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CHAPITRE 2 : Matériaux étudiés, techniques expérimentales et de simulation

2.2 Microscopie électronique en transmission

2.2.5 Analyses chimiques

Les analyses chimiques sont issues des interactions inélastiques entre les électrons du faisceau incident et la matière. L’EDS (en anglais Energie Dispersive Spectroscopy) et l’EELS (en anglais Electron Energy Loss Spectrometry) ont été utilisées pour caractériser chimiquement les particules des aciers ODS.

2.2.5.1 EDS

Lors de l’interaction d’un atome cible avec un électron incident hautement énergétique, l’énergie cédée par ce dernier peut être suffisante pour arracher un électron de cœur de l’atome cible et donc créer un état ionisé. Il existe deux processus de désexcitation de cet ion: l’émission X et l’effet Auger.

L’EDS consiste à collecter les photons X et à mesurer leur énergie. Un spectre en énergie des photons est ainsi obtenu. Un spectre X est constitué d’une famille de pics (raies) superposés à un fond continu de relativement faible intensité. Le fond continu est dû au rayonnement X qui est généré par le ralentissement des électrons dans le champ coulombien des noyaux atomiques (appelé Bremsstrahlung). Les raies correspondent aux transitions entre les couches électroniques. Elles sont donc caractéristiques des espèces chimiques ayant interagies avec les électrons incidents. Elles apparaissent en séries. Dans chaque série, on

distingue les raies par un indice (K, K, …) indiquant le niveau d’origine de la transition.

L’analyse des éléments légers est souvent compliquée, car le rendement d’émission des photons X est d’autant plus faibles que numéro atomique Z est petit (Figure 2.4).

Figure 2.4: Rendement d’émission X en fonction du numéro atomique Z, en comparaison avec l’émission des électrons Auger [99].

Cette technique d’analyse chimique n’est donc pas adaptée à la quantification d’éléments légers tels que l’O. Pour cet élément, l’EELS, qui sera présentée par la suite, est plus appropriée.

A partir de l’imagerie en mode STEM HAADF, nous visualisons tout d’abord la particule à étudier. La particule dont nous présenterons ici la quantification chimique par EDS

puis par EELS par la suite, a des dimensions DMin de 8,0 ± 0,5 nm et DMax de 10,0 ± 0,5 nm.

Nous réalisons alors l’acquisition d’un spectre EDS pour cette particule et pour la matrice environnante. La figure 2.5 représente les deux spectres EDS ainsi obtenus.

Figure 2.5: Spectres EDS associés à une particule de l’acier ODS MKCR et à sa matrice environnante. Les deux premiers pics des spectres EDS correspondent respectivement à l’O.

Après identification de la nature des pics sur les spectres obtenus, nous pouvons constater que la particule est enrichie en Y et en Ti par rapport à la matrice (Figure 2.5). A l’aide du logiciel Analysis Station de la société JEOL, nous obtenons la concentration de chaque élément ainsi identifié (Tableau 2.3).

Tableau 2.3: Concentration (%at.) d’une particule et de sa matrice environnante obtenue par EDS.

Fe Cr Y Ti W Fe/Cr

Matrice 79,0 ± 0,8 20,7 ± 0,2 - - 0,3 ± 0,1 3,8 ± 0,1 Particule 68,0 ± 0,7 19,6 ± 0,2 8,0 ± 0,3 4,4 ± 0,3 0,3 ± 0,1 3,5 ± 0,1

Le rapport Fe/Cr mesuré pour la particule est très proche de celui de la matrice. En effet, les mesures de composition au cœur des particules sont biaisées par les atomes de Fe et de Cr, les analyses étant réalisées en transmission. Il sera donc extrait des spectres EDS uniquement le

2.2.5.2 EELS

Dans un MET, la spectrométrie des pertes d’énergies des électrons utilise la distribution en énergie des électrons ayant traversé l’échantillon. L'énergie qu'ils ont perdue renseigne sur la nature chimique des atomes avec lesquels ils ont interagi, ainsi que sur les liaisons chimiques dans lesquelles ces atomes sont engagés. La spectroscopie EELS, est réalisée grâce à un spectromètre placé sous l’échantillon, dans le prolongement de la colonne électronique. En spectrométrie EELS, l'information importante n'est pas réellement l'énergie des électrons, mais plutôt l'énergie qu'ils ont perdue en diffusant inélastiquement dans l'échantillon. Les résultats se présentent sous la forme d’un spectre de perte d’énergie. Au cours de cette étude, nous nous sommes uniquement intéressés au seuil d’ionisation caractéristique des atomes (> 30 eV). Cette gamme de perte d'énergie permet de déterminer la nature des éléments constituants le matériau. En effet, la position des pics correspond aux différents seuils d’absorption des éléments présents dans le matériau. L’intensité de ces pics quant à elle, renseigne sur la concentration de ces éléments.

