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Chapitre II : Métamatériaux pour les structures guidées

II.24 Caractérisation du déphaseur

Les circuits ont été caractérisés à l’analyseur de réseau HP 8510 calibré à partir d’une méthode TRL jusqu’à la fréquence de 75 GHz. Les paramètres Sij obtenus pour différentes tensions de polarisation continue sont reportés sur la figure II-19 pour un déphaseur à deux cellules unitaires. À polarisation nulle, la diminution du paramètre S21, associée à la remontée du coefficient de réflexion, n’apparaît qu’autour de 40 GHz. Par conséquent, la bande passante du déphaseur s’étend sur environ 30 GHz. Cette large bande passante est caractéristique des structures qui utilisent une approche de ligne duale dans la mesure où leur principe de fonctionnement ne repose pas sur l’exploitation d’un phénomène de résonance par opposition aux structures incluant des réseaux de SRR, comme nous l’avons mentionné au chapitre I. Toutefois, il est à noter que les pertes d’insertion restent relativement élevées. Des études complémentaires sur les fils minces de BST ont permis de mettre en évidence des tangentes de pertes voisines de 10-2, ce qui contribue notablement à l’affaiblissement du coefficient de transmission dans la bande passante. Par ailleurs, il convient de rappeler que, par souci de compromis, la structure n’est pas rigoureusement adaptée à l’impédance du système de mesure puisque la valeur théorique de Zc est de 55 Ω à VDC nulle.

Lorsqu’une tension de polarisation est appliquée à la structure, on assiste à une remontée du coefficient de réflexion, de l’ordre de 10 dB en début de bande pour VDC = 30 V. Cette dégradation est la conséquence directe de la désadaptation d’impédance. En effet, les valeurs des capacités CL et CR données dans le tableau II-1 pour une polarisation nulle, diminuent conformément à la variation reportée sur la figure II-13. Or la valeur de Zc, fonction des constantes localisées, est inévitablement affectée cette variation, ce qui se traduit par une désadaptation importante pour des fortes valeurs de VDC. La plus grande sensibilité à la polarisation est observée en début de bande qui correspond au régime gaucher (figure II-14b). Ce comportement peut s’expliquer par la dispersion importante dans cette plage de fréquence. En effet, le diagramme de dispersion présente, en première approximation, une branche main gauche hyperbolique décrite par l’équation suivante :

Chapitre II : Métamatériaux pour les structures guidées 63 L LC L . 1 ω β =− (1)

En revanche, la transmission au voisinage de la fréquence de transition ne semble pas affectée. En effet, l’augmentation de la tension de polarisation ne se traduit pas par l’ouverture d’une bande interdite entre les branches main gauche et main droite directement observable sur l’évolution du paramètre S21. Les valeurs de Vbias indiquées sur la figure II-19 correspondent à la tension de polarisation globale appliquée entre les deux pads encadrant la structure coplanaire (figure II-17). En raison de la continuité électrique assurée par les accès aux capacités, cette tension globale est équivalente à VDC.

Figure II-19 : Amplitude des paramètres Sij en fonction de la fréquence pour différentes valeurs de la tension de polarisation globale (Vbias).

Sur la figure II-20, nous avons reporté l’évolution de la phase du paramètre S21 en fonction de Vbias pour un déphaseur incluant deux cellules unitaires. Le décalage de phase obtenu est d’environ 18° par cellule unitaire pour une tension de polarisation de 30 V.

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Figure II-20 : Phase de la transmission en fonction de la fréquence pour deux tensions de commande.

Cette description fonctionnelle du déphaseur peut être complétée par une interprétation physique qui conduit à une analyse plus fine de ses paramètres de dispersion sous l’effet de la tension de polarisation. L’inversion des relations de Fresnel [7] permet d’extraire un diagramme de dispersion (figure II-21) et une impédance réduite (figure II-22) à partir des paramètres Sij relevés pour différentes tensions de polarisation. À polarisation nulle, on observe l’évolution continue des bandes passantes droitière et gauchère avec une fréquence de transition autour de 17 GHz. Ce diagramme montre un décalage vers les basses fréquences d’environ 20 % par rapport à la dispersion calculée à partir du schéma équivalent théorique (figure II-14). Le déséquilibre observé lorsque l’on augmente la tension de polarisation se traduit par une discontinuité de la constante de phase autour de l’origine et par une augmentation de la constante d’atténuation. Ce déséquilibre est révélateur d’une compensation imparfaite des termes capacitifs CL et CRH. En effet, avec une longueur de cellule unitaire de 850 µm, la contribution théorique de Cint est de 77 fF contre 50 fF pour CR. Ces valeurs montrent que la capacité d’accord, associée à la capacité intrinsèque fixe, n’est pas à même de compenser la variation de la capacité CL en fonction de VDC. Elle ne peut que limiter le déséquilibre du diagramme de dispersion composite pour des tensions de commande modérées. Pour des tensions plus importantes, une bande interdite apparaît entre les bandes passantes gauchère et droitière en raison de la non-équivalence des fréquences de résonance série et parallèle.

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Figure II-21 : Évolution du diagramme de dispersion expérimental en fonction de la tension de commande. L’évolution de l’impédance réduite montre une forte discontinuité autour de 17 GHz qui correspond à la jonction entre les bandes passantes. Par ailleurs, le plateau observé en bande main droite s’éloigne de l’unité pour de fortes tensions de polarisation. Cette diminution du niveau d’impédance explique l’augmentation du coefficient de réflexion observé sur la figure II-19.

