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Durant ce travail de recherche, quatre axes principaux ont été abordés, en lien avec les conditions de développement microbien retrouvées au sein des units de soins dentaires : la composition de la salive, la survie des levures du genre Candida dans l’eau de réseau filtrée, les interactions amibes libres-levures et l’activité antimicrobienne de traitements chimiques contre ces micro-organismes.

Dans une première partie, nous avons pu amorcer une analyse qualitative des molécules composant la salive. Les résultats ont montré que la salive ne contenait que peu de glucides et, à l’inverse, de nombreuses protéines.

Dans une seconde partie, nous nous sommes intéressés à l’influence de la présence de salive sur la survie de différentes espèces de Candida et d’amibes libres dans l’eau. D’une part nous avons pu constater que les levures survivaient difficilement dans l’eau de réseau filtrée, mais que la présence de traces de salive (dés 2% v/v) permettait une prolifération fongique potentiellement élevée. Un effet espèce-dépendant a également était démontré ; C. parapsilosis est une espèce plus résistante que C. glabrata ou C. albicans. D’autre part, nous avons confirmé que les amibes libres testées, Acanthamoeba castellanii et Hartmannella vermiformis, étaient capables de survivre dans l’eau, et nous avons montré que l’ajout de salive ne modifiait pas leur viabilité.

En se plaçant dans le contexte de la contamination des USD, les amibes libres et les levures du genre Candida sont susceptibles de cohabiter dans l’eau de réseau circulant dans les tubulures. Nous avons donc réalisé des cocultures entre amibes libres et levures, afin d’observer d’éventuelles interactions entre ces espèces microbiennes. Ainsi, nous avons montré que A. castellanii était capable d’inhiber la croissance de C. albicans, dés 24 h de coculture, probablement en les digérant par phagocytose. En revanche, nous avons pu mettre en évidence des interactions plus favorables entre H. vermiformis et les trois espèces de Candida. Les résultats de dénombrement d’UFC sur géloses ont montré une prolifération des levures augmentée en présence d’amibes libres, et les résultats de microscopie électronique ont permis de visualiser une internalisation des levures par H. vermiformis. Cette internalisation était parfois suivie d’une digestion des levures : certaines étaient retrouvées fragmentées à l’intérieur de l’amibe. Mais la plupart des Candida apparaissaient intactes à l’intérieur de vacuoles. De plus, nous avons testé l’effet d’un surnageant de culture amibienne sur la survie des levures, et observé que la prolifération fongique était augmentée aussi bien en présence d’amibes libres qu’en présence de leur surnageant de culture ; H. vermiformis, par contact direct ou par sécrétion de métabolites serait donc capable de favoriser la prolifération de Candida dans l’eau de réseau filtrée.

Enfin, dans une dernière partie, toujours en se plaçant dans des conditions proches de celles retrouvées dans les USD, nous avons testé l’efficacité de trois traitements chimiques

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(le chlore, le H2O2 et l’Oxygenal 6©) sur les différentes espèces de Candida choisies pour ce

projet, et sur H. vermiformis. Les résultats ont montré des activités antimicrobiennes différentes pour chaque produit utilisé : le chlore était très efficace contre les levures et les amibes libres, mais seulement à fortes doses (> 26 ppm) ; le H2O2 ne montrait que peu

d’effet sur les micro-organismes dans nos conditions expérimentales ; et enfin l’Oxygenal 6© s’est avéré être le plus efficace, avec une forte inhibition de la croissance des levures même à faible dose (0,05%).