Pour une étude complète des éléments constitutifs des particules (Y, Ti et O), la

fenêtre d’acquisition en énergie doit être au minimum comprise entre 456 eV (Ti-L2) et

2155eV (Y-L3), soit une largeur de près de 1700eV. L’acquisition du signal se fait par

l’intermédiaire d’une caméra CCD linéaire constituée de 2048 pixels. Il est possible dans notre cas d’acquérir 1eV par pixel au mieux, soit une gamme de pertes d’énergie de 2048eV. Il serait donc théoriquement possible d’étudier tous les éléments d’intérêts. Toutefois, l’intensité du signal décroit lorsque les pertes d’énergie sont importantes, ce qui empêcherait d’être alors quantitatif sur l’Y, par rapport au Ti par exemple. On pourrait alors envisager d’acquérir plusieurs spectres de gammes d’énergie de plus faibles amplitudes (512eV par exemple pour 0,25 eV par pixel). Toutefois, au cours de l’acquisition nous contaminons l’échantillon (principalement en C) et nous l’endommageons (interaction électron-matière) d’autant plus que l’acquisition est longue. Nous avons donc fait le choix de limiter nos fenêtres d’acquisition à une gamme d’énergie comprise entre 300 et 812 eV (0,25 eV par pixel), ce qui nous permet d’étudier uniquement le Ti, l’O, le Cr et le Fe.

De manière analogue à l’EDS, nous visualisons la particule à analyser au préalable par imagerie en mode STEM HADDF. Nous réalisons alors l’acquisition d’un spectre EELS pour cette particule précédemment étudiée en EDS et pour la matrice environnante. La figure 2.6 représente les deux spectres EELS ainsi obtenus.

Figure 2.6: Spectres EELS associés à une particule de l’acier ODS MKCR et à sa matrice environnante.

Après identification de la nature des pics sur les spectres obtenus, nous pouvons constater que la particule est enrichie en Ti et en O par rapport à la matrice (Figure 2.6).

Le rapport des concentrations de deux éléments A et B est donné par :

E E I E E I N N A B B A B A , , , , (2.1)

avec Ni la concentration de l’élément i sous la surface analysé, Ii,E l’intensité du seuil

caractéristique, i la section efficace inélastique i,  l’angle de collection (= 40 mrad) et E

la fenêtre d’intégration (i.e. l’intervalle d’énergie de chaque pic sur le spectre). Les

concentrations sont mesurées à l’aide du logiciel Digital Micrograph. Tout d’abord, pour estimer l’intensité caractéristique de chaque pic, nous devons soustraire le bruit de fond, provenant d’électrons ayant subi des interactions multiples de faibles énergie. Il est supposé

que le bruit de fond en amont de chaque pic à étudier (i.e. pour des plus faibles énergies) suit

une loi puissance. Ainsi pour chaque pic, nous pouvons extraire son intensité déconvoluée du bruit de fond.

Nous mesurons alors la composition chimique associée à la particule et à la matrice. Ces compositions chimiques sont reportées dans le tableau 2.4.

Tableau 2.4: Concentration (%at.) d’une particule et de sa matrice environnante obtenue par EELS.

Fe Cr Ti O Fe/Cr

Matrice 74,6 ± 7,5 18,6 ± 1,9 - 6,8 ± 0,7 4,0 ± 0,8 Particule 56,2 ± 5,6 13,0 ± 1,3 5,2 ± 0,5 25,5 ± 2,5 4,3 ± 0,9

Les mesures de composition au cœur des particules sont biaisées par les atomes de Fe et de Cr de la matrice, les analyses étant réalisées en transmission. Nous observons une forte teneur en oxygène mesurée pour la matrice. Nous discuterons par la suite de son origine, mais il est probable que cela provienne d’une oxydation de la surface de l’échantillon. Il sera donc extrait des spectres EELS uniquement le rapport Ti/O associé à la particule qui est dans ce cas

égal à 0,20 ± 0,04 (vraisemblablement biaisé par une couche d’oxydation).

A partir des spectres EDS et EELS ainsi réalisés, nous pouvons constater que les particules sont enrichies en Y, Ti et O par rapport à la matrice. Ces analyses appliquées à la

particule que nous venons de présenter ici montrent que celle-ci à un rapport Y/Ti de 1,8 ± 0,2

et un rapport (Y+Ti)/O de 0,6 ± 0,2.

En résumé, lors de cette thèse, l'imagerie en STEM HAADF est utilisée pour déterminer les distributions de tailles des particules. En couplant les mesures EDS et EELS, une information chimique, limitée aux atomes d'Y, de Ti et d'O, est obtenue. Les mesures EDS donnent un rapport Y/Ti. Le couplage de ces résultats avec l’EELS permet d’accéder au rapport (Y+Ti)/O. Ces deux mesures étant réalisées en transmission, elles ne permettent pas dans ce cas de quantifier les teneurs en Fe et Cr au cœur des particules en raison de l'influence de la matrice. Afin d’apporter des informations supplémentaires sur ces nano-particules, une autre technique a été utilisée dans ce travail : la sonde atomique tomographique.