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0.2 Composite C/C étudié

0.2.1

Présentation du matériau analysé

Le composite C/C étudié est produit par la société Safran Landing Systems en vue d’ap- plications de freinage aéronautique durant lesquelles il est utilisé pour composer des disques de frein.

Architecture et composition

- Fibres de carbone : Le renfort fibreux est composé de fibres longues de carbone de type ex-PAN. Ces fibres possèdent une section quasi-circulaire d’un diamètre d’environ 10 µm. Leur teneur en carbone est de l’ordre de 95%. Elles sont conçues pour pouvoir résister à de très hautes températures sans s’oxyder. Elles possèdent également de très bonnes caractéristiques mécaniques avec un module de Young de l’ordre de 240 GPa et une résistance à la traction de 4 GPa [Dupupet, 2008]. Ces fibres, de par leurs diverses propriétés, confèrent une bonne tenue et résistance au composite C/C produit.

- Architecture de la préforme fibreuse : Lors de la réalisation de la préforme fibreuse, les fibres de PAN sont rassemblées en fils par paquets de fibres. Ces fils sont ensuite assemblés par foisonnement sous formes de plis stratifiés unidirectionnels, un pli étant composé de fils orientés dans une direction donnée. Ces plis sont alors empilés les uns sur les autres en étant orientés successivement à 0◦, +60◦ et -60◦. Un ensemble [0◦/+60◦/-60◦] forme une couche. Leur

plan d’empilement correspond aux futures surfaces de frottement des disques de frein. Afin que l’ensemble soit résistant à des sollicitations telles que le cisaillement, une faible proportion de fibres sont arrachées puis transférées dans la troisième direction selon un procédé nommé "aiguilletage" [Champagne, 2013] (figure 12). La préforme réalisée présente une architecture de type 2.5D [Douarche et al., 2001]. Une fois obtenue, elle est carbonisée, les fibres de PAN se transforment alors en fibres de carbone par pyrolyse [Gouider, 2004]. Pour la suite de ces travaux, la convention suivante sera adoptée. Dans le plan des plis, la direction des fils de plis orientés à 0◦ correspondra à l’axe X, celle perpendiculaire à cet axe dans ce même plan

représentera l’axe Y. La direction normale au plan des plis XY et correspondant à celle de l’aiguilletage coïncidera avec l’axe Z.

- Densification et traitement thermique : La préforme est densifiée par une matrice de pyrocarbone selon un procédé CVI de type isotherme-isobare (I-CVI). Durant cette étape, un dépôt de matrice de pyrocarbone est réalisé à haute température sur les fibres de carbone (en- viron 1000◦C). Elle est effectuée à partir du craquage d’hydrocarbures avec l’utilisation de gaz

tels que le méthane ou le propane. Cette densification permet d’atteindre un taux de porosité résiduelle de l’ordre de 15% au sein du matériau. Suite à cette phase, une étape de traitement thermique est réalisée. Le matériau est alors porté à une température d’environ 1500◦C. Le

refroidissement du matériau, suite à son infiltration, entraîne le développement de contraintes résiduelles conséquentes qui sont à l’origine de nombreuses fissures dans le composite C/C pro- duit (figure 13-A et 13-B).

Morphologie du matériau étudié

Le composite C/C étudié présente une architecture multi-échelle. Ses échelles caractéris- tiques sont présentées en figure 14. L’échelle macroscopique correspondant à celle du composite,

Figure 12 – Architecture 2.5D de la préforme fibreuse du matériau étudié [Douarche et al., 2001].

Figure13 – A : Tomographie X du composite C/C étudié (résolution : 12 µm/pixel). B : Vue en coupe du matériau étudié (tomographie X - résolution : 12 µm/pixel).

l’échelle mésoscopique prenant en compte les motifs élémentaires d’assemblage des fils formant son architecture, l’échelle microscopique représentant les fils de façon unitaire. Sa morphologie est complexe du fait de la variabilité induite par la réalisation de la préforme fibreuse et de la

0.2. COMPOSITE C/C ÉTUDIÉ 21 densification. Malgré la présence d’un motif d’empilement théorique des plis, l’aiguilletage et les morphologies locales restent eux aléatoires. Ce matériau présente également de nombreux endommagements initiaux : porosités et fissures, provoqués par le procédé de densification CVI. Les porosités sont dues à une infiltration incomplète de la préforme fibreuse. Les fissures ap- paraissent lors du refroidissement du composite C/C après densification suite à la relaxation des contraintes résiduelles apparaissant lors de son refroidissement. Une étude plus approfondie de la morphologie du matériau étudié est proposée dans le chapitre 1 de ce manuscrit. Trois aspects morphologiques semblent néanmoins caractéristiques de ce matériau : son caractère multi-échelle, son architecture complexe, la présence d’un nombre conséquent d’endommage- ments initiaux.