Ces résultats viennent compléter les connaissances déjà acquises en ce qui concerne le risque infectieux lié à l’eau des USD et la décontamination du circuit d’eau : le reflux de salive et de micro-organismes oraux peut engendrer le développement, à l’intérieur des tubulures, de germes potentiellement pathogènes pour l’Homme. La salive, favorisant la survie des levures du genre Candida dans l’eau, peut également permettre la prolifération d’autres micro-organismes, en particulier d’origine orale, et le développement de biofilm dans le réseau d’eau de l’USD. De plus, certaines amibes libres, comme H. vermiformis, provenant du réseau d’eau, peuvent héberger certains micro-organismes, les aider à survivre dans un milieu pauvre tel que l’eau de l’USD et même les protéger contre des traitements physiques ou chimiques. Ces observations montrent l’importance de la surveillance de la contamination de l’eau des USD et surtout l’utilisation de méthodes de prévention efficaces contre ces contaminations. Enfin, les résultats obtenus pour l’activité antimicrobienne de désinfectants chimiques contre Candida spp. et H. vermiformis confirment la variabilité d’efficacité de tels traitements selon les conditions environnementales (température, milieu, micro-organismes présents, développement de biofilm), et soulignent la nécessité d’utiliser plusieurs méthodes combinées pour la désinfection et l’entretien des USD ; un traitement chimique seul ne suffit pas, et doit être complété d’un traitement physique tel que la purge des tubulures.

Certaines études présentées dans ce mémoire sont préliminaires et ne permettent de ce fait qu’une analyse approchée. Des travaux complémentaires pourraient donc être envisagés : portant d’une part sur les conditions expérimentales utilisées, toujours dans le but de se rapprocher au mieux des conditions de l’USD, et d’autre part sur l’analyse de l’activité antimicrobienne des désinfectants.

Dans ce travail, les micro-organismes ont été étudiés cultivés dans de l’eau de réseau filtrée, il pourrait être intéressant de faire ces expériences dans de l’eau directement prélevée d’USD. De même, les expériences pourraient être élargies à d’autres espèces de

Candida déjà isolées d’USD, ou encore d’autres espèces d’amibes libres du genre Hartmannella. De plus, les cocultures amibes-levures n’ont été faites que pour C. albicans.

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niveau de leur consommation en nutriments ou encore de leur résistance aux traitements, et pourraient réagir différemment en coculture avec H. vermiformis.

Ensuite, des analyses supplémentaires pourraient être envisagées pour continuer l’identification des molécules de salive favorisant la survie des levures dans l’eau. Pour cela, les résultats de GC-MS pourraient être exploités au niveau quantitatif : les aires des pics, calculées par rapport à l’aire totale du chromatogramme, donneraient une proportion relative (semi-quantitatif) pour les différentes molécules identifiées. Une autre possibilité serait de réaliser des gammes d’étalonnage pour chaque molécule, mais la contrainte majeure pour une telle analyse est de disposer d’étalons purs pour chacun des composés. Une analyse des molécules de la salive, non pas fragmentées comme en GC-MS, mais entières en chromatographie liquide, couplée à une spectrométrie de masse ou encore une analyse UV, pourrait permettre d’identifier les composants de la salive. Les protéines pourraient être séquencées, les glucides et les lipides dosés par méthodes colorimétriques par exemple. De plus, la grande majorité des composants de la salive étant protéiques, des analyses plus ciblées sur les protéines pourraient permettre d’identifier plus précisément quelle(s) molécule(s) permet(tent) la survie des levures dans l’eau. Ainsi les protéines pourraient être fractionnées par électrophorèse en deux ou trois dimensions, par exemple SDS-PAGE, et les différentes fractions pourraient être testées indépendamment sur la survie des levures (Cannon et al., 1995b).

Les expériences de survie des micro-organismes dans l’eau en mono-culture ou coculture ont été faites en microplaques, directement sur le revêtement polystyrène des puits. Les études étant conduites généralement pendant 360 h, les micro-organismes n’étaient certainement pas homogènes, et se trouvaient probablement pour certains à l’état planctonique et pour d’autres à l’état sessile ; dans le cas de ces durées prolongées, un biofilm a donc pu initier son développement. Il serait de ce fait intéressant de comparer les résultats obtenus dans les conditions « polystyrène » avec ceux obtenus en utilisant par exemple des surfaces PVC (coupons), et de mieux analyser l’état et l’organisation des micro-organismes dans ces conditions respectives. Ainsi, la survie dans l’eau, l’influence de la salive et même l’efficacité des traitements pourraient être testés en condition plus proches des USD.

