir une mesure fiable de la magnitude optique en s’extrayant des possibles émissions éruptives liées à un regain d’activité du moteur central.

Un ensemble de 126 courbes de lumière de l’émission rémanente en optique a pu être collecté pour les sursauts avec redshift. Parmi ces 126 sursauts, la mesure fiable de la magnitude R à 2 heures n’a été possible que pour 71 d’entre eux. Cela est dû, pour partie, au manque de points de mesure proches des 2 heures, ne permettant pas une extrapolation fiable. L’autre partie de cette réduction est imputable au critère de sélection mis en place pour l’émission rémanente optique. En effet, nous avons exclu de l’échantillon l’ensemble des sursauts présentant une extinction visible supérieure à Av = 1, 2. Pour de tels sursauts, la magnitude observée est impactée de manière

importante par les conditions régnant dans la galaxie hôte (extinction de la galaxie hôte) ou sur la ligne de visée à l’intérieur de notre galaxie (extinction galactique).

Notre échantillon final de sursauts avec redshift est composé de 60 sursauts observés par Swift et 11 sursauts pré-Swift. Les données liées à l’émission rémanente en optique sont pour 69 d’entre eux des magnitudes R à 2h et pour 2 d’entre eux seulement des limites supérieures sur cette dernière.

5.1.3

Les sursauts sans redshift

L’effet de sélection que nous cherchons à mettre en évidence étant lié à la mesure du redshift, nous avons décidé d’ajouter à notre échantillon un ensemble de sursauts possédant les paramètres spectraux de l’émission prompte en gamma et la magnitude R à 2 heures de l’émission rémanente en optique mais pas de mesure du redshift.

Figure 5.2 – Fonction de répartition du délai nécessaire à la mesure du redshift d’un sursaut après sa détection pour un échantillon de 126 sursauts. La droite rouge indique les 2h. Données provenant de la base de données de Damien Turpin et Alain Klotz.

Cet échantillon nous permettra de comparer les propriétés des sursauts avec et sans redshift. Ces sursauts sont issus des données du catalogue de Fermi (Gruber et al. (2014)) afin d’avoir accès aux paramètres spectraux de l’émission prompte. Parmi l’ensemble de ces sursauts, des données optiques ont pu être obtenues pour 42 d’entre eux et seulement 14 ont passé les critères de sélection en optique. Nous avons ainsi un ensemble de 14 sursauts sans redshift possédant des données optiques fiables. Pour 3 d’entre eux, il s’agit d’une magnitude R, tandis que, pour les 11 autres, il s’agit simplement de limites supérieures.

La description complète de cet échantillon avec les valeurs des paramètres de l’émission prompte en gamma et de l’émission rémanente en optique est disponible dans la publication ajoutée à la fin de ce chapitre. Maintenant que nous avons défini notre échantillon de départ, nous allons passer à l’analyse avec ce dernier du lien entre émission prompte et rémanente afin d’expliquer l’effet de sélection imputable à la mesure du redshift.