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Ce travail de thèse se proposait d’explorer et d’apprécier la qualité du bois du pistachier de l’Atlas, Pistacia atlantica Desf., à travers l’étude de ses caractéristiques physiques et mécaniques, selon des dispositifs d’expérimentation spécifiques et suivant les directives des normes européennes et françaises concernant le bois, afin de permettre aux sylviculteurs et aux utilisateurs du bois de mieux appréhender cette essence.

Le choix de cette thématique était motivé en grande partie par deux aspects. D’abord sa marginalisation avec très peu d’informations scientifiques (sauf sur sa phyto-écologie), ajouté à l’inexistence, en Algérie, d’études des propriétés de son bois. Puis pour son intérêt récent comme première essence de reboisement en Algérie. Ce type d’études constitue un apport particulièrement intéressant qui a pour but de contribuer à la valorisation qualitative du bois de cette espèce ligneuse assez bien représentée en Algérie.

Le travail expérimental, s’est effectué sur six arbres provenant de deux régions écologiquement distinctes. Les deux types de bois qui ont été concernés par l’étude sont l’aubier et le duramen.

L’évolution radiale de la largeur de cerne a montré une tendance croissante pour la provenance de Sidi Bel Abbès et une tendance décroissante pour celle de Tiaret. Aussi, nous avons constaté que la concordance entre les rayons s’est montrée uniquement pour deux arbres (S2, T2) où de bonnes corrélations ont été enregistrées entre la largeur de cerne et la distance reliant le cerne à la moelle.

Les résultats de l’analyse microdensitométrique, à travers l’analyse de la variance ont montré un niveau de corrélation assez variable de densité moyenne, densité maximale et densité minimale respectivement avec la largeur de cerne entre les rayons du même cerne, et pour les arbres des deux provenances. Cette tendance est-elle due à la structure anatomique du pistachier de l’Atlas qui est une espèce feuillue à zone initiale semi-poreuse ou bien à la présence en proportion non négligeable du bois juvénile ?

L’analyse de la variance au seuil de 5% de la densité moyenne (DMoy) a fait ressortir un effet arbre très hautement significatif seulement pour la provenance de Tiaret. Aussi, sur l’ensemble des échantillons, l’effet provenance s’est montré très hautement significatif sur la densité moyenne (DMoy). Des corrélations négatives et très hautement significatives ont été trouvées entre la densité moyenne et l’âge pour tous les arbres de deux provenances.

L’étude des propriétés mécaniques a permis de faire progresser les connaissances en ce qui concerne la rigidité du bois de Pistacia atlantica à partir des mesures du module d’élasticité longitudinale, qui est largement utilisé dans le domaine technologique du bois et qui caractérise le comportement global du bois.

Les résultats ont montré une très grande variabilité individuelle et situationnelle, qui se manifeste sur les propriétés de base du bois étudié. Elle montre que la provenance influençait les propriétés du bois. La comparaison des résultats obtenus avec les travaux de la littérature montre une

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bonne concordance, l’analyse de la variance a montré que l’effet provenance, l’effet arbre et l’effet type de bois sont globalement significatifs pour le module de Young.

Comme chez la majorité des feuillus, les propriétés de base de Pistacia atlantica sont fortement corrélées, surtout celle concernant la "densité- module de Young" qui présente un intérêt primordial pour la sylviculture. Nous avons trouvé que le bois de Pistacia atlantica de la première provenance (Sidi Bel Abbès) présentait un module d’élasticité et une densité plus élevés que celle de la seconde (Tiaret). La première provenance a une altitude moins élevée que la seconde, le sol y est riche en calcaire et subit un bioclimat semi-aride à hiver frais. Nous avons également constaté qu’il y avait une différence entre le bois d’aubier et le bois de duramen du point de vue de la densité, de ce fait, le bois de cette essence peut être considéré comme un très bon matériau grâce à cette hétérogénéité, son module de Young est moyen (supérieur à 10000 MPa) et par conséquent le bois de cette essence présente une "rigidité moyenne", la tendance générale de la variation du module en fonction de la densité est de forme linéaire.

Les tests de durabilité naturelle face aux attaques fongiques ont permis de compléter la caractérisation de ce bois en mesurant sa sensibilité vis-à-vis de ces agressions. La connaissance de ce paramètre, pour les essences des zones arides et semi-arides est décisive pour leur exploitation future ce qui permettrait de réduire ou d’augmenter l’utilisation des produits de préservation. L’évaluation de cette durabilité naturelle réalisée par la méthode gravimétrique a permis de montrer que, pour l’ensemble des échantillons testés, et contrairement à ce qui est généralement trouvé pour la grande majorité des bois étudiés, aucune différence n’a été observée entre la durabilité du duramen et celle de l’aubier vis-à-vis des quatre champignons basidiomycètes utilisés et que cette propriété ne semblait pas être directement influencée par le milieu de croissance. Les tests et les analyses effectués dans cette étude ont également mis en évidence l’apport du séchage dans l’appréciation de la durabilité de l’essence étudiée.

