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QUESTIONS DE RECHERCHE ET METHODOLOGIE

2. Analyse des résultats obtenus thème par thème

2.2 Conception de l’insertion sociale des jeunes et de ses enjeux

Le sujet de l’insertion sociale fait l’objet de réflexions variées de la part des différentes personnes auprès desquelles j’ai mené des entretiens. Certaines se contredisent, d’autres se complètent mais peu sont strictement en accord entre les groupes ou au sein des groupes eux-mêmes. Dans l’analyse de ces propos, il est important de garder à l’esprit que les aspects mis en avant sont pensés plus particulièrement pour le cas des jeunes issus de milieux sociaux défavorisés. Ils ne sont en aucun cas exposés comme des généralités par leurs auteurs.

Malgré les différences que j’ai pu évoquer, l’ensemble des groupes fait état de l’insertion sociale des jeunes en se basant d’une part sur la situation et la volonté des jeunes eux-mêmes, d’autre part sur le poids du groupe et des relations qu’ils entretiennent avec ces derniers. En effet, si tous les individus n’en ont pas la même conception et n’attachent pas la même importance à la société, ils mesurent tous le rôle des liens qui sont entretenus au sein de celle-ci pour favoriser l’intégration et donc la cohésion sociale. Les liens en question manifestent la volonté et le désir de vivre ensemble et de former un collectif avec tous les individus résidant dans une ville ou dans un pays. Ainsi, pour discuter de la conception de l’insertion sociale ou de l’exclusion des jeunes au sein de la commune de Saint-Julien-en-Genevois, les personnes interrogées prennent en considération la situation et le comportement des jeunes et ceux de l’ensemble du groupe à leur égard. Il s’agit pour les jeunes d’avoir l’envie et la volonté de se mêler au groupe et de partager son espace de vie avec lui en laissant de côté certains de leurs intérêts personnels. La volonté n’est cependant pas suffisante et le groupe doit accepter l’individu et le considérer comme un membre à part entière, un égal.

L’intégration sociale des jeunes issus de milieux défavorisés peut devenir problématique dans la mesure où ils sont susceptibles d’être pris dans un cercle vicieux au sein duquel chacun entretient, malgré lui parfois, les réticences de l’autre à créer du lien social.

Concernant les jeunes, il se dégage des différents discours de multiples raisons qui pourraient être la cause de situations d’exclusion ou de marginalisation et qu’il est donc nécessaire de prendre en considération dans un projet visant à favoriser l’insertion sociale des jeunes. En premier lieu, il apparaît que les jeunes issus de milieux défavorisés ne se considèrent pas semblables aux autres membres de la population. Leur situation économique et sociale influence la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et des individus qui les entourent. Cette différence perçue induit alors chez eux diverses attitudes qui provoquent et entretiennent une scission entre eux et le reste des habitants de la ville. Ils peuvent avoir tendance à se mettre en relation uniquement avec des personnes qui se trouvent dans la même situation qu’eux ou qu’ils jugent comme leurs semblables. Ils se créent ainsi un groupe social délimité, se replient sur eux-mêmes et sur leur cercle et se mettent à l’écart de leurs concitoyens. Il est également possible que l’image stéréotypée dont ils font ou dont ils pensent faire l’objet les incite à développer des conduites de défense telles que : le repli sur soi et sur le groupe social d’appartenance et le rejet des autres. Ils estiment que ces autres ont une image négative d’eux et cela sans fondement ou du moins sans indulgence et que, de fait, ils les rejettent. Ce sentiment de rejet les pousse à se positionner en tant que victimes et à penser que la société entière est contre eux, qu’elle se refuse à les prendre en considération et à leur donner une place au sein du groupe et qu’ils ne peuvent rien faire pour modifier cela. Considérant alors qu’aucun de leur comportement ne pourra permettre de modifier le regard des autres à leur égard, ils ne cherchent pas à s’intégrer, à créer des relations ou à participer à la vie de la collectivité. Ils ne pensent pas pouvoir y trouver une place et avoir l’occasion de montrer qui ils sont réellement. Les propos d’un des jeunes illustrent bien le sentiment de rejet qui peut être ressenti, en effet il emploie le mot particulièrement fort de « racisme ». Selon lui, ils en sont victimes et il est à l’origine de leur incapacité à s’intégrer et donc de leur exclusion. Si un des jeunes semble se considérer réellement comme une victime de la société, les autres sont

