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1.4 Di↵´erentes interfaces pour les syst`emes d’aide

1.4.3 Nouvelles interfaces envisageables pour ces syst`emes

1.4.3.1 Concernant la modalit´e visuelle

Rappelons que la prise d’information visuelle sur un tableau de bord oblige le conduc- teur `a d´etourner son regard de la route en moyenne une seconde. Cette dur´ee, qui d´epend

de la perception visuelle du conducteur, peut se d´ecomposer en trois phases (Kerihuel, 1989) :

– la phase balistique (ou de d´etournement de regard) qui correspond aux d´eplacements des yeux vers une cible. Cette phase correspond `a un mouvement du globe oculaire dont la vitesse est sup´erieure `a 60 degr´es / seconde.

– la phase d’adaptation `a l’environnement (luminosit´e, distance de lecture...) qui fait intervenir les m´ecanismes d’accommodation, de convergence binoculaire et de sen- sibilit´e au contraste. L’accommodation ou aptitude de l’œil `a mettre au point, est une activit´e musculaire qui fait varier le cristallin pour que l’image se forme sur la r´etine quelle que soit la distance œil-cible. Elle provoque `a long terme une fatigue visuelle. La convergence binoculaire est une fonction qui permet d’obtenir la mˆeme image sur les deux r´etines. Le passage d’un environnement lumineux (la route) `a un environnement sombre (le tableau de bord) se caract´erise par une variation du diam`etre pupillaire qui n’est pas instantan´ee. Le temps d’adaptation de l’œil est beaucoup plus long lorsque l’on passe de la clart´e `a l’obscurit´e.

– la phase de lecture et d’interpr´etation de l’information.

Si l’on veut r´eduire le temps d’occupation du regard, il faut minimiser soit la dur´ee de chaque phase, soit de l’une ou l’autre d’entres elles de fa¸con sensible. Concernant la phase balistique, pour ´eliminer le mouvement du globe oculaire, l’information doit ˆetre plac´ee au niveau des yeux du conducteur. Concernant l’accommodation et la convergence, elles sont quasiment ´elimin´ees si l’information apparaˆıt dans un plan visuel situ´e `a une distance analogue `a la sc`ene ext´erieure. Et le fait de pr´esenter des informations dans un mˆeme environnement lumineux peut ´eliminer le temps d’adaptation du diam`etre de la pupille. Enfin, concernant la phase de lecture et d’interpr´etation, les crit`eres de taille du caract`ere, de couleur, de contraste doivent ˆetre optimis´es, suivant le contexte, pour favoriser la prise d’information, tout en sachant que la dur´ee de cette phase est pratiquement irr´eductible. En r´esum´e, il faut agir sur la modalit´e visuelle en pr´esentant l’icˆone dans un axe plus proche de celui de la sc`ene routi`ere, afin de limiter ainsi le temps de d´etournement de regard. Il faut bien entendu ´egalement utiliser des icˆones facilement identifiables et

compr´ehensibles, r´epondant aux crit`eres ergonomiques habituels, sachant que la difficult´e suppl´ementaire est de rendre les icˆones suffisamment intuitives pour qu’elles soient com- prises imm´ediatement par les conducteurs qui ne les verront que tr`es rarement et dans des situations critiques et stressantes.

Pour essayer d’am´eliorer le temps de prise d’information visuelle, trois syst`emes d’af- fichage sont possibles : l’affichage « Tˆete basse »(Head Down Display : HDD), l’affichage « Tˆete moyenne » et l’affichage « Tˆete haute »(Head-Up Display : HUD).

1.4.3.1.1 L’affichage « Tˆete basse »

Il permet d’´eloigner virtuellement la position classique des informations contenues dans le tableau de bord, r´eduisant ainsi les sollicitations d’accommodation et de convergence binoculaire et de r´eduire l´eg`erement le temps de d´etournement de regard. L’amplitude des mouvements des yeux ainsi que l’adaptation `a l’environnement lumineux restent inchang´es par rapport au tableau de bord conventionnel (Kerihuel, 1989).

