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CHAPITRE 1 : Rappels bibliographiques sur les aciers ODS

1.3 Caractérisation des nano-particules

1.3.2 Composition chimique des nano-particules

Une étude approfondie de Sakasegawa et al.[72] porte sur la corrélation éventuelle

entre la composition chimique des particules et leurs tailles dans un acier ODS MA957. Les oxydes ont été isolés par réplique extractive, puis ont été analysés par DRX et EDS. Ces répliques permettent d'éviter que les mesures de composition ne soient biaisées par la matrice environnante (Figure 1.16.b). Ces analyses ont montré que la composition chimique des particules dépend de leur taille (Figure 1.16.a). Selon la taille, trois types de particules sont ainsi observés :

> 35 nm : Particule de TiO2 (sans Y)

Entre 15 et 35 nm : Oxydes de stœchiométrie Y2Ti2O7

Entre 5 et 15 nm : Particules enrichies en Y, Ti et O non stœchiométrique

(a) (b)

Figure 1.16: (a) Rapport Y/Ti mesuré par EDS au cœur des NPs de l'acier ODS MA957 en fonction de leur taille. (b) Micrographie MET d'une réplique extractive montrant les différentes particules observées [73].

Toutefois, cette étude n’a pas pu estimer la composition chimique des particules dont la taille est inférieure à 5 nm (qui sont les plus nombreuses).

Peu de techniques d'analyses ont une résolution spatiale suffisante pour caractériser la composition chimique de particules nanométriques. La SAT est l’un de ces outils. Très tôt (dès 2003 [49]), cette technique fut appliquée à l’étude des aciers ODS. Les mesures de composition au cœur des particules en SAT pour différents aciers ODS sont reportées dans le tableau 1.4. A l'heure actuelle, l'interprétation de ces résultats de SAT fait toujours l'objet de nombreuses discussions.

Tableau 1.4: Composition chimique moyenne au cœur des particules de différents aciers ODS mesurés par SAT et EDS.

Acier ODS Techniques Taille (nm)

Composition chimique (%at.)

Y/Ti Fe Cr Y Ti O F95 [60] EDS ~ 5 - - 36,1 à 41,4 58,6 à 63,9 1,4 à 1,8 14Cr [74] SAT 1,6 69,8 14,9 5,4 4,0 5,81 1,4 Eurofer [75] SAT 2,3 84,1 11,3 2,0 2,6 - MA957 [4] SAT 2,4 ± 0,4 10,1 1,7 15,4 32,3 39,9 0,5 MA957 [76] EDS < 20 0,8/2,0 MA957 [77] SAT 1,9 ± 0,6 75,2 14,9 0,9 4,7 3,6 0,2 MA957 [78] SAT < 2,5 73,8 12,7 1,5 5,5 5,7 0,3 12YWT [79] SAT 2 - 5 78,1 13,7 0,9 3,0 2,9 0,3 12YWT [49] SAT 4,0 ± 0,4 40,3 7,0 9,2 19,9 23,6 0,5 12YWT [44] SAT 4 4,1 0,8 8,1 42,1 44,4 0,2 14YWT [62] SAT ~ 4 4,3 1,2 12,3 37,6 44,4 0,3 14YWT [80] SAT 2,2 57,7 19,5 3,7 8,6 9,8 0,4

Les résultats de SAT montrent d'importantes fluctuations de compositions. Pour un même matériau (MA957 par exemple), les teneurs en Fe et Cr mesurées au sein de particules de même taille (~2nm) peuvent varier, selon les études, de respectivement 75,2 et 14,19 %at. [77] à 10,1 et 1,7 %at. [4]. Il en est de même pour les rapports Y/Ti, qui passent de 0,2 à 0,5. Des rapports supérieurs à 1 ont également été observés [74]. L’origine de ces fluctuations soulève de nombreuses questions, aussi bien du point de vue de la métallurgie (influence de la composition nominale, des paramètres d’élaboration) que de la pertinence de ces mesures. Comme nous le verrons par la suite, les mesures de composition de ces particules sont sujettes à des biais. Des analyses en microscopie ionique ont montré que les particules présentent un contraste sombre [81]. Ceci traduit un comportement sous champ des particules différent de

celui de leur environnement proche (i.e. la matrice de Fe et de Cr). Cela induit des aberrations

des trajectoires ioniques engendrant des biais dans les compositions chimiques mesurées au cœur des particules. En particulier, des atomes de matrice (ici, principalement du Fe et du Cr) peuvent être introduits artificiellement au sein des particules dans les reconstructions 3D [82].

Selon Williams et al. [7] , les variations des teneurs en Fe observées (Tableau 1.4) sont dues à

ces biais. Selon ces auteurs, tous les atomes de Fe mesurés au cœur des particules sont introduits artificiellement. Compte tenu de ces biais, certains auteurs retranchent la totalité des

atomes de Fe des particules et les autres éléments (Cr notamment) dans les proportions de la composition de la matrice environnante. L’effet de cette correction est visible dans le tableau 1.5.

