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Section 3.3. Méthodologie d’analyse de l’effet de la contrebande sur le bien-être

3.3.1. Fondements théorique de l’analyse

3.3.1.2. Le comportement des consommateurs

178 (vi) Les fonctions de productions sont deux fois différentiables, homogènes et strictement quasi-concave. Un tarif spécifique t est imposé sur les importations du bien Y. Ce bien peut être acheté légalement 𝑌𝐿, ou via la contrebande 𝑌𝑆.

3.3.1.2.Le comportement des consommateurs

Le comportement des consommateurs peut différer selon que ces derniers soient conscients que la consommation des produits de contrebande comme les hydrocarbures génère un risque pour la sécurité humaine et physique à moyen et long terme et en tiennent compte pour exprimer leur demande ou ils n’en tiennent pas compte du fait du caractère parfois marginal de ce risque. Nous étudions les deux possibilités :

i. Les consommateurs ne sont pas conscients du risque « sécurité humaine et physique »

Le groupe des consommateurs est constitué de k individus différents. Chaque individu maximise une fonction d'utilité quasi-linéaire36 :

𝑈𝑘 = 𝑈(𝑋, 𝜃𝑖𝑌𝑖) = 𝑋 + 𝑢(𝜃𝑖𝑌𝑖) où u(.) est une fonction concave telle que u(0)=0

(3.1)

𝑠. 𝑐. 𝑅𝑘 = 𝑃𝑋𝑋 + 𝑃𝑖𝑌𝑖 (3.2)

𝑜ù 𝑖 = {𝐿, 𝑆}, 𝜃𝑖 ∈ ]0,1], 𝑌𝑖 = {0,1} 𝑒𝑡 𝜃𝐿 > 𝜃𝑆

X représente l'agrégation de tous les autres biens sur le marché et sert de numéraire. 𝑌𝑖 représente le bien Y qui peut être acheté soit légalement au prix 𝑝𝐿, soit illégalement au

prix 𝑝𝑆. 𝑌𝑖 = {0,1} implique que chaque consommateur achète au plus une unité du bien Y. Concernant le bien X, tous les individus ont des préférences identiques. Quant au bien Y, les préférences sont différentes et sont représentées par le paramètre 𝜃𝑖 ∈ ]0,1[. Ce paramètre permet de décrire les attitudes d'un consommateur donné vis à vis du bien Yi. θi varie

entre 𝜃𝐿𝑘 𝑒𝑡 𝜃𝑆𝑘 selon que le bien soit acquis légalement ou non.

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La propriété de la fonction d'utilité quasi-linéaire est qu’elle donne lieu à des fonctions de demandes indépendantes. Elles ne dépendent pas ni du revenu, ni du prix des autres biens, mais seulement du prix des autres biens considérée.

On peut considérer la fonction d’utilité quasi-linéaire comme une approximation de la fonction d’utilité (plus générale) dans le cas où la dépense dans le bien considéré est négligeable par rapport au revenu total. C’est aussi cette hypothèse qui permet de justifier l’analyse en équilibre partiel (Marshall, Principes of Economics, 1920).

179 Sous l’hypothèse de concurrence monopolistique37

, il existe une différenciation verticale du bien Y portant sur des caractéristiques pour lesquelles il existe un ordre unanime de préférences à prix égal : tous les consommateurs sont d’accord sur la combinaison des caractéristiques préférées. Ainsi pour chaque consommateur k, 𝜃𝐿𝑘 > 𝜃𝑆𝑘. Cette relation assure qu'aucun des consommateurs ne valorise le bien de contrebande plus que le bien légal. A prix égal, les consommateurs préfèrent tous le bien de qualité supérieure38. L'unanimité des consommateurs sur le fait que 𝜃𝐿𝑘> 𝜃𝑆𝑘 nous permet de dire qu'il y a une différence de qualité entre les deux biens où le bien légal représente la qualité supérieure.

De plus, sans réduire la généralité, on simplifie en supposant que 𝜌 = 𝜃𝑆𝑘/𝜃𝐿𝑘 , comme le ratio de préférence du bien illégal en termes de bien légal. Le consommateur dont le 𝜌, approche 0 est très réticent vis à vis l'acquisition du bien de contrebande. Cette réticence diminue au fur et à mesure que 𝜌 approche 1. Ainsi, tout en ayant des attitudes distinctes vis-à-vis du bien Y, tous les consommateurs ont la même valorisation relative du bien 𝑌𝑆, en termes de bien 𝑌𝐿.

En concurrence monopolistique, on suppose que chaque entreprise (firme légale/contrebandier) propose un produit unique. La demande d’un produit correspond donc à la demande qui s’adresse à une entreprise. Elle dépend du prix du bien et du prix des substituts. On distingue deux types de demande : (i) la demande préférentielle qui est construite en supposant inchangés les prix des concurrents ; (ii) la demande fractionnelle qui est construite en supposant que tous les prix changent dans les mêmes proportions dès lors, la demande effective à la firme s’accroît moins : ce type de demande est moins sensible au prix que la demande préférentielle.