1.4.3.1.2 L’affichage « Tˆete moyenne »

Il est plac´e au ras de l’angle de visibilit´e du pare-brise afin de minimiser les d´epla- cements de l’œil et d’´eliminer les probl`emes de vision `a travers le pare-brise. C’est un compromis entre les deux autres types d’affichage.

1.4.3.1.3 L’affichage « Tˆete haute »

Le principe du syst`eme d’affichage « Tˆete haute » est le suivant : les informations sont transmises `a un afficheur dynamique (´ecran vid´eo ou ´ecran `a cristaux liquides) plac´e dans la planche de bord. L’image de l’´ecran est ensuite relay´ee par un syst`eme optique compos´e d’une lentille et de miroirs, qui la projette sur le pare-brise, `a travers un orifice pratiqu´e dans la partie sup´erieure de la planche de bord, `a la hauteur de l’œil du conduc- teur. Celui-ci per¸coit une image virtuelle qui semble se former non sur le pare-brise, mais au del`a, au niveau de l’avant du v´ehicule. De nombreuses recherches ont mis en ´evidence certains avantages de l’affichage « Tˆete haute »(Gish et Staplin, 1995). En particulier, ce dernier a le potentiel d’am´eliorer les performances de conduite et la s´ecurit´e du conduc-

teur de di↵´erentes fa¸cons. Il est le seul de ces trois syst`emes `a superposer l’information avec l’environnement ext´erieur. L’affichage « Tˆete haute » pr´esente les alertes visuelles dans l’axe du regard du conducteur et permet ainsi de les inclure dans la sc`ene routi`ere. Tout en e↵ectuant sa tˆache de conduite, le conducteur consulte l’information dans un mˆeme environnement lumineux sans pratiquement exercer d’e↵ort visuel. L’int´erˆet d’un tel syst`eme dans l’automobile est de pouvoir superposer `a la vision de la route les infor- mations relatives `a la conduite. On r´eduit alors consid´erablement leur temps d’acquisition et on ´evite une dispersion du regard. En mˆeme temps que le signal HUD, le conducteur verrait tout ´ev´enement important sur la route et pourrait r´eagir imm´ediatement. Cette technique permet ´egalement de minimiser les temps de transition et d’accommodation associ´es `a la prise d’information visuelle. Lorsque le conducteur doit lire une information pr´esent´ee dans son v´ehicule, il e↵ectue un mouvement que l’on peut d´ecomposer en trois phases. Le tableau 1.2 pr´esente ces trois phases ainsi que le temps (en secondes) qui est associ´e `a chacune de ces ´etapes, pour une pr´esentation d’information sur un tableau de bord conventionnel et via un syst`eme d’affichage « Tˆete haute »(HUD).

Tableau de

bord

Affichage « Tˆete haute » Phase 1 : le temps de d´etournement du regard 0,2 s 0,05 s

Phase 2 : le temps de fixation (temps d’accom- modation de l’œil + temps de lecture)

0,6s 0,4 s

Phase 3 : le temps de d´etournement retour 0,2 s 0,05 s

Total 1 s 0,5 s

Tab. 1.2 – D´ecomposition du temps de lecture en fonction de la zone d’affichage

Pour lire une information sur le tableau de bord, le conducteur va quitter la route des yeux durant une seconde, alors qu’il mettra moiti´e moins de temps si elle s’affiche via un HUD. Or, en 0,5 seconde, un v´ehicule qui se d´eplace en ville `a 50 km/h, parcourt 7 m`etres et sur l’autoroute `a 130 km/h, un peu plus de 18 m`etres. Outre ce gain de temps et donc de distance parcourue, l’affichage d’une information via le HUD se superposant `a la sc`ene routi`ere, le conducteur pourra maintenir son attention sur la route grˆace `a la capacit´e de vision p´eriph´erique de l’œil. Ainsi, une interface « Tˆete haute » serait particuli`erement pertinente lorsqu’un fort niveau d’attention est n´ecessaire pour traiter la sc`ene routi`ere

(Knoll, 1997 ; Mutschler, 1992).

