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Section 2.1. Analyse statistique du secteur de la réexportation

2.1.2. Commerce transfrontalier et manifestation de la quasi-contrebande

2.1.2.1. Le commerce de réexportation

91 concerne les recettes fiscales. Nous débattons dans un premier temps de l’ampleur de ce commerce ensuite déduisons l’influence sur les recettes fiscales.

2.1.2.1.Le commerce de réexportation

Le commerce de réexportation du Bénin vers le Nigéria est un commerce qui est essentiellement dû à la politique commerciale restrictive du Nigéria. Son évolution est donc sujette à l’instabilité de la politique commerciale et même monétaire nigériane. C’est ainsi qu’on remarque une évolution très modérée des réexportations mais très proche et parfois régulièrement plus élevées que les exportations entre 1998-2016 avec une forte hausse en 2008 (1658% par rapport à 2007) suivi d’une baisse drastique en 2015 et 2016 (65% et 73% par rapport à 2014). En moyenne, les réexportations sont évaluées à plus de 18 milliards alors que les exportations sont en moyenne égales à 13 milliards (voir figure 8). Cela dénote du dynamisme de ce marché et de son importance plus croissant pour les recettes de l’Etat. Les hausses observées en 2008 sont dues principalement au durcissement des barrières à l’interdiction des importations intervenues l’année précédente ou même au cours de cette année. A chaque fois que les interdictions à l’importation ou les barrières tarifaires sont des plus élevées au Nigéria, le niveau des réexportations est d’autant plus élevé.

Par contre, la baisse observée ces deux dernières années est due principalement à la chute du cours du pétrole qui a induit une baisse subséquente de la valeur du Naira. En effet, la perte de près de 45% de la valeur du Naira contre le F CFA en avril 2016 a occasionné une chute drastique des réexportations du Bénin vers le marché Nigérian de l’ordre de 30 à 50%, selon les produits. L’Etat enregistre plus de 20 milliards de pertes fiscales sur le riz et les huiles végétales, et 30 milliards de pertes de recettes fiscales sur les véhicules d’occasion. À la fin du mois de juin 2016, 76 mille voitures ont été réexportées vers le Nigéria, contre plus de 285 mille en 2015 et plus de 353 mille en 2014. Il faut également noter que cette baisse de réexportation des véhicules n’est pas sans conséquences sur les autres activités connexes telles que le marché des pièces détachées et aussi l’emploi de 5000 jeunes qui servent d’intermédiaires dans les différents parcs entre les propriétaires et les acheteurs.

92 Les produits exportés par le Bénin vers le Nigeria sont presque exclusivement des produits de réexportation. Les enquêtes ECENE et les données des douanes ont permis d’estimer qu’une vingtaine de produits clefs de réexportation faisaient l’objet de ce type de commerce. Tout comme Gauthier (2000), la Douane retient une dizaine de produits clefs qui représentent près de 90% de la valeur totale de ce commerce. Ce sont : viandes, abats, poissons, riz, farine de blé, huile de palme, sucre, conserves de tomates, friperies, tissus et voitures d’occasion. Ces biens de consommation finale sont actuellement prohibés ou fortement taxé à l’importation sur le territoire nigérian (Cf. Tableau 16 et 17 sur les politiques commerciales nigérianes). Toutefois, étant donné qu’une partie de ces biens est également consommée au Bénin, il est difficile de mesurer avec exactitude la part réelle des produits réexportés vers le Nigéria.Cette réexportation c’est évaluée à 66,5% des importations dont 51.2% des « produits clefs » vers le Nigéria. Compte tenu de leur poids remarquable dans les activités de réexportation, les produits clés : le riz, l’huile végétale et les voitures d’occasion, méritent qu’on s’y intéresse.

- Commerce du riz et réexportation16

Le trafic du riz pour le compte du Nigéria, a débuté avec la guerre du Biafra entre 1967 et 1969. Il a connu son ampleur à partir de 1984 suite aux mesures restrictives à l’importation mises en place par le Nigéria dans le cadre de la politique Feed the Nation. Ces commerçants nigérians dévièrent alors leurs importations sur les ports de Cotonou et de Lomé avant de les acheminer par des circuits clandestins vers la Fédération. Ainsi la quantité qui alimente cette activité commerciale a connu une rapide évolution allant de 70 000 tonnes en 1994 pour atteindre 600 000 tonnes dans les années 2010. Le tableau 14 ci-dessous rend compte de l’évolution de la réexportation du riz ces cinq dernières années.

Selon le comité d’étude de l’évaluation du potentiel commercial entre Bénin et le Nigéria, les flux de riz importés sont destinés soit à la consommation locale du Bénin soit à la sous-région, vers le Nigéria principalement. En moyenne, on remarque que de 2011 à 2016, l’évolution des réexportations de riz suit celle des importations. En moyenne, c’est près de 50% du riz importé d’outre-mer qui est réexportée vers le Nigéria. On note une baisse accentuée en 2016 induisant des pertes de recettes pour l’Etat, du fait des effets de la dévaluation du Naira.