Tableau 1.5: Composition moyenne brute (%at.) au coeur de particules de 2nm de l'acier ODS Eurofer 97 mesurée en SAT ainsi que la composition corrigé en Fe et Cr (correction en Fe) puis en O (correction en O) [7]. Les mesures brutes montrent également la présence de C, P, Si, Mn, Co, Ta, N et W dans des proportions inférieures à 0,5% at.

Fe Cr Y O V

Brut 72,9 ± 2,2 11,3 ± 0,3 2,5 ± 0,2 6,3 ± 0,5 4,1 ± 1,5 Correction en Fe 0 21,6 ± 1,4 13,9 ± 2,8 33,9 ± 2,2 21,4 ± 6,1

Correction en O 0 12,2 ± 1,7 7,9 ± 2,2 62,7 ± 1,5 11,9 ± 2,8

L’observation d’un halo d’O tout autour des particules (Figure 1.17.a) laisse supposer qu’un autre biais peut affecter la mesure de l’O. Une seconde correction doit être alors effectuée,

semblable à celle utilisée par De Geuser et al. [83]. Nous y reviendrons dans les prochains

chapitres de ce document. Cette dernière correction (issue du même travail [7]) consiste à réintroduire les atomes de ce halo au cœur des particules (tableau 1.5). Les compositions sont alors subjectivement corrigées en Fe, Cr et O après extraction ou réincorporation.

(a) (b)

Figure 1.17 : Distribution spatiale des atomes constitutifs d'une particule de 10 nm: (a) Y et O et (b) Cr et V [7]

Si cette correction est intéressante pour comprendre les variations des concentrations en Fe, Cr et O au sein des particules, reportées dans la littérature (Tableau 1.5), elle ne permet toutefois pas d'expliquer les variations des rapports Y/Ti observés. Les interrogations demeurent à ce jour quant à l'origine de ces fluctuations. Nous apporterons notre avis sur ce

interrogation : Y a-t-il un effet de la taille des particules de moins de 5nm sur leur composition chimique ? Comme nous avons pu le voir, cela est le cas pour des particules de plus de 5nm (Figure 1.16.a). En est-il de même pour les particules plus petites ? Toutes les compositions chimiques mesurées par SAT reportées dans la littérature, sont des valeurs moyennes. Il n’est donc pas possible de répondre à cette question à partir des données de la littérature.

Un autre point est l’observation, lors des analyses en SAT de Williams et al. [7], d’une

structure cœur/coquille de ces particules. La coquille serait enrichie en Cr et V (Figure

1.17.b). Cette structure a été également observée par Marquis et al. [81] en SAT sur différents

aciers ODS. La composition de la coquille semble dépendante de la composition nominale de l’alliage. Cette structure a également été observée par d’autres techniques de caractérisation.

Ribis et al. [84] ont mis en évidence par EFTEM5 la présence d'une structure cœur/coquille

enrichie en Cr (Figure 1.18). Cette coquille enrichie en Cr a une épaisseur comprise entre 1 et 3 nm [85] et est stable en température [86].

Figure 1.18: (a) Micrographie MET (champ clair) d'une particule de l'acier ODS MA957 et cartographie chimique EFTEM (b) du Fe et (c) du Cr ainsi qu'une (d) superposition des cartographies chimique et de la micrographie MET [84].

Cette structure cœur/coquille n’a pas été observée par Miller et al. [4] en SAT sur

l’acier ODS MA957 brut de filage et après recuit thermique (24h à 1300°C). Hsiung et al.

[20,87] observent en MET (Fe16CrODS) après et avant recuit (1h à 1050°C) cette structure pour des particules de 1,7 à 30 nm [85,86]. L’origine de cette coquille n’a pas été clairement

établie. Selon Marquis et al. [81], cette coquille permet de diminuer l'énergie interfaciale

favorisant ainsi la précipitation des particules d’oxydes. Hsiung et al. [20] supposent que la

coquille se forme à partir de l’appauvrissement du cœur de la particule en atomes de la matrice lors de la croissance.

Conclusion partielle :

Malgré les nombreuses études disponibles dans la littérature, il n’existe pas à ce jour de consensus quant à la nature (structure et composition chimique) des particules des aciers ODS. Cette synthèse bibliographique montre les difficultés et les interrogations, rencontrées lors de la caractérisation des particules des aciers ODS, en particulier pour les particules dont la taille est inférieure à 5 nm.

Compte tenu de la multitude d’aciers ODS, la question se pose d’un effet de la composition chimique initiale de l’acier pour expliquer la diversité des résultats présentés. De plus, la taille des particules observées est proche de la résolution limite des techniques de caractérisation utilisées (MET et SAT). Il n’est donc pas exclu que des biais de mesures soient à l’origine des incohérences qui ont pu être relevées.

Afin de lever ces interrogations, il serait intéressant de se focaliser sur un acier ODS, pour lequel les biais et les limites inhérents aux techniques d’analyses (MET et/ou SAT) seraient déterminés, quantifiés puis corrigés.

A partir de cette étude, il serait alors possible d’étudier avec précision le comportement de ces particules lorsque le matériau est sollicité dans les conditions d’utilisation envisagées pour les aciers ODS, en se focalisant sur les effets d'irradiation. La partie suivante présentera une synthèse bibliographique sur la caractérisation des particules dans ces conditions.