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L’objectif de cette partie était de se donner un regard sur l’enseignement actuel de la numération en CE2, pour les nombres à quatre chiffres.

Les principales difficultés des élèves

Nous avons limité notre étude des réussites et difficultés des élèves aux nombres inférieurs à cent en début de CE2. Les exercices de l’évaluation portant sur les types de tâches écrire/nommer (TTn/ec et TTec/n) et comparer des nombres écrits en chiffres (TC) sont bien réussis par les élèves. Cela pourrait témoigner d’une bonne maîtrise des techniques mettant en jeu principalement le principe de position. Pourtant pour les traductions non canoniques d’écritures le pourcentage de réussite est nettement moins bon : seule la moitié des élèves réussit à traduire 3d + 6c en EC alors que 90% arrivent à traduire 1c + 9d + 3u en EC. Les traductions mettant en jeu les conversions entre unités ont des résultats encore bien plus faibles, avec par exemple 21% de réussite pour traduire 21d + 3c en chiffres. Les difficultés observées peuvent mises en regard des trois conditions de la technique de juxtaposition de nombres. L’observation des erreurs d’élèves révèle des extensions de techniques de juxtaposition hors de leur domaine de validité.

Un exercice ne mettant en jeu que des conversions entre unités (TCeun) montre les difficultés que cela pose aux élèves : un tiers des élèves environ réussit à convertir 60 dizaines en centaines, alors qu’environ la moitié connaît la relation directe entre 1 centaine et 10

dizaines. Il en est de même pour le type de tâches nombre de (TCnd). Nous pensons que la

maîtrise insuffisante des conversions ne permet pas aux élèves de comprendre la technique de troncature afin de l’adapter à différentes unités. Cela les amène alors à faire des découpages de l’écriture chiffrée non appropriés.

Ces résultats nous interrogent sur la possibilité, pour les élèves, d’aborder l’étude des nombres à quatre chiffres dans de bonnes conditions, lorsque les relations entre unités vont se complexifier.

Nous allons maintenant revenir sur notre étude des programmes et manuels ainsi que sur nos observations de classes à partir des deux questions principales : la possibilité de mise en jeu des conversions dans les types de tâches travaillés et la formulation des savoirs de la numération.

Quelles sont les types de tâches travaillés et quelles sont les possibilités de travail sur les conversions entre unités ?

Dans le travail sur la numération des nombres à quatre chiffres, l’OMtrad est centrale à la fois dans les programmes et dans les manuels, hormis dans J’apprends les maths. À l’intérieur de cette OM ce sont les types de tâches écrire/nommer et les traductions canoniques d’EC en EPD ou EUN (et inversement) qui sont privilégiés, ce qui traduit la place centrale donnée aux types de tâches mettant en jeu le principe de position. Nous n’avons pas regardé en détail

l’OMord, mais il semble que ce travail concerne principalement la comparaison de nombres

(hors contexte) qui a une place centrale dans les programmes et les manuels, hormis dans

J’apprends les maths.

Ces contraintes institutionnelles peuvent avoir des répercussions sur le projet des enseignants. Pour deux enseignants (Mme A qui utilise ERMEL et M. B qui n’utilise pas de manuel en particulier) il nous semble voir leur influence sur leur choix d’activités pour les élèves : celles-ci ne mettent en jeu que les types de tâches cités ci-dessus. Les observations de séances de ces deux enseignants permettent de constater que pour Mme A aucune séance ne met en jeu le principe décimal alors que pour M. B, une des situations proposées aurait pu le permettre, mais elle n’est pas gérée dans cette perspective, puisque pour cet enseignant le principe décimal ne semble pas être un enjeu d’apprentissage à cette époque de l’année. Pour tous les enseignants nous avons pu constater l’influence des programmes officiels (et peut-être des évaluations nationales) sur les évaluations proposées, qui reprennent sous forme de types de tâches les libellés des programmes : écrire/nommer, décomposer/recomposer, avancer/reculer (sauf pour Mme C) et comparer/ranger, même s’ils n’ont pas tous centré leur travail sur ces types de tâches au cours de la séquence (en particulier Mme C). Pour les traductions d’écritures, les enseignants utilisent le jeu sur les deux variables « ordre des unités » et « absence d’unité à certains ordres », ce qui est susceptible de permettre une technique de juxtaposition prenant en compte les deux conditions de respect du rang et de présence de chaque unité dans l’EC.