Enfin, les expériences en microplaques (sur revêtement polystyrène ou sur coupons PVC) représentent des conditions statiques ; contrairement aux conditions retrouvées dans les USD, les micro-organismes sont cultivés dans une eau non renouvelée, et sans agitation. Réaliser ces expériences avec un modèle dynamique, mimant le fonctionnement de l’USD (circulation intermittente de l’eau, longues périodes de stagnation, …) permettrait de mieux comprendre ce qui peut se passer à l’intérieur de l’USD. L’utilisation d’un CDC réacteur correspondrait bien à un tel projet (Amoussou et al., 2005; Donlan et al., 2005;

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Donlan et al., 2004) : ce dispositif permet de suivre des micro-organismes cultivés dans un milieu renouvelé, sous agitation, sur des coupons de PVC par exemple, et surtout, à l’aide d’une pompe programmable, avec une circulation d’eau contrôlée ; un contrôle de la température pourrait également être envisagé.

D’autre part, les travaux concernant l’efficacité des désinfectants doivent être complétés. Les gammes de doses choisies pour les différents produits peuvent être élargies, afin de trouver par exemple une dose efficace pour le H2O2. L’autre paramètre pouvant être

modifié est le temps de mise en présence : la viabilité pourrait être étudiée non pas 15 min après l’ajout de désinfectant mais 30 min par exemple. De plus, afin de compléter les données sur l’efficacité des désinfectants, un dosage résiduel des produits (ex : le chlore) pourrait être réalisé à différents moments avant l’analyse de la viabilité des micro- organismes. En effet, la présence de matière organique liée à la salive doit certainement consommer le désinfectant et inhiber son activité antimicrobienne ; le dosage du résiduel permettrait de connaitre plus précisément le temps de contact entre les micro-organismes et le désinfectant. Comme précisé dans le paragraphe précédent, l’activité antimicrobienne pourrait être comparée sur des micro-organismes planctoniques et sessiles, adhérés à des surfaces PVC par exemple. En ce qui concerne l’Oxygenal 6©, étant très efficace contre les levures du genre Candida, il serait intéressant de le tester contre d’autres micro-organismes de la cavité orale, par exemple Streptococcus gordonii. L’efficacité des traitements pourrait également être testée à plus long terme : la viabilité des micro-organismes pourrait être vérifiée plusieurs jours après l’arrêt du traitement, afin de constater ou non une éventuelle recolonisation.

D’autres méthodes d’analyse pourraient aussi être envisagées afin d’étudier l’efficacité de désinfectants, non pas avec des techniques classiques de microbiologie, mais avec par exemple de la cytométrie en flux. Un marquage à l’IP permettrait de suivre la viabilité des cellules au cours de traitements (Mogoa et al., 2010). Il resterait à régler le problème de différenciation entre levures et amibes libres rencontré lors de ce travail, dans le cas des cocultures : un marqueur, spécifique d’une population (levures ou amibes), serait à utiliser. La microscopie électronique pourrait également être utilisée afin de visualiser des éventuels changements morphologiques engendrés par la présence de désinfectants (Mogoa et al., 2010). Enfin, d’autres méthodes d’analyse de la viabilité des amibes libres pourraient être testées : par exemple la technique Alamar Blue (McBride et al., 2005), qui permet une différenciation des cellules mortes et vivantes par coloration des puits de culture.

Ces perspectives d’analyses permettraient de compléter ce travail réalisé dans le but d’enrichir les connaissances sur le risque infectieux lié à l’eau des USD.

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