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CHAPITRE 2 : État des connaissances

2.2 Les réseaux intégrés de soins

2.2.1 Le concept de réseau de soins

Le réseau est une structure, une forme émergente, mais constitue également une nouvelle modalité de coordination dépassant le marché (Bejean & Gadreau, 1997). C’est une structure d’organisation des activités économiques reposant sur un ensemble de relations

qui relie des entités, individus ou groupes, et qui traduit une interdépendance entre ses membres. La mise en place d’un réseau s’appuie sur une conduite collective et non individuelle (Domin, 2004).

Dans le domaine de la santé, les réseaux ont fait leur apparition dans les années 1980 (Pissarro, 2004). Quatre éléments fondateurs sont à l’origine du réseau: la recherche de complémentarités, la volonté de réduction de l’incertitude, la diffusion de l’information et des connaissances et le rôle de la confiance (Domin, 2004). Le développement des réseaux dans les années 1980 et 1990 s’est appuyé sur la recherche de complémentarités sur des questions comme la prise en charge de la vieillesse, des malades chroniques et autres types de pathologies. L’objectif étant de pouvoir réunir plusieurs expertises autour de problématiques complexes (Bejean & Gadreau, 1997). Le réseau nécessite d'abord un effort de coopération (Domin, 2004). Face à des questions complexes, les professionnels de la santé se concertent pour tenter de réduire l’incertitude à laquelle ils ont à faire face (Bejean & Gadreau, 1997). Dans cette perspective, la constitution du réseau permet de confronter les points de vue et les expériences sur des sujets complexes. De cette confrontation naissent des modèles de comportement permettant de réduire l’incertitude liée à la prise de décisions. Le réseau est donc utilisé pour réduire l’incertitude grâce à la confrontation des idées, des points de vue et des expériences (Bejean, 1999). Il ne repose donc ni sur des relations marchandes, ni sur des relations hiérarchiques, mais sur la base d’ajustements mutuels et des relations de confiance entre les intervenants. Le réseau, par la réalisation de complémentarités, offre les conditions d’un apprentissage de type allocation de ressources, mais aussi, et de manière concomitante, de type création de ressources (Naiditch et al., 2000 ).

Les réformes en faveur de la mise en place des réseaux dans le domaine de la santé s’appuient sur une organisation territoriale de l’offre en santé et permettent le maintien et le développement d’activités et de prestations de proximité. Le terme de proximité est une composante essentielle dans le fonctionnement des réseaux et renvoi à l'hypothèse d'une séparation entre les intervenants et favorise la prise en compte d'une coordination entre les acteurs. La proximité est censée réduire l'incertitude liée au coût des liaisons engendré par la diversité et l’éloignement géographique des groupes d’acteurs, en répartissant le risque sur un plus grand nombre de liaisons (Domin, 2004).

Les réseaux étant liés par des relations et interactions formelles et informelles, le maintien de relations de qualité est crucial. Ils permettent le transfert des connaissances et la résolution de problématiques que les organisations traditionnelles en silos ne peuvent résoudre (Gilchrist, 2006).

Le réseau est constitué d’organisations qui fournissent un continuum de soins à une population définie, et qui sont tenus collectivement responsables, tant financièrement que cliniquement, de leurs effets sur le système et sur la santé et le bien-être de la population desservie (Shortell, Gillies & Anderson, 1994). De ce fait, la notion de réseau remet en cause les principes intangibles de propriété et de frontière. Avec la multiplication des ramifications internes et externes, l’organisation productive ne connaît plus de limites géographiques ou physiques, dans la mesure où les responsabilités et les enjeux s’étendent sur le plan territorial ou géographique (Assens, 2003). On peut cependant faire une distinction en ce qui a trait à la notion de réseau. Dans le domaine de la santé, on distingue souvent deux types de réseaux selon la finalité sanitaire : les réseaux de soins et les réseaux de santé (Grosjean, Barcet & Bonamy, 2003). Les réseaux de soins visent à

améliorer l’organisation des soins destinés aux seules malades de la population cible. Quant aux réseaux de santé, ils visent à organiser une prise en charge globale et collective de la santé de la population cible et pas seulement des malades de cette population. Les réseaux de santé sont donc des organisations complexes, mais doivent être aussi dynamiques pour être en mesure d’apporter des réponses adaptées à la complexité de la prise en charge transversale des besoins des patients (Chvetzoff, Chvetzoff, Ramponneau, Saby & Mick, 2009).