L’OMcard est quasiment invisible dans les programmes alors que nous avons pu observer des

types de tâches de dénombrement, de nombre de avec des collections ou de comparaisons de collections dans des manuels comme ERMEL et J’apprends les maths où un choix affirmé par les auteurs est de faire prendre conscience aux élèves « non seulement des chiffres au rang des centaines, mais du nombre de centaines » (ERMEL). Ces types de tâches servent souvent à introduire le travail de numération, mais aucun manuel ne propose d’activités de groupements et d’échanges de matériel (même si des matériels de numération sont évoqués dans les manuels). Dans les classes de Mme A et M. B nous n’avons pas observé de types de tâches relevant de l’OMcard. Un manuel (J’apprends les maths) construit sa progression sur le dénombrement et le de nombre de avec des collections représentées. Mme C, qui utilise ce manuel, a construit une séquence donnant une place centrale aux relations entre unités (matérialisées par les groupements matériels : boites, valises, malles). L’analyse d’une séance montre qu’elle s’attache à justifier la technique de troncature (pour le nombre de) en appui sur les relations entre ces différents groupements, mais ce travail se fait toujours sous sa responsabilité, dans les moments de phases collectives. De plus, nous avons observé les nombreuses difficultés rencontrées par les élèves lorsqu’elle les questionne sur les relations entre unités, à travers le matériel représenté du manuel.

le type de tâches de conversions entre unités de numération. Des possibilités de mise en jeu de conversions entre unités se retrouvent pourtant dans les classes avec les traductions non canoniques d’écritures, que Mme A et M. B proposent à leurs élèves. Dans l’analyse des manuels, nous n’en avions observé que dans ERMEL (dans plusieurs situations). Dans les programmes de 2002, cela était aussi un enjeu comme en témoigne l’adjectif « diverses » associé aux décompositions/recompositions. Cependant, dans les classes de Mme A et M. B ces traductions non canoniques sont proposées pour « aller plus loin ». Par exemple, Mme A ne réalise pas de phase collective suite à cet exercice (la correction reste individuelle). Nous pensons que cela est lié au fait que, pour ces enseignants, les relations entre unités ne sont pas un enjeu de leur séquence, ce qui peut s’interpréter comme une conséquence des contraintes institutionnelles.

L’utilisation des unités de numération, qui pourrait être un des éléments essentiels pour engager un travail de conversion, est plus importante que ne le laissait penser notre étude des programmes et manuels, notamment pour les traductions d’écriture. Cependant elles ne sont pas utilisées pour faire des conversions entre unités, ce qui confirme le constat de Chambris (2008).

Dans certains manuels (La tribu des maths et Cap Maths) le travail mettant en jeu le principe décimal est cantonné au type de tâches nombre de. Mais cela n’amène pas à faire des conversions entre unités car le travail technologique pour la technique de troncature n’est pas un enjeu ni dans le premier ni dans le second. Nous pensons que c’est l’extension de la technique de multiplication par 10 et 100 (aux nombres à quatre chiffres) qui permet la construction de cette technique. Pourtant on trouve une formulation des relations entre unités dans Cap Maths, mais pas d’activités permettant de les mettre en jeu (pour les nombres à quatre chiffres). Comme dans ERMEL, il semble que l’utilisation des EPD amène à ne pas faire des conversions entre unités un enjeu pour l’étude des nombres à quatre chiffres, même si ERMEL peut être pourtant un terrain propice à un travail sur les relations entre unités du fait des situations proposées et du choix des valeurs des variables didactiques.

Quelle formulation des savoirs de numération ?

Bien que le principe de position soit un enjeu important du travail sur la numération dans presque tous les manuels étudiés (à travers les types de tâches qui y sont travaillés), ce savoir reste souvent implicite (sauf dans Cap Maths). Nous n’en avons jamais trouvé de formulation en texte (les milliers s’écrivent au quatrième rang de l’EC par exemple) : il est donné par le tableau de numération ou par des flèches associant les unités à leur position. Il est rarement utilisé pour formuler ou justifier d’autres techniques, hormis la comparaison. Dans les classes observées, le principe de position apparaît aussi à travers le tableau de numération ou l’écriture « m c d u » au-dessus de chacun des chiffres (voire au-dessous). Les relations entre unités sont formulées dans Cap Maths, même si nous n’avons pas trouvé de référence à ces équivalences dans le manuel et le guide du maître, ou d’activités qui pourraient y conduire. A contrario, dans ERMEL, même si de nombreuses activités pourraient permettre l’institutionnalisation du principe décimal, nous n’en avons pas trouvé de formulation. Dans La tribu des maths ce savoir n’apparaît pas. Dans J’apprends les maths, les relations entre le millier et les centaines et dizaines sont exprimées sans utiliser les unités de numération mais avec le mot « groupe » (1000 c’est 10 groupes de 100). Pourtant dans la classe de Mme C, le principe décimal est exprimé avec les unités de numération qui servent aussi à désigner les rangs de l’EC. Il nous semble que cela permet de faire plus facilement le lien entre les deux principes de la numération.

Cette première étude est un point d’appui important pour la conception d’une ressource pour des enseignants, question principale de cette thèse, autour de laquelle nous allons maintenant poursuivre notre travail.

Partie II

Etude préliminaire pour la conception

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