Figure 14 – Echelles caractéristiques du composite C/C étudié.

Utilisation pour le freinage aéronautique

Le matériau étudié est destiné à des applications de freinage aéronautique. Il est alors utilisé sous forme de disques de freins. Le système de freinage a pour but de dissiper l’énergie cinétique d’un véhicule, dans le cas présent, d’un avion, pour le ralentir ou l’immobiliser. Son principe de fonctionnement est la transformation de l’énergie cinétique, liée à la vitesse de l’avion, en éner- gie thermique, c’est-à-dire en chaleur, qu’il faut ensuite dissiper. Ceci est réalisé par frottement de disques de frein les uns sur les autres [Dagli, 1999]. Le système de freinage est constitué d’un ensemble de disques de frein divisés en deux catégories : les stators liés au châssis du système de freinage et les rotors montés sur le mécanisme de la roue d’avion. Dans un frein, les disques sont empilés les uns sur les autres avec une alternance stator/rotor, un stator étant présent à chaque extrémité du frein. Lors du freinage, des pistons viennent appuyer sur le premier stator des disques de frein ce qui permet aux différents stators de frotter sur les rotors. Ainsi, au cours du freinage, l’ensemble des disques de frein vient fournir un couple de frottement pour ralentir ou arrêter l’avion. Il doit alors en contrepartie absorber la chaleur générée par ce frottement : il est pour cette raison également nommé "puits de chaleur" [Champagne, 2013] (figure 15-A). Afin de limiter les effets liés à l’oxydation, les disques de frein sont recouverts d’un revêtement anti-oxydation sur les faces exposées à l’oxygène et ne participant pas au freinage (bords exté- rieurs des disques) [Gatoux, 2013]. Lors du taxi-out, phase de taxiage avant décollage lors de laquelle l’avion se déplace de la porte d’embarquement vers la piste, le frein a une température allant de 50◦C à 200◦C. Lors d’un atterrissage normal, le frein monte à une température d’en-

viron 900◦C. Lors du taxi-in, phase de taxiage suite à l’atterrissage lors de laquelle l’avion se

900◦C. En cas extrême de décollage interrompu (RTO : Rejected Take Off), il peut atteindre

des températures allant jusqu’à 2000◦C [Francois, 2003] (figure 15-B).

Figure15 – Puits de chaleur. A : Schéma de principe [Mengawaku, 2010]. B : Puits de chaleur après un RTO (source : Safran Landing Systems).

0.2.2

Contexte et problématique industrielle

Il est aisé de comprendre que le composite C/C formant les disques de frein est soumis à deux types de sollicitations : des fortes contraintes mécaniques (compression, cisaillement, dilatation thermique) et des hautes températures dues notamment au frottement entre disques. Par conséquent, afin de comprendre le comportement de ce composite et de concevoir des matériaux plus performants, il est nécessaire de maîtriser la relation entre sa structure et ses propriétés thermomécaniques et tribologiques. Cette thèse se propose d’étudier le lien entre les constituants et leur architecture au sein du composite C/C étudié, et son comportement thermomécanique. Actuellement, celui-ci n’est pas correctement établi. La conception de ce matériau est réalisée de manière empirique et itérative. Ses propriétés macroscopiques sont obtenues par des campagnes d’essais sur des disques de frein réels à température ambiante, les essais à haute température étant trop coûteux. Ceci conduit à des pertes en termes de temps de développement et de coûts pour Safran Landing Systems. En effet, pour chaque essai il est nécessaire d’attendre plusieurs mois que le disque de frein soit produit et ensuite le détruire pour le tester. Par conséquent, la problématique industrielle de cette étude est d’accélérer la méthode de conception de matériaux et de réduire les coûts associés par le développement d’un modèle prédictif permettant de comprendre et de simuler le comportement du matériau de la température ambiante et jusqu’à de très hautes températures (2000◦C).