plus partagés. Leur discours met en évidence d’autres difficultés, plus personnelles, se présentant à eux dans leur intégration sociale. Il s’agit d’une part de leur volonté propre et de leur confiance en eux. Les jeunes répondants n’attachent que peu d’importance au fait d’être intégrés d’un point de vue social et n’y voient pas d’intérêt particulier par rapport à la situation d’exclusion. Ils ne sont donc pas motivés à réaliser des efforts pour s’intégrer davantage. D’autre part, il semble qu’ils ne pensent pas avoir quelque chose à apporter à l’ensemble du groupe ou du moins être en mesure de le faire. Probablement parce qu’ils se sentent dissemblables du reste de la population, ils ne voient pas comment ils pourraient jouer un rôle qui profite à la société.

Concernant le groupe, il semble que, particulièrement pour les jeunes, c’est par lui qu’un individu pourra ou non être intégré et se sentir intégré. Il est celui qui permet à chacun d’avoir une place et de jouer un rôle à l’instar de tous ses membres. S’il ne perçoit pas telle ou telle personne comme une de ses semblables il la met alors à l’écart et il devient difficile pour elle de se créer un statut social autre que celui de marginal. Les personnes qui ne rentrent pas dans les normes que ce soit dans le domaine social, scolaire ou professionnel sont les plus fréquemment isolées. Le fait qu’elles ne partagent pas ou ne donnent pas l’impression de partager les valeurs communes de la société incite le groupe à ne pas leur accorder sa confiance et à refuser de se lier à elles. Les jeunes issus de milieux défavorisés et surtout ceux qui ont pu être les auteurs d’incivilités sont susceptibles de se trouver dans ce cas de figure et d’avoir de grosses difficultés à sortir de cette spirale. Pour se créer, tant bien que mal, une existence sociale, les jeunes se réfugient dans leur groupe social d’appartenance et marquent plus fortement leur identité en se comportant de la façon que l’image qui leur a été assignée leur commande. En retour de cette attitude négative de rebelle vis-à-vis de la société, le groupe continue de les exclure parce qu’il les considère comme des éléments perturbateurs de la vie en collectivité et non dignes de confiance.

L’intégration sociale des jeunes doit donc se travailler avec eux mais également avec le reste de la population. En effet, les habitants de la ville doivent, de leur côté, être prêts à leur accorder une place et un statut afin qu’ils puissent exister en société et ne plus être cantonnés à un groupe social et à un stéréotype déterminé. Ils doivent également avoir connaissance de la volonté des jeunes de s’intégrer et leur manifester leur confiance et la volonté d’élargir le lien.

Dans les discours de tous les individus, j’ai pu identifier trois pôles d’intégration : le travail, le monde associatif et les services publics. Selon les personnes qui les évoquent, chacun de ces pôles recouvre une importance différente dans l’intégration sociale des jeunes.

Les services publics ne sont d’ailleurs pas évoqués par tous les répondants.

Tous considèrent que l’insertion professionnelle est un facteur favorisant, voire capital, pour l’intégration sociale. En effet, le fait d’avoir un travail fixe et de bénéficier d’une certaine reconnaissance sociale permet à tout un chacun de jouer un rôle dans la société et d’être valorisé pour son activité. L’indépendance financière qu’il procure permet également de se construire une vie sociale par l’acquisition d’un logement et la création de sa propre famille.

De nos jours, il est difficile de participer à la vie de la société sans un minimum de moyens financiers et donc sans un travail. Le pôle d’intégration qu’est le travail est pris en considération à différents degrés par les diverses personnes interrogées. Pour certaines, comme les jeunes et certains des animateurs du service Jeunesse, il s’agit davantage d’un élément favorisant que d’un élément capital. En effet, il donne accès à des moyens, notamment financiers, qui facilitent la participation sociale, et il permet à chaque individu de se valoriser vis-à-vis des autres mais il n’est pas une condition sine qua non à la réussite de l’intégration sociale d’une personne. Chacun peut trouver des moyens autres que l’intégration professionnelle pour se faire valoir et finalement parvenir à s’intégrer au groupe s’il lui manifeste de l’intérêt. D’autre part, l’habit ne fait pas le moine et ce n’est pas son statut

professionnel qui à long terme peut permettre à une personne d’avoir un statut social dans le groupe. Il facilite l’intégration en son sein certes, mais il n’empêche pas que l’individu en question devra créer et entretenir avec le groupe des liens basés sur des qualités plus profondes que l’image de réussite qu’il renvoie. Pour les autres, l’un des animateurs du service Jeunesse, les représentants de la commune et les représentants des associations et institutions, l’intégration professionnelle est très importante pour l’insertion sociale des jeunes. Comme je l’ai évoqué précédemment, elle permet d’obtenir un statut et des moyens ouvrant des perspectives de participation sociale ; réciproquement, son échec constitue une première forme d’exclusion difficile à surmonter pour les jeunes issus de milieux défavorisés.

