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Analyse des effets de la politique commerciale sur les réexportations

Section 2.4. Résultats, interprétations et analyses

2.4.2. Analyse des effets de la politique commerciale sur les réexportations

134 Les tests de diagnostic indiquent que les spécifications adoptées sont globalement satisfaisantes. Les variances conditionnelles de long terme sont proches de zéro ; ce qui montre que les erreurs types des coefficients estimés sont faibles. Cependant, les tests de Wald de restriction linéaire simple ne permettent pas de ne pas rejeter l’hypothèse nulle que la valeur du coefficient du vecteur de cointégration est bien égale à 1 dans toutes les 4 spécifications. Ce qui contraste avec les résultats de cointégration pour la spécification (IV). Ce résultat est généralement dû à la structure de l’estimateur dynamique. Le test de Jarque-Bera ne permet pas de rejeter l’hypothèse de normalité des erreurs au seuil de 5 % pour les quatre spécifications ; les erreurs suivent une loi normale. En outre, les tests de corrélogramme ont été effectués en vue de détecter la présence d’autocorrélation dans le cas de la spécification par la méthode DOLS, ces tests n’ont révélé aucune présence d’autocorrélation. Les variables exogènes (Lopen et LRep) ont été introduites pour améliorer les spécifications des modèles.

Les estimations par les DOLS offrent des signes attendus et des résultats robustes. On observe, un effet positif significatif des tarifs béninois et nigérians sur le taux de réexportation au Bénin au seuil de risque de 1% et 5%; alors que l’effet du différentiel de tarif est négatif et significatif dans toutes les spécifications aux seuils de 1% et 5%. De même la BMP a un effet négatif robuste et significatif aux seuils de risque de 1%, 5% et 10%. Les variables lrep et lopen introduites dans la spécification (IV) sont significativement différentes de zéro au seuil de 1%, et leur introduction permet d’améliorer les effets des variables d’intérêt.

2.4.2. Analyse des effets de la politique commerciale sur les réexportations

Le commerce de réexportation est un sujet de préoccupation important dans la littérature économique. Il existe essentiellement par la présence d’un différentiel de politique commerciale entre les nations. Fisman et al (2007) dans leur article sur le commerce de réexportation entre la Chine et Hong-Kong (Etat Entrepôt) justifie le développement de ce commerce par l’évasion fiscale. En effet, les exportations des pays partenaires de la Chine vers la Chine sont assujetties à des niveaux de tarif plus lourds que lorsque les exportations transitent par Hong-Kong. Alors ces auteurs déduisent que s’il y a hausse du niveau des tarifs chinois cela induira une hausse conséquente des réexportations de Hong Kong vers la chine (soit 0.29 % pour une hausse de 1% du tarif chinois) et par ricochet une hausse de l’évasion fiscale car la réexportation constitue un manque à gagner pour les recettes de l’Etat.

135 Les résultats trouvés dans le cas des échanges du Bénin et du Nigéria corrobore ces conclusions mais avec quelques nuances. En effet, la lecture du tableau 22, montre que, les niveaux de tarif dans les deux pays ont des effets positifs cohérents sur le taux de réexportation. En effet, les résultats montrent qu’une hausse de (10%) des tarifs nigérian et béninois entraine une hausse proportionnelle respectivement de 0.14% 0.6% du taux de réexportation (équation I, II) à un seuil de significativité de 5%. Dans le premier cas, l’effet positif du tarif nigérian sur les réexportations du Bénin vers ce pays s’explique par le fait que l’application des barrières tarifaires et non tarifaires limite les capacités d’importation des populations nigérianes. A cela s’ajoute, la difficulté de convertibilité de la monnaie nigériane. Ces deux raisons incitent les individus à s’approvisionner sur les marchés voisins dont principalement le Bénin ; d’où le développement du commerce de réexportation.

