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CHAPITRE 2 : État des connaissances

2.2 Les réseaux intégrés de soins

2.2.2 Le concept de l’intégration des soins

Au cours des 10 dernières années, l’intégration des soins a été présentée comme le modèle d’organisation des systèmes de santé qui devrait permettre d’améliorer la coordination des soins entre les différents prestataires de soins. La fragmentation croissante des soins a été la source de problèmes de discontinuité, de duplication et de l’absence de responsabilité dans le continuum de soins à travers la trajectoire des soins et services offerts aux usagers. Il est de plus en plus reconnu que l’intégration des soins est nécessaire pour assurer la continuité des soins, augmenter la qualité de vie des patients et leur satisfaction à l’égard des soins (Gillies, Chenok, Shortell, Pawlson & Wimbush, 2006; Reilly, Challis, Burns & Hughes, 2003). L’intégration des soins est donc devenue un concept central pour plusieurs réformes dans le domaine de l’organisation des soins. Les systèmes de santé sont de plus en plus confrontés à des enjeux de fragmentation des soins, de pénurie de ressources et des résultats de santé insatisfaisants surtout pour les

patients avec des maladies chroniques (Arrieta, Foreman, Crook & Icenogle, 2008; Ouwens, Wollersheim, Hermens, Hulscher & Grol, 2005; Wagner et al., 2005). Mais, les définitions de l’intégration demeurent vagues et non consensuelles (Malo, Grenier & Gratton, 2006). Pour certains auteurs, l’intégration est un processus multidimensionnel d’unification des services; pour d’autres, c’est la coordination des fonctions et des activités entre des unités opérationnelles. Cette diversité de définitions se trouve accompagnée d’une confusion notable sur la signification même du terme intégration, de ses implications au niveau de l’organisation et de la production de soins et services, ainsi que sur les résultats que nous pouvons en espérer (Rodriguez, 2003).

L’intégration des soins repose sur la réunion de l’ensemble des éléments associés à la prestation des soins et services, afin d’en améliorer la qualité, ce qui inclut la collaboration entre les établissements et les professionnels de la santé en vue d’assurer la coordination et la continuité des soins (Tonges, 1998). Trois catégories d’intégration sont généralement recensées : l’intégration clinique, l’intégration fonctionnelle et l’intégration des médecins (Fleury, 2006; Shortell, 1996)

L’intégration clinique se développe au moyen du renforcement de la continuité, de la coopération et de la cohérence des processus de soins. Selon Fleury (2006), l’intégration clinique vise l’implantation de bonnes pratiques et une continuité effective des services biopsychosociaux et entre les différents niveaux de services. Elle vise donc un meilleur suivi des patients Quant à l’intégration fonctionnelle, elle renvoie à la coordination des fonctions administratives de soutien, telles que la planification, les systèmes d’information et la gestion des ressources financières. L’intégration fonctionnelle vient donc soutenir l’intégration clinique. L’intégration des équipes cliniques se caractérise par

le degré de dépendance économique des professionnels de la santé envers le système, de degré de recours aux services offerts dans le système et le degré de leur participation aux fonctions de planification, de gestion et de gouvernance du système.

En plus de ces trois types d’intégration, on a l’intégration normative qui, selon Contandriopoulos, Denis, Touati & Rodriguez (2001) offre aux acteurs un système commun de référence qui leur permet de coopérer pour réaliser, de façon efficiente, le projet collectif dans lequel ils sont impliqués. Selon Fleury et al. (2006), l’intégration normative est d’emblée comprise dans les autres types d’intégration. Les dimensions de l’intégration visent à établir une cohérence entre le système clinique, la gouverne et le système collectif d’interprétation et de valeurs qui structurent l’espace dans lequel les organisations de santé interagissent. L'essence d’un système intégré de soins est qu'il est organisé autour des besoins et des préférences des patients, cela suppose que les patients sont activement impliqués dans les décisions au sujet de leurs propres soins (Contandriopoulos et al., 2001). Également, dans un système intégré, les soins sont donnés avec la collaboration optimale de tous les professionnels impliqués. Ces soins sont basés sur des évidences scientifiques et permettent d’assurer une amélioration continue de la qualité (Bodenheimer, Wagner & Grumbach, 2002; Mur-Veeman, Hardy, Steenbergen & Wistow, 2003).