16 Données issues du rapport de la MISSION D’EVALUATION DE LA COMPETIVITE DES PRODUITS BENINOIS SUR LE MARCHE NIGERIAN, 2017.

93 Cependant, les statistiques portuaires et douanières au Bénin sont souvent erronées. Ceci est dû à l’organisation du système de réexportation vers le Nigéria. En effet les importateurs ne vendent pas directement leurs marchandises à des commerçants Nigérians. Autrement dit, le riz importé prend un circuit impliquant divers commerçant intermédiaire au Bénin avant d’être acheminé au Nigéria. Il est donc déclaré en consommation locale pour être vendu sur le territoire avant de repartir vers le Nigéria. Les statistiques officielles ne pouvant pas retracer les volumes réels exportés vers le Nigéria, diverses méthodes sont utilisées pour estimer les réexportations (Golub, 2012).

- Huile végétale et commerce de réexportation

Suite à la crise de l’arachide et du palmier à huile survenue en 1990 au Nigéria, les huiles végétales se sont imposées comme l’un des produits phares de l’importation du Bénin. Il est important de noter que les huiles végétales proviennent en grande partie de la Thaïlande qui offre de bonnes opportunités d’affaires aux commerçants béninois. Toutefois, contrairement au commerce de riz, la quantité d’huile de palme destinée à réexportation vers le Nigéria est moins élevée. Sur le total des quantités importées de 2011-à Juin 2016, on enregistre en moyenne 27% qui sont concernées par la réexportation vers le Nigéria.

- Voitures d’occasion principale source de commerce de réexportation

Les niveaux élevés des importations des véhicules d’occasion conduisent à se poser la question de savoir si ces dernières sont toutes destinées au Bénin. Comme le révèle l’analyse par type de régime, les importations de véhicules d’occasion sont essentiellement destinées au transit. Bien qu’ayant débuté à la fin des années 1980, l’activité de la vente des véhicules d’occasion a véritablement pris de l’envergure suite aux mesures restrictives d’interdiction d’importation de véhicules d’occasion sur le territoire nigérian.

Pour contourner cette mesure d’interdiction, les opérateurs économiques nigérians en collaboration avec ceux du Bénin font passer leurs véhicules par le Port de Cotonou. Les véhicules des clients nigérians empruntent les voies terrestres pour rejoindre leur destination finale. En effet, de toute l’Afrique de l’Ouest, le Port de Cotonou demeure le seul port par lequel il est encore possible d’importer des véhicules âgés de 10 ans. Les importateurs nigérians préfèrent donc contourner les risques liés à leurs ports pour venir s’approvisionner en véhicules usagés au Bénin. Notre analyse aurait donc pu être beaucoup plus pertinente si nous avions eu à notre disposition les données chiffrées cohérentes d’avant 2011. Toutefois, il

94 est à remarquer, malgré les nouvelles mesures d’interdiction de l’importation de véhicules de plus de 10 ans survenues dans le courant des années 2015, que le nombre de véhicules d’occasion importés a atteint son plus haut niveau. Cependant, avec l’interdiction de l’importation des véhicules d’occasion par la voie terrestre adoptée à la faveur de la loi de Finances 2015, le nombre de véhicules d’occasion importés a considérablement diminué depuis 2015 jusqu’à ce jour.

De 50 véhicules en 1996, on est arrivé à 247 401 unités en 2007 dont 244 100 voitures destinées au tourisme. Cet essor s’est accru ces 5 dernières années avec près de 80% des véhicules qui sont réexportés vers le Nigéria. Même si la quantité réexportée a drastiquement baissé les deux dernières années, les proportions réexportées restent très importantes (voir tableau 13). Le développement de ce commerce est la conséquence d’un certain nombre de facteurs liés à la diversification des marchandises de réexportation et à la politique du Nigéria qui avait interdit l’importation de vieux véhicules à partir de 1994. Bien que ces mesures fussent assouplies par la suite en autorisant l’entrée des voitures de moins de 10 ans, le Bénin et certains pays côtiers sont déjà devenus des importateurs nets de véhicules d’occasion avec des avantages comparatifs meilleurs par rapport aux véhicules importés directement par le Nigéria. L’évolution de ce commerce implique un nombre considérable d’acteurs largement dominés par les Libanais.

Tableau 13 : Quantité et Part de la réexportation vers le Nigéria des principaux produits

Riz Huile de palme Voitures d’occasion

Quantité (tonne) Part en % d’importation Quantité (tonne) Part en % d’importation Quantité (nombre) Part en % d’importation 2011 112,3 41, 59 122,6 7,2 358 181 71, 91 2012 294,4 53, 29 94,9 17.8 334 488 82,59 2013 854,2 62, 82 146,8 28,4 343 890 84,49 2014 848,0 61,62 102,1 38,6 353 146 79,19 2015 751,2 33, 88 147,6 14.2 285 587 78,75 2016 403,0 37,67 97,9 32,9 79 093 61,21

Source : Rapport de la Mission d’Evaluation de la Compétitivité des Produits sur le Marché Nigérian, 2017

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