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Chapitre I : Introduction aux métamatériaux

I.22 Concept de ligne duale

Ce concept s’appuie sur la représentation d’une ligne de propagation TEM au moyen d’éléments distribués. Le schéma équivalent d’une cellule unitaire sans pertes fait intervenir un terme d’inductance en série Ls associée à un terme de capacité en parallèle Cp (figure I-5a). La constante de phase est alors donnée par l’expression :

p s C L . ω β = (3)

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Si l’on permute la position des éléments inductif et capacitif, on obtient le schéma de la figure I-5b. Dans ce cas, on peut montrer que la constante de phase s’écrit :

s pC L . 1

ω

β

=± (4)

Cette expression fait apparaître une solution négative qui signifie une opposition des vitesses de phase et de groupe. Par conséquent, la ligne duale autorise une rétropropagation de la phase. Cette idée, réactualisée dans le contexte des métamatériaux simultanément par les groupes de T. Itoh [23] et G. V. Eleftheriades [24], a conduit à la conception d’un grand nombre de dispositifs tels que des filtres, des coupleurs et des déphaseurs [25-27]. Elle a aussi permis d’aborder la démonstration expérimentale de nouveaux phénomènes physiques tels que la focalisation sous longueur d’onde [28]. Ces études ont bénéficié d’une facilité de mise en œuvre dans le domaine des micro-ondes. En effet, elles s’appuient sur les techniques de fabrication et de caractérisation des circuits plaqués largement répandus tant dans la recherche que dans l’industrie. Nous nous proposons ici de commenter cette approche afin de mieux cerner son champ d’application.

D’un point de vue fondamental, la relation (4) montre que la permutation des termes capacitif et inductif au sein de la cellule unitaire rend le milieu dispersif. Néanmoins, cette dispersion est bien moindre que dans le cas des milieux doublement négatifs qui utilisent des résonateurs. C’est le principal atout du concept de ligne duale. En effet, dans son principe l’obtention d’une bande de transmission main gauche ne repose pas sur un phénomène de résonance. En termes de performance, cela se traduit par une augmentation des niveaux de transmission et un élargissement des bandes passantes. Ce concept apparaît donc prometteur pour le domaine des longueurs d’onde millimétriques et submillimètriques où la contribution des pertes vient inévitablement entacher les performances d’une structure idéale. Notre groupe de recherche a publié en 2005 une démonstration expérimentale de rétropropagation de la phase à la fréquence de 300 GHz à partir d’une structure de propagation conçue sur le modèle d’une ligne duale [29]. Il convient toutefois de noter que la ligne duale idéale telle que schématisée par la figure I-5b est difficile à synthétiser en micro-ondes. En effet, en pratique, on travaille sur la base

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d’une ligne de transmission classique correspondant à un milieu de propagation main droit. Cette ligne de transmission est périodiquement chargée par des éléments localisés : inductances en shunt et capacités en série, ce qui se traduit par le schéma équivalent de la figure I-6. Ce circuit équivalent, qui décrit une cellule unitaire, inclut non seulement des termes de capacité en série et d’inductance en shunt mais également des termes d’inductance en série et de capacité en shunt décrivant le milieu hôte. Cela signifie que le comportement fréquentiel d’une ligne duale réelle sera également gouverné par des phénomènes de résonance. Cependant, à la différence des milieux doublement négatifs à base de SRR, la transmission fait intervenir les contributions de deux fréquences de résonance distinctes, l’une correspondant au circuit série (

s s s C L f π 2 1 = ) et

l’autre au circuit parallèle (

p p p C L f

π

2 1

= ) [30]. En cas d’égalité des fréquences de résonance

série et parallèle, obtenue pour la conditionLpCp =LsCs, le diagramme de dispersion présente une continuité des bandes gauchères et droitières sans bande interdite. On parle dans ce cas de comportement composite équilibré. Le point de croisement caractérisé par une vitesse de phase nulle à vitesse de groupe non nulle est particulièrement intéressant en termes d’applications dans la mesure où il correspond à un régime de longueur d’onde infinie. Par conséquent, pour la conception des structures de propagation ou de rayonnement, il permet de s’affranchir de la limitation liée à la longueur électrique [31].

Figure I-6 : Schéma équivalent de la cellule unitaire d’une ligne duale incluant les constantes localisées du milieu hôte.

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Par ailleurs, une structure équilibrée peut présenter une avance de phase, un retard de phase ou un déphasage nul en fonction de la fréquence. Inversement, si l’on envisage une possibilité d’accord d’un ou plusieurs éléments du schéma équivalent, on peut alors, à fréquence constante, modifier le signe du déphasage en déplaçant la fenêtre de transmission par rapport à la fréquence centrale. C’est cette possibilité que nous avons exploitée pour la conception d’un déphaseur accordable qui sera présenté au chapitre II [27].

En dépit de tous les avantages présentés par la ligne duale, la généralisation de ce concept aux métamatériaux volumiques n’est pas directe. De plus, sur le plan technologique, si des métasurfaces, notamment sur la base d’un réseau de motifs élémentaires en forme de champignons, ont été proposées, la fabrication de structures tridimensionnelles apparaît délicate. Comme nous l’avons précédemment mentionné, le principal atout de la ligne duale par rapport aux réseaux de fils et SRR réside dans son caractère non résonnant. Or, nous avons montré que le schéma équivalent de la ligne duale idéale devait être complété pour prendre en compte le milieu hôte, incontournable d’un point de vue pratique. Par conséquent, la ligne duale ne peut pas être perçue comme une structure strictement non résonante mais plutôt comme une structure dont le fonctionnement implique la contribution de plusieurs circuits résonnants qui peuvent être accordés par ajustement des constantes localisées. Sur cette base, on peut imaginer une approche hybride entre les milieux doublement négatifs constitués de réseaux de fils et de résonateurs fendus et les lignes duales. C’est dans cette perspective que nous introduisons les réseaux de boucles de courants interconnectées.

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