Or, dans le cas des produits pétroliers au Bénin, le fait que les produits soient différenciés fait que chaque entreprise est confrontée à une courbe de demande imparfaitement élastique, qu’on appelle courbe de demande « préférentielle ». En effet, en concurrence parfaite, si la firme augmente son prix au-dessus du prix du marché, elle perd toute sa demande. Si elle diminue son prix en-dessous du prix de marché, elle gagne toute la demande des concurrents. Par contre, en concurrence monopolistique, une firme qui augmente son prix au-dessus des prix des concurrents ne perd pas toute sa demande : la demande à la firme est décroissante. Si elle diminue son prix, elle ne parvient pas à gagner toute la demande des concurrents. En

37 Voir Chamberlin (1933) comme précurseur de ce modèle et d’autres auteurs plus recents comme Dixit-Stiglitz (1977)

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Cette hypothèse découle du fait que l'acquisition du bien de contrebande est surjet au risque de pollution de l’environnement mais aussi entouré d’autres risques comme la volatilité des prix qui modifie à tout moment la structure de consommation de l’individu.

180 effet, au Bénin les firmes locales pratiquent généralement des prix plus élevés que ceux de la contrebande, pourtant la demande pour ces firmes n’est pas nulle. De même, lorsque suite à une fermeture des frontières nigérianes, on observe une hausse des prix de contrebande, la demande des produits de contrebande n’est pas nulle ; il subsiste toujours une clientèle fidèle compte tenu d’autres caractéristiques qu’offre ce marché comme la proximité et l’absence de file d’attente. La demande à la firme dépend à la fois du prix du bien et des prix des concurrents39:

𝐷𝑖 = 𝐷𝑖(𝑃𝑖, 𝑝𝑟𝑖𝑥 𝑑𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑢𝑟𝑟𝑒𝑛𝑡𝑠). (3.3)

Les fonctions de demande préférentielles du bien Yi

Dans un premier temps, le consommateur doit décider de s'acheter le bien Y ou non. On définit la disposition marginale à payer pour le bien Y ou le prix de demande comme θiYi. Le surplus du consommateur est alors donné par : 𝑊𝑖𝑘 = 𝜃𝑖𝑘𝑌𝑖 − 𝑝𝑖𝑌𝑖. (3.4) Etant donné qu’il achète au plus une unité du bien Y, on peut écrire que : 𝑊𝑖𝑘= 𝜃𝑖𝑘− 𝑝𝑖. (3.5)

Le consommateur ne décide de s'acheter une unité du bien Y que si cette unité lui procure une utilité positive.

C'est à dire que :{ 𝑌𝑖

𝑘 = 1 𝑠𝑖 𝜃𝑖𝑘 ≥ 𝑝𝑖

𝑌𝑖𝑘 = 0 𝑎𝑢𝑡𝑟𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡

Pour déterminer les fonctions de demande des deux biens légal et illégal, on distingue trois cas possibles : Absence de contrebande, absence du marché légal et coexistence des deux marchés. Nous développons ce dernier cas uniquement du fait qu’il soit un cas plus général pour les produits pétroliers de contrebande et s’inscrit dans le développement du modèle de concurrence monopolistique.

Les préférences 𝜃𝑖 du consommateur indifférent entre le bien légal et le bien illégal est déterminé par :

𝑊̂ , = 𝑊𝐿 ̂ , il est donc caractérisé par la prise en compte du prix de la concurrence où : 𝑆

39 L’hypothèse de symétrie permet de supposer que les concurrents fixeront leur prix au même niveau ; compte tenu des caractéristiques de firmes à l’étude, cette hypothèse ne peut être maintenue.

181 𝜃𝐿 = 1 1−𝜌(𝑝𝐿− 𝑝𝑆) (3.6) 𝑜𝑢 𝜃𝑆 = 𝜌 1−𝜌(𝑝𝐿− 𝑝𝑆) (3.7)

De façon similaire, le consommateur indifférent entre acheter le bien illégal et ne rien acheter du tout est celui pour lequel 𝑊𝑆0 = 0, il est donc caractérisé par

𝜃𝐿0 = pS

𝜌 (𝑖). (3.8)

De même, le consommateur indifférent entre acheter le bien légal et ne rien acheter du tout est celui pour lequel 𝑊𝐿0 = 0 ; il est donc caractérisé par

𝜃𝑆0 = 𝜌𝑝𝐿(𝑖𝑖) (3.9)

Les fonctions de demande40 du bien légal et du bien illégal représentent les préférences des consommateurs, une fois donnés les prix des concurrents. Nous obtenons les deux expressions suivantes : De (3.6) et (3.8) on a : 𝑄𝑆 = 𝜌𝑝𝐿−𝑝𝑆 𝜌(1−𝜌) (3.10) De (3.7) et (3.9) on a : 𝑄𝐿 = 𝜌𝑝𝐿−𝑝𝑆 1−𝜌 (3.11)

Si QL ≥ 0, la demande pour le bien légal existe si et seulement si pLpS 𝜌.