Rutley (1975) a montr´e que les conducteurs maintenaient une vitesse de consigne plus facilement lorsque la vitesse ´etait affich´ee en « Tˆete haute » plutˆot que sur un tachym`etre classique positionn´e sur le tableau de bord. Selon cet auteur, les conducteurs accordaient plus d’attention `a leur vitesse, puisqu’ils la voyaient presque continuellement, sans avoir `a rediriger leur regard et « sans e↵ort » particulier. Sojourner et Antin (1990) ont ob- tenu des r´esultats similaires, avec 20 sujets, hommes et femmes, ˆag´es de 19 `a 51 ans, dans un environnement de conduite simul´e. Tout en observant la sc`ene routi`ere, les su- jets devaient r´ealiser trois types de tˆaches associ´ees `a la navigation, au maintien de la vitesse et `a la d´etection de cibles. L’affichage de la vitesse en « Tˆete haute » a permis d’obtenir de meilleures performances `a ces tˆaches : en particulier, les sujets d´etectaient significativement plus vite les cibles.

Cependant les avantages de la pr´esentation d’informations visuelles via un affichage HUD doivent ˆetre contrebalanc´es par certains inconv´enients. Tout d’abord, le contraste entre l’icˆone visuelle pr´esent´ee et la sc`ene routi`ere peut ˆetre trop faible pour ˆetre per¸cu (par exemple, une lampe rouge avec un arri`ere-plan une fa¸cade en brique ou un toit de maison). Pour palier cet inconv´enient, on peut par exemple projeter le signal sur un verre d´epoli en bas de pare-brise. Par ailleurs, Mutschler (1992) souligne que l’affichage d’information dans la sc`ene routi`ere pourrait distraire le conducteur, que l’image virtuelle pourrait masquer des informations environnementales ou diminuer la quantit´e d’informations per¸cues et ainsi interf´erer avec la tˆache de conduite, voire d´egrader la performance du conducteur. En r´eponse `a ces r´eserves, Hooey et Gore (1998), grˆace `a un simulateur dynamique de conduite, ont mesur´e les e↵ets sur la conduite de l’affichage d’informations relatives `a la navigation via un syst`eme « Tˆete haute » comparativement `a un affichage via un ´ecran LCD plac´e sur la planche de bord, `a droite du volant. Vingt-quatre sujets ont conduit dans trois contextes di↵´erents (2 en ville et un en campagne). Ils avaient pour consigne de conserver une vitesse cible et de bien rester dans leur voie de circulation. Ils devaient r´epondre, aussi vite que possible, `a la survenue d’obstacles soudains (ballon, voiture, . . .). Les r´esultats n’ont montr´e aucune di↵´erence significative entre les deux types d’affichage.

Les auteurs concluent que mˆeme si la performance n’a pas ´et´e meilleure dans la condition « Tˆete haute », cette ´etude montrait au moins qu’il n’y avait aucune d´egradation de la performance dans cette condition. Pour eux, l’affichage HUD ne semble pas distraire les conducteurs.

En r´esum´e, l’affichage d’informations en vision« Tˆete haute » pr´esente des avantages certains, mais n’est pas pour autant la panac´ee. Les r´eserves ´emises quant `a la possibilit´e de distraction du conducteur ne doivent pas ˆetre ´ecart´ees et il semble important de ne pas surcharger ce nouvel espace d’affichage. Toutes les informations n’ont pas leur place dans l’axe du regard du conducteur. Il faut bien entendu r´eserver cet espace aux informations pertinentes et utiles pour l’activit´e de conduite. Ainsi, l’affichage« Tˆete haute » des icˆones visuelles associ´ees aux situations critiques de conduite pourrait ˆetre une solution tout `a fait adapt´ee `a notre probl`eme. Il faut noter cependant que la majorit´e des ´etudes sur l’affichage « Tˆete haute » ont ´et´e r´ealis´ees en laboratoire ou sur simulateur de conduite. Il nous paraˆıt essentiel d’´evaluer un tel syst`eme dans une contexte de conduite r´eelle, en proposant des interfaces adapt´ees aux situations de conduite avant de conclure sur la pertinence de ce type d’affichage.