Effectivement, ceux qui n’ont pas eu la possibilité de suivre un cursus scolaire long ou des formations rencontrent de grandes difficultés à faire leur entrée dans le monde du travail et finissent souvent par se trouver dans des situations professionnelles précaires. Chômage, emploi de courte durée ou emploi d’intérim ne permettent pas de se forger un statut social.

Cette privation d’une possibilité d’existence sociale par le travail peut donner aux jeunes l’impression que la société se refuse à leur offrir une place. Un individu qui pense ne pas avoir sa place dans un groupe ne cherche pas à s’y intégrer ou à participer à sa vie collective, de fait il refuse toute autre forme d’intégration que professionnelle. Toutes les personnes qui m’ont donné leur avis n’attachent pas la même importance à l’insertion professionnelle.

Certaines l’envisagent comme un élément capital, les autres comme un élément facilitateur mais il n’en reste pas moins qu’il se dégage de ces discours que l’insertion professionnelle est particulièrement importante à favoriser afin de développer l’insertion sociale des jeunes.

Le second pôle d’intégration identifié par tous est le monde associatif et bénévole. Ce dernier semble avoir de nombreuses qualités pour favoriser l’insertion d’une personne, plus encore si celle-ci rencontre des difficultés d’insertion professionnelle. Premièrement, il est l’occasion de faire des rencontres et de créer du lien avec d’autres habitants de la ville que l’individu en question n’aurait probablement pas côtoyés en dehors de ce contexte précis. Des individus se pensant différents ont alors un terrain pour se retrouver autour d’envies et de motivations communes. En effet, il semble fort important de sortir les jeunes issus de milieux défavorisés de leur environnement habituel mais surtout de ne pas les enfermer à nouveau en ne les conduisant à participer qu’à des regroupements et des manifestations spécialement créés pour eux. Le monde associatif est l’occasion de jouer un rôle et de se reconnaître non comme l’habitant d’un quartier mais comme l’habitant d’une ville ou d’un pays, semblable aux autres. Deuxièmement, le domaine associatif donne à chacun la possibilité de trouver une utilité sociale et d’être reconnu pour ses apports à la collectivité. Cela pourra lui ouvrir la porte d’un nouveau statut social valorisé, celui de bénévole. Troisièmement, la diversité des associations permet à chacun de choisir un groupe auquel s’intégrer en fonction de ses domaines d’intérêt. En son sein il pourra développer et surtout mettre en lumière des qualités et des savoir-faire que les domaines scolaire, professionnel ou de la vie quotidienne ne lui permettent pas d’exploiter. Il aura ainsi une chance de modifier le regard que portent les autres sur lui. Enfin, chacun peut s’engager comme il le souhaite dans les associations, c’est un secteur dans lequel il n’y a pas de pression de réussite et où la bonne volonté prime. C’est donc un terrain idéal pour les jeunes pour s’exercer à prendre des engagements et des responsabilités, et mettre en oeuvre des compétences afin de développer leur confiance en eux. Une confiance qui pourra les aider à oser aller à la rencontre des autres et faire valoir leurs qualités, par exemple dans le domaine professionnel.

Les jeunes et les représentants de la commune envisagent les services publics comme des éléments facilitateurs pour l’intégration sociale. En effet, le fait que tous les membres de la population puissent avoir accès à des services identiques leur offre un terrain sur lequel se rencontrer et échanger, et les place sur un pied d’égalité. De plus, la mise à disposition par la commune d’agents ressources permet aux personnes éprouvant des difficultés d’insertion sociale de bénéficier d’un soutien.

Pour s’intégrer socialement, les jeunes doivent trouver dans un de ces pôles des occasions de se créer un statut social et de faire reconnaître leurs compétences individuelles par les autres. Ils pourront ensuite les faire valoir dans un champ plus large et disposer de réelles possibilités d’être des acteurs au sein de la société.

2.3 Rôle du service public dans la formation des citoyens et l’insertion