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QUESTIONS DE RECHERCHE ET METHODOLOGIE

2. Analyse des résultats obtenus thème par thème

2.1 Conception de la citoyenneté

Comme nous avons pu le voir dans la partie théorique consacrée à leur description, le citoyen et la citoyenneté peuvent se définir par différentes composantes relatives au statut d’un individu mais aussi à ses agissements. Dans les propos des quatre groupes de personnes auprès desquels j’ai mené des entretiens, j’ai également pu dégager plusieurs aspects pris en considération par tous dans la description qu’ils font de la personne qu’est le citoyen. Il s’agit de la composante juridique et politique, de la notion d’appartenance à un pays ou à une ville, de la participation à la vie de la société, et du cas particulier des personnes qui n’ont pas encore atteint la majorité.

Dans la théorie, la composante juridique et politique de la citoyenneté est celle qui chapeaute la notion puisqu’elle rend légitimes les droits et les devoirs assignés aux individus

membres d’un groupe et permet ainsi une certaine régulation de la vie sociale. Bien que la dimension politique ne se limite pas à cela, c’est par le droit octroyé à chacun d’exprimer ses opinions vis-à-vis des instances politiques, le droit de vote, que la citoyenneté est le plus répondre, et son obligation de respecter les lois du pays dans lequel il réside. Le droit de vote est systématiquement cité en exemple. Il semble que la détention de ce pouvoir d’influencer la vie politique occupe, pour eux, une place importante dans l’exercice de la citoyenneté. Sans celui-ci, il n’est pas possible d’être un citoyen à part entière. Leur vision de la citoyenneté est donc à la fois très classique et très limitée. Cela pourrait s’expliquer par le fait que l’on ne parle explicitement aux enfants de citoyenneté qu’à l’école, qui fait le plus souvent référence à la Déclaration Universelle des Droits de l’homme pour définir les droits et donc l’état de citoyen. Citoyenneté et droits sont donc intrinsèquement liés pour les jeunes, et dans la mesure où les droits les plus évidents sont ceux réservés aux personnes majeures, comme le droit de vote, ils ne peuvent donc pas se sentir concernés. N’ayant connaissance que de cette façon d’exercer leur citoyenneté, ils se trouvent privés de la possibilité de se conduire et d’agir en tant que citoyens. La vision qu’ont les jeunes du citoyen est délimitée par les droits civiques, politiques, économiques, sociaux dont il jouit. Un des jeunes ajoute même à cela la composante économique qui met en avant l’idée d’un échange de services entre la collectivité et chaque individu. La première offre et garantit des droits socio-économiques à chacun en contrepartie de quoi le second a la responsabilité de participer à la production de ce qui est nécessaire à la vie de son pays et à la communauté. L’exercice de la citoyenneté se base donc également sur l’insertion professionnelle et la capacité de jouer un rôle socio-économique au sein de sa nation. Cette première constatation m’incite à penser que les jeunes n’ont pas connaissance de façons adaptées à leur statut et à leur condition d’exercer leur citoyenneté. Il est donc nécessaire de leur montrer comment ils peuvent s’engager dans la vie de la communauté pour agir en tant que citoyens, et de prendre en compte l’importance du rôle social acquis par le travail.

Les trois autres groupes : les représentants de la commune, les animateurs du service Jeunesse et les représentantes d’associations et d’institutions évoquent, comme les jeunes, la composante juridique et politique dans la définition du citoyen mais dépassent ses limites. Les droits définis par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et principalement les droits civiques et socio-économiques assurent à chacun, quels que soient son âge et son statut politique, la possibilité de participer à la vie de sa communauté par l’accès à l’éducation et aux différents services publics, et la liberté de penser, de croire, de s’exprimer, de se regrouper en association. Les trois groupes en question la considèrent davantage comme un aspect cadre du concept de citoyenneté que comme l’unique manifestation de l’exercice de la citoyenneté.