Selon Boelen (2000), l’intégration peut être comprise comme une façon de réduire les duplications inutiles, une façon d’exercer un contrôle des pertes inutiles, une synergie permettant de résoudre les problèmes de santé avec une plus grande efficacité. Elle est aussi perçue comme étant un choix d’interventions plus appropriées à des problèmes

complexes comportant de multiples facettes, une démarche de santé centrée sur les personnes et sur la satisfaction des clients (Boelen, 2000).

La dispensation de soins appropriés pour cette clientèle a conduit à un changement de paradigme dans l’organisation des soins. Désormais, les réformes à mettre en place vont permettre non plus une offre de soins épisodiques, mais des soins à long terme qui prenne en compte la diversité et la continuité des besoins de santé du patient. L’intégration des soins est donc souvent présentée comme la solution pour améliorer l’accessibilité et la qualité des soins. La contribution de l’intégration est plus éloquente en ce qui concerne les avantages pour les clientèles vulnérables. Les travaux de Hoang et al. (2009) sur l’impact de l’intégration des soins pour les patients HIV ont montré que les patients qui bénéficient d’une prise en charge intégrée ont trois fois plus de chance de survie comparativement aux patients qui sont suivis dans des cliniques offrant seulement des soins pour le HIV (Hoang et al., 2009 ). Dans la même logique, Meulepas et al., (2007), ont examiné les effets de l’intégration des soins sur la prise en charge des patients souffrant de maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC). Il s’agit d’une étude quasi expérimentale qui a examiné l’accessibilité et l’impact sur la santé des patients. Les résultats démontrent que dans le groupe expérimental, le nombre de visites prévu est passé de 16% à 44% alors que dans le groupe contrôle, un accroissement de 19% à 25% seulement a été observé (p=0,014). En termes de résultats sur l’état de santé des patients, cette étude rapporte une amélioration de 17% à 67% des fonctions pulmonaires chez le groupe expérimental contre une amélioration de 11% à 18% dans le groupe contrôle (p=0,001). De plus, la proportion de patients du groupe expérimental qui font un meilleur usage de pompes inhalatrices est passée de 41% à 54% dans un intervalle de deux ans.

Or, dans le groupe contrôle, cette proportion est passée de 47 à 29% (p=0,002). Les auteurs de cette étude (Meulepas et al., 2007) ont conclu que l’intégration des soins a des effets positifs sur l’observance des recommandations par les patients et permet aussi d’améliorer les processus de soins et certains effets sur la santé des patients.

Dans une autre étude (Casas et al., 2006) sur l’intégration des soins pour les patients MPOC, les auteurs ont montré, à partir d’une étude randomisée, que les patients inscrits à un programme intégré de soins pour MPOC ont, après 12 mois d’observation, un faible taux d’hospitalisation comparativement aux autres patients qui reçoivent des soins usuels (1,5 ± 2,6 versus 2,1 ± 3,1) et fort taux de non-réadmission (49 versus 31%). Les auteurs (Casas et al., 2006), ont donc conclu que l’intégration des soins basée sur des arrangements partagés de soins parmi les différents niveaux du système avec l’appui des technologies de l’information, réduit effectivement les hospitalisations pour les patients MPOC.

Dans une étude prospective de type avant-après, Ouwens et al. (2009) ont montré l’impact de l’intégration des soins sur la qualité des soins pour les patients atteints de cancer de la tête et du cou. Les résultats montrent que l’intégration des soins a permis une amélioration du délai d’attente pour les procédures diagnostics (une diminution de 37% du temps initial), une augmentation des activités de support pour la cessation du tabac (37%) et de support nutritionnel (44%), une augmentation de la disponibilité médicale (23%). Les auteurs de l’étude ont conclu que l’intégration des soins permet d’améliorer plusieurs aspects dans la prise en charge des patients atteints de cancer de la tête et du cou (Ouwens et al., 2009).

