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Cette étude a pour objectif d'évaluer la performance des fonds mutuels d'actions américaines sous gestion active, tout en tenant compte du biais de transactions intérimaires. À cet effet, nous utilisons un échantillon composé de 2187 fonds actifs sur la période allant de 1984 à 2013. Le biais de transactions intérimaires résultent de la gestion active adoptée par les gestionnaires qui réalisent plusieurs ajustements sur la composition de leur portefeuille dans le but de faire mieux que le portefeuille de référence. Plus précisément, ce biais se manifeste quand la performance est mesurée par des rendements mensuels, alors que le gestionnaire transige sur une fréquence plus élevée que mensuelle. L'étude de Ferson et al. (2006) s'est intéressée à l'évaluation de la performance des fonds obligataires en utilisant l'approche SDF à l'aide de modèles en temps continu, tout en tenant compte des transactions intérimaires. Elle a démontré la pertinence de l'approche SDF quant à sa capacité de contrôler pour ce biais quand les données quotidiennes sont utilisées. Comme notre étude évalue la performance des fonds constitués majoritairement d'actions, nous appliquons cette méthodologie mais en utilisant des modèles linéaires à facteurs.

Nous utilisons les trois modèles les plus populaires dans la littérature, à savoir le CAPM, le modèle de Fama-French et le modèle de Carhart. D'une part, nous employons les propres facteurs de ces modèles comme premier panier de portefeuilles passifs pour estimer les SDFs tant mensuels que quotidiens. D'autre part, pour avoir des actifs de base communs aux trois modèles, nous formons un deuxième panier constitué de dix portefeuilles industriels et six portefeuilles de style. Le rendement d'un actif sans risque fait également partie des deux paniers. Ainsi, pour chaque modèle, nous obtenons quatre mesures de performance selon que les rendements mensuels ou quotidiens sont utilisés, et selon que les facteurs ou les 17 portefeuilles passifs servent comme actifs de base pour l'estimation. Les SDFs utilisant les rendements quotidiens sont multipliés dans chaque mois pour obtenir des versions mensuelles capitalisées qui sont supposées être en mesure d'ajuster la performance pour le bais de transactions intérimaires. Le principal objectif est donc de comparer la performance obtenue avec les mesures mensuelles à celle obtenue avec les mesures

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capitalisées afin de mettre en évidence la présence du biais de transactions intérimaires dans l'évaluation de la performance.

Nos principaux résultats démontrent d'abord que la performance moyenne des fonds étudiés est négative quel que soit le modèle et la mesure. Il semble qu'en moyenne les fonds n'arrivent pas à battre leur portefeuille de référence après déduction des frais. De plus, les mesures capitalisées ont tendance à générer en moyenne moins de performance que leurs équivalentes mensuelles. Cependant, les résultats obtenus sur les moyennes ne sont significatifs qu'avec les mesures estimées avec les 17 portefeuilles passifs du modèle de Fama-French et les mesures estimées avec les facteurs du modèle de Carhart. Par ailleurs, les mesures du modèle de Carhart estimées avec les 17 portefeuilles passifs fournissent des performances moyennes peu fiables, qui ne semblent pas économiquement plausibles. Un examen individuel des fonds étudiés (analyse fonds par fonds) montre que les fonds ayant des alphas négatifs sont plus nombreux que ceux ayant des alphas positifs, et ce peu importe la mesure et le modèle. Les alphas significativement positifs sont peu présents pour les différents modèles, soit entre 0,10 % et 2,11 % des fonds seulement. Quant aux pourcentages d'alphas significativement négatifs, ils sont relativement plus élevés, variant entre 8,14 % et 27,13 %, excepté pour une mesure associée au modèle de Carhart (la mesure la moins fiable). Enfin, nous constatons que les mesures capitalisées attribuent davantage d'alphas significativement négatifs que leurs équivalentes mensuelles.

L'analyse des différences de moyennes entre les mesures de performance révèle que le biais de transactions intérimaires a généralement un impact positif sur la performance, sauf dans le cas du modèle de Fama-French où l'impact est négatif (et très faible) quand les SDFs sont estimés avec les facteurs. Les mesures mensuelles traditionnelles surévaluent donc la performance moyenne des fonds par rapport aux mesures capitalisées ajustées pour le biais de transactions intérimaires. Cependant, l'impact moyen de ce biais est très faible économiquement et généralement non statistiquement significatif (peu importe la mesure et le modèle).