L’ensemble des groupes, y compris celui des jeunes, estime que le statut de citoyen s’obtient par l’appartenance à une collectivité humaine, une cité et/ou un Etat. Le fait d’habiter un pays donné, de vivre dans une ville et de jouir des droits et d’avoir accès aux services publics mis à la disposition de tous ses habitants permet à chacun de se considérer comme un membre à part entière d’un groupe et comme un citoyen. Dès le plus jeune âge, les individus sont intégrés et prennent part à la vie de leur communauté par leur inclusion dans des structures créées pour l’accueil, en fonction des différentes tranches d’âges, de la population : les crèches, les établissements scolaires ou encore les maisons de quartier. Par leur présence quotidienne et tout au long de leur vie dans ces institutions destinées au

collectif, les individus prennent leur place et sont reconnus comme partie d’un tout. Ainsi le citoyen occupe une place dans un milieu communal ou national et revendique son appartenance à celui-ci. Ce sentiment d’appartenance s’exprime alors par une réflexion sur le bien-être de chacun et une conscience des efforts à faire afin que chacun soit traité de façon égale et puisse former, avec l’ensemble, un groupe ayant une identité et des valeurs communes. Tous ses membres ont ainsi la volonté de contribuer au tout et de collaborer au déroulement de la vie collective de façon économique, politique, ou encore associative. Si toutes les personnes interrogées sont d’accord sur ce point, certaines apportent malgré tout deux précisions importantes à prendre en compte. D’une part, on décrit communément, et cela revient régulièrement dans les entretiens, le citoyen comme « l’habitant de la cité », et cette conception est validée par les répondants. Cependant, deux d’entre deux, un jeune et un représentant de la commune, ne manquent pas de préciser que le sentiment d’appartenance ne peut se jouer qu’au niveau communal et doit également être éprouvé sur le plan national. En effet, le citoyen est un « acteur de la République » et, bien que son intégration dans la cité légitime son statut, il a également une place à occuper en tant que résident d’un pays. Les niveaux politique et économique sont les plus évidents, mais cette intégration peut également consister en une solidarité vis-à-vis de tous les nationaux et non seulement envers les seuls habitants de sa ville. Ces deux degrés d’appartenance du citoyen doivent donc être pris en considération dans l’éducation à la citoyenneté de manière à ce que chacun prenne conscience de sa place au sein de sa commune mais également au sein de sa nation. D’autre part, un des jeunes insiste sur le fait que, malgré son importance dans la notion de citoyenneté, cette conscience d’appartenir à un tout et le fait d’être reconnu comme le membre d’une collectivité ne sont pas suffisants pour se percevoir et être reconnu comme un citoyen. Le sentiment d’appartenance et la volonté de se comporter de manière à apporter quelque chose au regroupement humain duquel tel ou tel individu fait partie ne sont pas innés ; ils sont, selon lui, le résultat d’un choix délibéré. Cela correspond en fait à la composante psychologique de la citoyenneté que j’ai mise en lumière dans la partie théorique l’évoquant. Bien que la reconnaissance de l’appartenance à une collectivité donnée permette à un homme de se considérer et d’être considéré comme un citoyen, cela n’implique pas automatiquement qu’il exercera sa citoyenneté. La conscience et la volonté d’être un citoyen sont indispensables.

Aristote estimait d’ailleurs déjà en son temps que le citoyen ne peut pas se borner à résider dans une cité et profiter de ses droits, il doit prendre activement part à tout ce qu’il s’y passe et participer à des rassemblements de la population (Le Gal, 2002).

Le citoyen est donc une personne qui participe à la vie de sa ville et de son pays. Il ne s’agit pas essentiellement d’un engagement associatif ou militant mais en premier lieu d’un comportement quotidien attestant de son respect pour le groupe et son bien-être. Dans les propos de tous les sujets interrogés, cette notion de respect occupe une grande importance dans la description du citoyen. Il semble que les attentions dont ce dernier fait preuve à l’égard de son groupe d’appartenance et tout ce qu’il partage avec lui attestent de ses qualités de citoyen et doivent être considérés comme des manifestations de sa citoyenneté. Il s’agit plus d’une manière d’être que d’actions délibérées. Dans chacun de ses gestes quotidiens, le citoyen veille à respecter les codes de politesse, à porter de l’attention et à être serviable avec ses concitoyens, à être sensible aux difficultés des autres, et à respecter et protéger l’espace de vie commun et tout ce qui est mis à disposition par la collectivité pour le groupe. Toutes les personnes interrogées estiment que ce comportement quotidien est un premier niveau d’implication citoyenne dans la vie de sa communauté. En effet, de cette façon, les individus permettent et facilitent le bon fonctionnement de la vie collective et font en sorte qu’il demeure possible et agréable de vivre ensemble. Un des jeunes estime même que ce respect est nécessaire pour qu’un individu soit considéré et reconnu comme un citoyen par toutes les personnes qui partagent sa vie sociale.