Dans le second cas, le tarif béninois a lui aussi, un effet positif sur le taux de réexportation. Ce résultat est contraire à la littérature qui veut que tout renchérissement des barrières tarifaires dans une économie incite les agents à réduire leurs activités. Cependant, au Bénin, la politique commerciale béninoise consistant à appliquer des tarifs plus bas que ceux du Nigéria avec but d’encourager le commerce de réexportation par l’existence d’un différentiel de tarif conséquent, entretient par là des taux bas de sorte qu’il faut d’importantes hausses de ces taux pour réduire systématiquement le commerce de réexportation. En outre, l’introduction du différentiel de tarif dans l’équation amplifie ce résultat tout en ayant un signe négatif. Les résultats issus de l’équation (III) montrent que toute augmentation de ce différentiel de 10% a pour conséquence une baisse de 0.72% du taux de réexportation à un seuil de significativité de 1% après une hausse de 1.4% lorsque le tarif béninois subi une hausse de 10%. Ces résultats appellent à deux conclusions: (i) les tarifs pris individuellement ne sont pas des causes directes de la réduction du commerce de réexportation légale donc de l’évasion fiscale; (ii) l’évasion fiscale découle de la différence de politique commerciale qui existe entre les deux pays. Cette différence n’est pas seulement en termes de tarifs, mais également en termes de barrières non tarifaires et de non facilitation du commerce qui restent un problème majeur dans l’essor des échanges officiels du Bénin avec le Nigéria.

En effet, de nombreux travaux antérieurs (Igué et Soulé, 1992 ; Egg et Herrera, 1998 ; Gauthier, 2000 ; Golub, 2009) ont suggéré que ce sont les tarifs très élevés au Nigéria qui étaient à la base des réexportations du Bénin et que tant que ces tarifs seront si élevés ce commerce persistera. L’évolution, cependant des niveaux de tarifs ces dernières années montre que des tarifs nigérians ont baissés et sont parfois plus bas que ceux du Bénin mais

136 pourtant, le volume du commerce de réexportation ne cesse de s’accroître. Les données du WITS montrent qu’à partir de 2006, les tarifs nigérians à l’importation sont en moyenne de 10.7% alors qu’ils sont de 13.3% au Bénin sur la période 2006-2016. Or ces mêmes tarifs étaient en moyenne de 20.05% et 12.7% respectivement pour le Nigéria et le Bénin sur la période 2001-2005. On note ainsi une baisse importante des tarifs nigérians qui devait conduire à réduire le niveau de réexportation du Bénin si ce commerce ne dépendait que de ce facteur. Il est alors clair que d’autres éléments rentrent en ligne de compte. En effet, la baisse des tarifs au Nigéria ces dernières années s’est accompagnée d’un armement de barrières non tarifaires qui partent de l’interdiction à la prohibition tout simplement, surtout dans les domaines stratégiques de développement de l’industrie locale nigériane comme l’agro-alimentaire, le textile et les véhicules (confère Tableau 19 et 20). Il faut aussi noter que le Bénin offre des conditions de facilitations du commerce surtout en ce qui concerne la rapidité et la célérité des activités portuaires où selon le rapport Doing Business le port de Cotonou est plus compétitif que celui de Lagos (confère Tableau 4).

L’effet positif du tarif béninois sur les réexportations du Bénin, peut également s’expliquer par la présence de la variable différentiel de tarif. Ce qui veut dire qu’à chaque fois que le différentiel s’accentue par le fait de l’augmentation du tarif béninois, cela va entrainer une baisse des réexportations légales mais pas une baisse des réexportations totales (légale et illégale). Dans la mesure où pour éviter le paiement des tarifs élevés, les agents économiques vont rediriger les réexportations vers des réexportations illégales, constituant ainsi une source importante à l’évasion fiscale. Ce résultat rejoint celui de Fisman et al, (2007) qui trouvent une source à la fraude en expliquant que l'avantage des agents est dans le passage hors postes de douane de marchandises puisque ces derniers ne payent pas les tarifs douaniers nécessaires. Ainsi, le commerce de réexportation motivé par l’évasion est susceptible d'être particulièrement important pour les réexportations vers les pays avec des tarifs élevés et une faiblesse accrue de la gouvernance publique.