Selon Robinson & Casalino (1996), dans un système de santé où les groupes de professionnels et les établissements sont autonomes et parfois antagoniques, les efforts d’intégration devraient produire des effets évidents. Les avantages d’une intégration des soins incluent une plus grande efficacité dans l’utilisation des ressources en évitant la duplication des services. Dans cette même perspective, les bénéfices d’un système intégré de soins incluent une meilleure identification des besoins, une meilleure coordination, un meilleur suivi, la promotion de l’accès à des services complexes, une meilleure planification des services dans le temps, une diminution des coûts et une diminution des duplications des rôles entre les niveaux de services. Les bénéfices pour le patient sont reliés à l’amélioration de la qualité de vie et du statut fonctionnel (Casas et al., 2006; Meulepas et al., 2007; Ouwens et al., 2009). Ces avantages devraient permettre d’assurer la continuité des soins, peu importe le lieu de dispensation des soins (Gittell & Weiss, 2004; Robinson & Casalino, 1996).

L’intégration est utilisée pour identifier et mettre en place une variété d’actions qui doivent être intimement reliées entre elles, ceci afin d’assurer une gestion efficace des services envers les usagers, dans le cas d’une maladie donnée, ou pour un problème donné. Selon Ouwens et al (2005), les interventions pour améliorer les soins intégrés incluent le soutien et l’éducation du patient afin de le rendre plus actif dans la gestion de sa maladie ; des mécanismes de suivi clinique et de gestion de cas; la mise en place d'une équipe multidisciplinaire et une approche de soins basée sur les évidences.

Le modèle de réseau en santé fait inévitablement appel à des mécanismes de collaboration entre les professionnels et les différents organismes impliqués dans le réseau. Les communautés de pratiques ont à travailler ensemble pour développer des

approches efficaces pour répondre aux besoins des populations (Andrew, Tolson & Ferguson, 2008; Berwick, 2008). Le concept de réseaux intégrés de soins fait partie des modèles offrant un potentiel prometteur (Leatt et al., 2000) où le réseau est un ensemble circonscrit, persévérant et structuré d’organisations autonomes impliquées dans la production commune de soins. Ces organisations interagissent sur la base de relations négociées afin d’offrir à leur clientèle un continuum de soins complets et continus (Leatt et al., 2000; Shortell et al., 2005).

Les mécanismes de collaboration à mettre en place sont confrontés à trois enjeux principaux dans l’organisation de soins de santé : des soins et services centrés sur le patient, ses besoins et ses préférences en matière de services; un changement de paradigme en passant des soins fragmentés vers des soins intégrés axés sur des données probantes; et enfin, une approche qui tient compte des pressions sur les ressources économiques, matérielles, et humaines disponibles dans les organisations de santé (Lega & DePietro, 2005).

L’intégration des services et la création des réseaux accompagnent de façon logique l’évolution des pathologies et des problèmes de santé publique : le vieillissement de la population, la prévalence importante de maladies chroniques ou complexes à prendre en charge. L’accroissement des dépenses de santé, inévitable compte tenu des progrès technologiques et pharmaceutiques et de l’allongement de la durée de vie, entraînera toujours une recherche de l’utilisation optimale des ressources. Ce qui passe probablement par une concentration des actions de prévention, de prise en charge précoce de la pathologie, d’une meilleure observance des traitements, autant de voies

permettant de réduire l’apparition de pathologies, de complications, et de diminuer ainsi les hospitalisations et la mortalité.

Dans une organisation de soins, l’intégration peut impliquer des arrangements de travail entre partenaires afin d’optimiser l’impact des interventions par l’harmonisation des activités dans un programme spécifique. Dans cette optique, le processus d’intégration des services vise tout d’abord à coordonner de façon durable les pratiques d’acteurs autonomes et interdépendants pour mieux réaliser les projets collectifs souhaités en regard des réseaux intégrés de services (Contandriopoulos et al., 2001). Il renvoie aux processus de coordination des activités en vue d’accroître le caractère fonctionnel et systémique d’un domaine d’intervention (Shortell et al., 2005).