La citoyenneté peut se manifester dans un comportement quotidien, mais elle peut également s’exercer dans des actions particulières. En effet, les citoyens sont censés être égaux en droits, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. L’ensemble des personnes interrogées pensent donc que le citoyen peut et doit intervenir, autant que faire se peut, pour la réduction des inégalités économiques et sociales. Le vivre ensemble peut être davantage favorisé par des actions menées au service d’autrui et visant le bien commun. Le citoyen peut faire preuve d’une implication plus forte dans la vie de la société en orientant ses agissements et en prenant des responsabilités dans l’intérêt général. Il s’agit de donner de sa personne et de son temps pour essayer de répondre à des besoins collectifs et non seulement à ses besoins propres.

Si les quatre groupes d’individus auprès desquels j’ai mené des entretiens partagent, à quelques nuances près, une conception commune du citoyen et de la citoyenneté, il n’en est pas de même pour le statut accordé aux mineurs, sujet autour duquel les avis divergent même au sein des groupes.

Pour les animateurs du service Jeunesse et les représentants de la commune, les jeunes doivent être considérés comme des citoyens à part entière puisqu’ils sont en mesure, à leur niveau, d’exercer leur citoyenneté à travers les comportements quotidiens que j’ai évoqués plus avant ou en menant des actions visant la satisfaction de l’intérêt général.

Pour les représentantes des associations et institutions de la ville, les mineurs sont des citoyens en devenir. Ils construisent leur citoyenneté au cours d’expériences collectives quotidiennes. En premier lieu par leur intégration dans des structures collectives, puis par l’aptitude à faire la différence entre l’intérêt général et leurs intérêts propres qu’ils développent petit à petit. Malgré tout, dès le plus jeune âge, chacun peut trouver des façons d’exercer une part de citoyenneté tant le domaine des comportements citoyens est vaste.

Ce sont les jeunes qui sont les plus divisés sur le sujet. Pour deux d’entre eux, le respect et la solidarité avec le groupe étant les qualités qui priment chez le citoyen, les individus de tout âge et de toute condition peuvent être considérés comme tels. Pour le troisième, les jeunes mineurs ne disposant pas d’un certain nombre de droits et de devoirs civiques, ils ne peuvent être que partiellement citoyens. Ils peuvent cependant trouver d’autres façons d’exercer leur citoyenneté, notamment par une contribution à la vie de la communauté en mettant leurs capacités et leur bonne volonté à profit. Parallèlement à cela, ils apprennent à exercer leur citoyenneté dans sa totalité par le biais de leurs expériences quotidiennes : au sein de leur famille, de leur école ou de leurs activités extrascolaires. C’est ce dernier avis qui est le plus proche du quatrième jeune, qui exprime l’idée que leur incapacité à participer à la vie économique du pays fait que les mineurs ne peuvent être consciemment des citoyens ; ils doivent, par ces mêmes expériences quotidiennes, se préparer à assumer leur rôle futur.

Ce qui se dégage de ces différents avis est la multiplicité des façons d’exercer sa citoyenneté, indépendamment du statut qui leur est accordé par les personnes interrogées. Il s’avère donc utile pour tous les individus, qu’ils soient mineurs ou majeurs, de trouver des espaces au sein desquels prendre connaissance de cette diversité des champs d’action pour être mis en mesure de faire des choix. Il semble important de donner, particulièrement aux jeunes dont la conception de la citoyenneté semble limitée aux composantes juridique et politique, les moyens leur permettant de se positionner comme citoyens ou d’apprendre à l’être. C’est dans ce créneau que les adultes ont un rôle pédagogique à remplir pour reconnaître et faire reconnaître l’utilité sociale des personnes mineures ou pour leur montrer comment jouer leur rôle de citoyen au sein de la collectivité.