Les résultats des tests de durabilité naturelle obtenus dans la présente étude ont permis de qualifier ce bois comme "très durable" (classe1), En tenant compte des autres caractéristiques physiques et mécaniques, ces résultats militeraient en faveur de l’utilisation de ce bois dans différents domaines tels que la menuiserie.

Par ailleurs, les résultats sur les essais mécaniques effectués sur des échantillons de ce bois nous ont permis d’avoir une caractérisation importante sur la qualité de celui-ci, où les valeurs s’avéraient très élevées, le duramen présentait une densité sensiblement plus élevée que l’aubier, ce qui peut contribuer à expliquer le caractère élevé de durabilité naturelle de ce bois.

Parmi les propriétés caractérisant le bois des essences naturelles et particulièrement celles des zones arides et semi-arides, la couleur et sa variabilité sont nécessaires à connaitre pour décider de leur utilisation en tant que matériau apparent de haute valeur ajoutée comme en menuiserie-ébénisterie par exemple. La connaissance de cette propriété et des facteurs qui la contrôlent, donne aux forestiers, aux

chercheurs et aux industriels un nouveau moyen de mettre en valeur ce matériau car c’est un indicatif déterminant de l’acceptabilité d’un produit.

Cette mesure physique est souvent utilisée chez les espèces tempérées comme outil de tri de la qualité ou comme indicateurs d’autres propriétés comme la durabilité naturelle, par contre elle est mal connue chez les espèces tropicales (Kokutse, 2002). L’évaluation de la couleur du bois du pistachier de l’Atlas dans le présent travail a montré une différence très hautement significative, en relation avec la densité, entre l’aubier, le duramen et le type mixte, intermédiaire entre les deux premiers. L’aubier a un bois plus clair que les autres. Ces résultats sont cohérents avec les travaux de Nishino et al., (2000). Une variabilité de clarté marquée entre les deux provenances et entre arbres pour l’aubier et le duramen a été notée. Ces résultats montrent que seules la clarté L* et la couleur rouge a* peuvent intervenir dans la différenciation de la couleur entre les deux types de bois de pistachier.

Afin d’améliorer notre compréhension sur les caractéristiques du bois, nous avons complété notre étude par une mise en évidence de la structure interne du bois de pistachier de l’Atlas à l’échelle microscopique en utilisant un protocole adopté par LERFoB. À partir de ces résultats et grâce aux observations, nous avons pu identifier la structure interne du bois, nous pouvons conclure que le bois de Pistacia atlantica présente une "structure typique" de feuillus sans particularités. C’est un matériau hétérogène qui se classe parmi les bois "à zone initiale semi-poreuse".

Perspectives

En perspective, dans une optique de valorisation d’essences aux bois mal connus, les résultats obtenus fournissent à l’état actuel de bons indicateurs pour aider à une compréhension des propriétés de base du bois de l’espèce étudiée. Plusieurs pistes de recherche sur les propriétés mécaniques et physiques sont à approfondir. Nos résultats ouvrent également des perspectives d’études axées sur d’autres caractéristiques qui méritent d’être encouragés. Il serait aussi intéressant d’étudier le bois de cette espèce d’autres provenances. Aussi, une recherche prenant en compte le facteur âge des arbres devra être entreprise car, selon certaines études, l’âge de l’arbre est un des facteurs les plus importants de la durabilité du bois (Nault, 1988). Larson, en 1969, a indiqué que l’âge de l’arbre est un paramètre qu’il faut prendre en compte et qui joue vraisemblablement un rôle non négligeable sur sa physiologie. D’autres études sur la nature chimique des extraits et la structure anatomique sont impératives afin de comprendre la similarité relevée entre l’aubier et le duramen lors de la présente étude. Les questions soulevées au cours de la présente étude ouvrent la voie à d’autres horizons de recherches.

L’étude des essences naturellement durables comme le pistachier de l’Atlas constitue un enjeu prometteur à l’heure actuelle. Utiliser un bois naturellement très durable permettrait de réduire l’utilisation des produits de préservation et encouragerait l’emploi des essences des zones arides et semi-arides généralement proposées et utilisées dans l’artisanat et la marqueterie. Aussi l’utilisation d’essences durables dans la construction est-elle devenue une option aux incidences importantes puisqu’elle concerne la santé humaine et l’environnement, en plus des coûts très réduits par rapport à ceux des essences à bois périssable qui demandent des traitements chimiques.

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Pour finir, dans une vue plus globale, il semble que les aspects scientifiques et techniques impliqués dans la vaste thématique des propriétés physiques et mécaniques du bois, regroupent à l’échelle mondiale une certaine communauté, certes relativement peu nombreuse mais bien existante et il pourrait être intéressant d’établir ou de renforcer les liens, particulièrement à l’échelle internationale. Les échanges entre milieu artisanal et scientifique sont nécessaires pour avancer dans ce domaine, de même que des collaborations avec des spécialistes des différentes disciplines concernées. Sachant que le pistachier de l’Atlas, Pistacia atlantica Desf., est une espèce endémique de l’Afrique du Nord, il paraît nécessaire de poursuivre les efforts de sa régénération, de sa valorisation et de son amélioration.