De son côté, l'analyse de chaque fonds individuel montre que le biais de transactions intérimaires a une incidence significative sur la performance d'un nombre non anodin de

75 fonds. Le pourcentage de fonds qui ont vu leur performance révisée à la baisse où à la hausse par les mesures capitalisées est élevé. Mais le nombre de fonds impactés significativement par ce biais baisse considérablement avec les modèles de Fama-French et de Carhart, en partie dû à la moins bonne fiabilité des estimations de ce dernier modèle avec les 17 portefeuilles passifs. Bien que les transactions intérimaires n'aient pas d'effet significatif sur la performance moyenne des fonds, l'analyse individuelle montre l'importance de tenir compte de ce biais, malgré son faible rôle économique. Nos résultats suggèrent donc que les mesures mensuelles traditionnelles biaisent la performance de certains fonds dynamiques dont la composition du portefeuille est ajustée sur une fréquence élevée.

Un résultat secondaire découlant de l'analyse individuelle des différences entre les mesures montre que le choix du panier de portefeuilles passifs est déterminant dans l'évaluation de la performance. En effet, les alphas d'un nombre important de fonds sont significativement différents lorsque les SDFs sont estimés avec les facteurs versus les 17 portefeuilles passifs. Ce constat est en concordance avec la littérature relative à l'importance du choix du benchmark.

Cette étude empirique montre la pertinence de l'approche SDF dans l'évaluation de la performance quand il s'agit d'examiner des fonds qualifiés d'actifs qui transigent à une fréquence plus élevée que celle utilisée pour calculer les rendements. Plus précisément, nous avons montré que l'utilisation des données quotidiennes est pertinente avec cette approche pour tenir compte du biais de transactions intérimaires afin de mieux évaluer les gestionnaires actifs. Malgré que ce biais touche les alphas d'un nombre considérable de fonds, la performance moyenne semble ne pas valider la présence du biais de transactions intérimaires puisque elle n'est affectée que faiblement et non significativement. Cependant, en contournant des limites ou en exploitant des extensions possibles, il est possible d'améliorer les résultats.

D'abord, nos différents résultats empiriques montrent, à l'aide de la statistique de Hansen (1982), que nos trois modèles (CAPM, Fama-French et Carhart) estimés avec le panier de 17 portefeuilles passifs sont sur-identifiés. Le modèle de Carhart est le plus problématique puisqu'il obtient des SDFs avec des coefficients extrêmes pour le facteur MOM. Bien que

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nous lui ayons imposé des restrictions, le modèle demeure encore sur-identifié. Nous pensons que cette façon d'estimer peut faire perdre beaucoup de précisions dans nos estimations et pourrait être améliorée. Malgré que les 17 portefeuilles passifs que nous avons retenus soient souvent utilisés dans la littérature pour évaluer la performance, le choix des actifs de base demeure subjectif et les portefeuilles retenus peuvent être en partie responsables des difficultés des SDFs à les évaluer correctement.

Une autre limite réside dans le fait d'avoir estimé la performance en deux étapes distinctes. Étant donné que l'étude s'intéresse à l'effet des transactions intérimaires sur la performance, nous avons d'abord eu besoin d'estimer les SDFs quotidiens pour ensuite les multiplier afin d'obtenir les SDFs mensuels capitalisés. En deuxième lieu, nous avons estimé la performance à l'aide de ces SDFs capitalisés. Ainsi, les SDFs sont estimés sur toute la période d'étude, à savoir 1984-2013, mais les alphas SDF sont estimés dépendamment des périodes d'observations des fonds à l’intérieur de la période d'étude. À cet effet, nous avons proposé d'estimer l'alpha en prenant le rendement du fonds en excédant du rendement du marché. Bien que cet ajustement ait donné des résultats pertinents, l'estimation en deux étapes peut faire perdre de l'information qui pourrait nuire à nos estimations.

Ensuite, afin de faire paraître plus clairement l'effet du biais de transactions intérimaires sur la performance moyenne des fonds, il serait opportun d'évaluer les gestionnaires très actifs par rapport à ceux qui le sont beaucoup moins. En formant certains groupes de fonds (classés du quartile le plus élevé au plus bas) en fonction de quelques caractéristiques propres aux fonds comme le taux de rotation annuel, le pourcentage de liquidité détenue ou encore le ratio des frais de gestion, il serait peut-être possible d'observer un impact moyen significatif du biais sur certains de ces groupes. Également, il serait intéressant de construire une mesure à partir de la volatilité journalière des facteurs de risque susceptible de mieux capturer les opportunités quotidiennes présentes sur les marchés. Enfin, au moyen de simulations, il serait possible aussi de créer des fonds fictifs selon l'habilité du gestionnaire et sa fréquence de transactions. Un gestionnaire habile ayant transigé plusieurs fois pendant la période d'évaluation devrait voir sa performance ajustée de façon significative quand la mesure appliquée tient compte du biais de transactions intérimaires. Ces extensions sont des avenues intéressantes pour des recherches futures.

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