Si Q𝑆 ≥ 0, la demande pour le bien de contrebande existe si et seulement si pS ≤ ρpL.

Les fonctions de demande inverse pour le bien illégal et légal sont donnée par :

𝑃𝑆 = 𝜌𝑝𝐿 − 𝜌(1 − 𝜌)𝑄𝑆 (3.12)

ii. Les consommateurs sont conscients du risque « sécurité humaine et physique »

Sous l’hypothèse que le consommateur est conscient des coûts suscités par la consommation du bien de contrebande, cela implique qu’il intègre dans sa fonction d’utilité des éléments facteurs du bien H. Le programme à maximiser est :

40 Ces fonctions de demande sont inspirées de la méthode adoptée par Touil, (1998) basée sur les préférences rationnelles. Voir également Sheikh, (1977) et (1991).

182 𝑈𝑘 = 𝑈(𝑋, 𝜃𝑖𝑀𝑖, 𝐻𝑖) = 𝑋 + 𝑢(𝜃𝑖𝑀𝑖, 𝐻𝑖) (3.13)

𝑠. 𝑐. 𝑅𝑘 = 𝑃𝑋𝑋 + 𝑃𝑖𝑀𝑖+ 𝑃𝐻𝐻𝑖 (3.14)

𝑜ù 𝑖 = {𝐿, 𝑆}, 𝜃𝑖 ∈ ]0,1], 𝑀𝑖 = {0,1} 𝑒𝑡 𝜃𝐿 > 𝜃𝑆

H𝑖 représente le bien de sécurité humaine et physique et PH le prix. Les consommateurs qui décident d’acheter le bien de contrebande, s’exposent à un ensemble de risques qui peuvent s’exprimer proportionnellement au niveau de consommation du bien noté 𝛼, avec 𝛼 ∈ ]0,1[. Ce risque augmente donc avec le niveau de consommation du bien YS, ceteris paribus. On a alors 𝐻𝑆 = 𝛼𝑌𝑆. On fait l’hypothèse que l’individu qui achète sur le marché légal, n’est pas exposé au même risque de sorte que 𝐻𝐿 = 𝛼𝑌𝐿 = 0. Le risque ne pouvant se manifester à court terme et pour des raisons de cohésion, on suppose que 𝛼 < 𝜌. On peut donc réécrire le programme comme suit :

𝑈𝑘 = 𝑈(𝑋, 𝜃𝑖𝑌𝑖, 𝛼𝑌𝑖) = 𝑋 + 𝑢[(𝜃𝑖−𝛼)𝑌𝑖] (3.15)

𝑠. 𝑐. 𝑅𝑘 = 𝑃𝑋𝑋 + 𝑃𝑖𝑌𝑖 + 𝑃𝐻𝛼𝑌𝑖 (3.16)

Si l’individu n’achète qu’une unité du bien Y, le surplus du consommateur est alors donné par :

𝑊𝑖𝑘= 𝜃𝑖𝑘− 𝑝𝑖− 𝛼𝑘(1 + 𝑝𝐻). (3.17)

Tout comme dans le premier cas, les fonctions de demandes du consommateur pour le bien légal et le bien illégal caractérisent les préférences en fonction des différents prix incluant le prix du troisième bien non commercialisable. Ainsi le consommateur indifférent entre le bien légal et le bien illégal est déterminé 𝑊̂ = 𝑊𝐿 ̂ , il est donc caractérisé par : 𝑆

𝜃𝐿 = 1 1−𝜌(𝑝𝐿− 𝑝𝑆) – 𝛼 1−𝜌(𝑝𝐻) (𝑖𝑖𝑖) (3.18) 𝑜𝑢 𝜃𝑆 = 𝜌 1−𝜌(𝑝𝐿− 𝑝𝑆) −1−𝜌𝜌𝛼 (𝑝𝐻) (𝑖𝑣). (3.19)

Le consommateur indifférent entre acheter le bien illégal et ne rien acheter du tout est celui pour lequel 𝜃𝐿0 =pS+𝛼𝑝𝐻

𝜌 (𝑖𝑖𝑖) (3.20)

De même, le consommateur indifférent entre acheter le bien légal et ne rien acheter du tout est

183 Les nouvelles fonctions de demande du bien légal et illégal sont représentées par les deux expressions suivantes : De (iii) et (iii’) on a : QS =ρpL−pS−𝛼𝑝𝐻 ρ(1−ρ) (3.22) De (iv) et (iv’) on a : QL= ρ[ρpL−pS−𝛼𝑝𝐻] 1−ρ (3.23)

Si Q𝑆 ≥ 0, la demande pour le bien de contrebande existe si et seulement si pS ≤ ρpL− 𝛼𝑝𝐻. Si QL ≥ 0, la demande pour le bien légal existe si et seulement si pLpS+𝛼𝑝𝐻

𝜌 . La fonction de demande inverse correspondante du bien de contrebande est :

pS = ρpL− 𝛼𝑝𝐻− ρ(1 − ρ)QS (3.24)

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