Figure II-22 : Évolution de l’impédance réduite en fonction de la fréquence pour différentes valeurs de la tension de commande.

Par analogie avec l’interaction d’une onde plane et d’un matériau volumique, l’interaction d’un mode TEM avec une structure unidimensionelle peut être décrite par des paramètres constitutifs effectifs [23]. Nous avons représenté sur les figures II-23 et II-24 les parties réelles de

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la permittivité et de la perméabilité effectives respectivement. Leur dispersion suit une évolution continue entre les bandes main gauche et main droite avec un croisement à l’origine autour de 17 GHz pour une tension de polarisation de 0 V. Lorsque l’on augmente cette tension de commande, les deux caractéristiques se décalent vers les fréquences élevées. Toutefois, cette tendance est nettement plus prononcée dans le cas de la perméabilité effective. À titre d’exemple, la variation du zéro de permittivité n’excède pas 1 GHz tandis que le zéro de perméabilité varie d’environ 3 GHz lorsque Vbias est augmentée de 0 à 30 V.

Figure II-23 : Évolution de la permittivité effective en fonction de la fréquence pour différentes valeurs de la tension de commande.

Ce phénomène se traduit par l’ouverture d’une bande interdite pour des tensions de polarisation importantes. Pour comprendre cette différence de comportement entre les permittivité et perméabilité effectives, il faut évoquer les facteurs physiques dominants pour chacun de ces deux paramètres. La permittivité négative est synthétisée par les inductances en shunt qui jouent le rôle du réseau de fils dans la situation des métamatériaux volumiques (zéros de tension). Or, la valeur de cette inductance n’est que peu affectée par la variation de permittivité de la couche de BST sous l’effet d’une tension de polarisation. En revanche, la perméabilité négative est obtenue par les capacités série qui imposent des zéros de courant le long de la ligne de propagation. Or, ces capacités ont été conçues pour être très sensibles aux variations de permittivité par l’adoption d’une structure interdigitée. Comme mentionné précédemment, cette variation de capacité série ne peut être totalement compensée par la

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variation de capacité parallèle dans la mesure où cette dernière inclut, en plus de l’élément localisé CR, la capacité distribuée intrinsèque de la ligne, relativement peu sensible à la variation de Vbias.

Figure II-24 : Évolution de la perméabilité effective en fonction de la fréquence pour différentes valeurs de la tension de commande.

L’étude menée sur ces déphaseurs conçus à partir d’un film élaboré par technique sol-gel est comparable aux travaux publiés dans la littérature utilisant des techniques de dépôt sous vide [24]. L’extension de ce concept de déphaseur aux fréquences plus élevées se heurte au problème des pertes. En effet, l’évolution de la constante diélectrique complexe reportée sur la figure II-25 montre que la tangente de pertes qui reste inférieure à 10-1 autour de 1 GHz augmente jusqu’à la valeur typique de 0,25 à 100 GHz. Cette dégradation a deux conséquences principales sur les performances du déphaseur : du point de vue des caractéristiques hyperfréquences, l’augmentation des pertes diélectriques se traduit par une augmentation des pertes d’insertion. Ces dernières peuvent toutefois être limitées dans le cas de structures relativement courtes comme c’est le cas de celles décrites dans ce paragraphe. Du point de vue de l’agilité, l’augmentation de la partie imaginaire de la permittivité associée à la diminution de sa partie réelle a tendance à décaler la caractéristique C(V) vers des valeurs de capacité plus élevées. Cela a pour conséquence de diminuer le rapport Cmax/Cmin et ainsi de réduire l’agilité du dispositif. Toutefois, dans le cas de nos structures, l’augmentation de la tangente de pertes est en partie

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compensée par les effets inductifs liés à la structure interdigitée [18]. Cette compensation explique en partie la préservation du rapport Cmax/Cmin relevé à la fréquence de 20 GHz (figure II-1). L’étude des caractéristiques diélectriques du film BST fait partie du travail de thèse mené par G. Houzet. Les résultats présentés sur la figure II-25 ont été extraits de données mesurées en utilisant la méthode Cole-Cole [25].

Figure II-25 : Permittivité complexe du film de BST en fonction de la fréquence : partie réelle (courbe du haut en bleu), partie imaginaire (courbe du bas en rouge).

Nous avons montré que l’approche de ligne duale caractérisée par des bandes passantes larges associées à des niveaux de pertes relativement faibles permettait en outre de travailler en régime composite équilibré, propriété intéressante en vue des applications. En dépit de ces avantages, cette approche peut difficilement être étendue à la conception de métamatériaux volumiques. Par ailleurs, la limitation fréquentielle des lignes de propagation constitue une barrière pour les longueurs d’onde de l’optique.

Dans le cadre de cette étude, le BST, élaboré en couche mince, est utilisé en tant que matériau agile, afin d’apporter la fonction d’accordabilité à un circuit déphaseur. Parallèlement à cette application, les valeurs de permittivité relatives très importantes observées dans le BST en font un matériau de choix pour la conception de métamatériaux basés sur la résonance de Mie. Dans ce cas, des volumes élementaires de BST peuvent être utilisés pour la conception de nouvelles structures à base de résonateurs diélectriques [26]. Au paragraphe suivant, nous

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présentons l’étude d’un métamatériau 1D basée sur l’utilisation d’un réseau de lettres Ω interconnectées. Cette approche est qualifiée d’hybride dans la mesure où elle conduit à des propriétés de dispersion proches de celles des lignes duales tout en utilisant des résonateurs en boucles de courant.