La collaboration qui est le moteur dans le fonctionnement des réseaux présente des avantages tant pour les acteurs impliqués que pour les patients. Dans leur étude, Hasen et Nohria (2004) mentionnent cinq grands types de bénéfices à la collaboration entre secteurs : l’économie de coûts par le transfert des meilleures pratiques; une meilleure prise de décision par le partage des conseils entre collègues; l’augmentation des revenus par le partage d’expertise; l’augmentation de l’innovation par la pollinisation croisée; et, l’augmentation de la capacité d’action collective (Hansen & Nohria, 2004). L’existence d’un écart entre les soins usuels et les soins recommandés semble être diminuée par la mise en place d’un réseau de partenaires dans lequel la mesure et la communication en continu permettent d’améliorer les pratiques et d’offrir les meilleurs soins et services aux différentes populations de patients (Montague, 2006).

Le passage d’une logique de gestion d’établissements fondée sur une harmonisation bureaucratique des ressources vers une logique de gestion en réseau nécessite des outils sophistiqués de gestion de la connaissance et une maîtrise des processus organisationnels. La gestion en réseau nécessite le développement de nouvelles capacités (Rondeau & Jacob, 2009). En effet, selon ces auteurs, le changement actuel des modes de structuration

et de coordination du réseau de la santé prend la forme d’un changement radical. Il convient cependant de conduire ce changement selon la logique d’un apprentissage collectif dans l’action, avec de nombreuses itérations par lesquelles se produit une appropriation graduelle de nouvelles compétences et connaissances organisationnelles par tous les acteurs concernés (Rondeau & Jacob, 2009). Afin de demeurer compétitives, les organisations se doivent de stimuler et soutenir la collaboration interorganisationnelle afin de tirer profit adéquatement de leurs ressources respectives (Hansen & Nohria, 2004).

Pour assurer une meilleure efficacité de ses réseaux, certains éléments clés doivent être pris en compte. Selon Provan & Kenis (2007), les éléments-clés permettant de prédire l’efficacité des formes de gouvernance des réseaux sont la confiance, le nombre de participants au sein du réseau, le consensus sur les objectifs visés, le niveau de compétences requises pour effectuer les tâches et faire face aux demandes externes. Par ailleurs, les auteurs soulignent qu’il existe des tensions à gérer au sein d’un réseau. Ces tensions proviennent de la recherche de l’efficience versus inclusion, légitimité interne versus externe et flexibilité versus stabilité (Provan & Kenis, 2007).

Cinq types de contraintes sont reconnus pour exercer des pressions sur les réseaux: les pressions politiques, l’élargissement des mandats, les contraintes sur les ressources, la qualité des soins et l’augmentation des opportunités de transfert des connaissances (Huerta, Casebeer & VanderPlaat, 2006). Selon Hansen & Nohria (2004), les barrières à la mise en place des réseaux sont : la réticence à rechercher l’avis et apprendre des autres; l’incapacité à chercher et trouver l’expertise; la réticence à aider et l’incapacité à travailler ensemble par le partage des connaissances.

Bien qu’ils engendrent certaines tensions et paradoxes, les réseaux demeureront une voie à préconiser pour construire les capacités du système et pour assurer une plus grande intégration des soins et des services (Huerta et al., 2006). L’organisation en réseaux intégrés de services s’appuie sur le développement de stratégies d’intégration en vue d’amener les organisations et les acteurs d’un système à répondre à des objectifs communs (Park, 1996). Le principal défi dans l’implantation d’un réseau est de trouver les éléments pour entraîner les différentes parties dans de nouvelles relations stables et durables de coopération. Ceci implique un changement de pratiques et surtout de mentalités de la part des acteurs (Clements, Dault & Priest, 2007; Thornhill, Dault & Clements, 2008).