La lecture du tableau 22 montre également, l’importance d’autres variables autre que le tarif dans l’explication du commerce illégal. On observe un effet négatif robuste de la prime du marché parallèle de change Naira/F CFA (BMP) dans toutes les quatre spécifications du modèle, avec le signe attendu. En effet, la difficulté de convertibilité du Naira et les politiques de contrôle de change ont suscité à créer un marché parallèle de change de la Naira vis-à-vis du F CFA et ce marché a pour particularité de dévaluer les taux de change du marché officiel

137 et de suivre les différentes évolutions de ce dernier, ce qui rend les échanges plus attrayant par ce marché. Sur toute la période de l’étude on note une dépréciation continue du Naira vis-à-vis du F CFA et cette dépréciation n’est pas sans conséquences sur les activités de contrebande. On note que la décote est passée 1.8 Naira/F CFA à 0.12 Naira/F CFA entre le premier trimestre 1999 au quatrième trimestre 2015. Par exemple la crise du pétrole sur le marché international ayant entraîné la baisse des recettes au Nigéria et un déficit de compte de 9 milliards de dollars, le Naira a subi une perte de près 45% de sa valeur comparée à 2015. Cette baisse du cours du Naira agit négativement sur le pouvoir d’achat des Nigérians qui ne disposent plus de moyens nécessaires suffisants pour acheter les marchandises en provenance du Bénin. Il en résulte pour le Bénin, une baisse drastique des marchandises de réexportation de l’ordre de 30 à 50% selon les produits. Par contre, la baisse de la parité du Naira vis-à-vis du CFA rend éminemment compétitifs les produits nigérians sur le marché béninois.

Enfin l’équation (4) qui prend en compte deux variables de contrôle (ouverture commerciale et le niveau de répression) améliore la qualité de la régression et montre la robustesse de signes obtenus. On note qu’une hausse de 10% du tarif béninois a pour conséquence une hausse du commerce de réexportation de 1.4% au seuil de significativité de 1%. On note par contre, qu’au seuil de significativité de 1%, une hausse de 10% de la prime liée au marché parallèle de change Naira/F CFA, et du différentiel de tarif entraine une baisse respectivement de plus que proportionnelle de 17.5% et 1.1%, des réexportations légales. Ce qui suggère que 17.5% des réexportations du Bénin sont dirigées vers les réexportations illégales pour des motivations de primes du marché noir de change, alors que seulement 1.1% de réexportations du Bénin sont dirigées vers les réexportations illégales pour des motivations d'évasion fiscale, ce qui dénote de l’importance de la sphère monétaire dans les échanges illégaux entre le deux pays voisins.

L’effet positif et significatif de la variable répression sur les réexportations montre bien que l’effort du gouvernement à mieux contrôler les frontières conduire à réduire la réexportation par des voies illégales. Ainsi, lorsque l’effectif douanier augmente de 10%, le taux de réexportation augmente de 5.4%. Ce résultat trouve une explication dans les diverses politiques menées par la direction de douanes ces dernières années. En effet, le Bénin a installé 15 brigades de douanes aux frontières Bénin-Nigéria reparties sur trois départements (Ouemé, Borgou et Zou) dont 8 sont installées dans le département de l’Ouémé, un département frontaliers. En plus de ces brigades de douanes fixes, les Services d’Intervention Rapides (SIR) sont aussi instruits pour contrôler les frontières et sont majoritairement

138 responsables des détections de délits douaniers. L’effectif douanier a également connu une hausse de près de 60% entre 1998 et 2010 même si on remarque une légère baisse les années suivantes de près de 12% essentiellement due aux départ à la retraite.

Tableau 22: Résultats d’estimation de la relation de long terme par les DOLS

Reexportrate (I) (II) (III) (IV)

Ntarif 0.0140** (2.5675) Btarif 0.0669** (2.5306) 0.13740*** (8.9152) 0.1372*** (5.1509) Tarifgaps -0.0719*** (-8.1219) -0.1147*** (-3.1049) BMP -1.1827 ** (-2.3209) -0.5719* (-1.7187) -0.3127* (-1.9641) -1.7589*** (-3.1790) lRep 0.5450*** (3.7251) lopen -0.2501*** (-2.8924) Constante -0.1160*** (3.5403) 1.3703*** (3.2663) -0.2364*** (-4.5693) -1.3914* (-1.8692) R2 ajusté 0.4145 0.6313 0.9148 0.9745

SIC Lead et Lag 0 ; 2 0 ; 3 0 ; 3 2 ; 3

Variance de long terme -- 0.000730 0.000239 0.00004 Test de wald 130.4623 (0.000) 11.3038 (0.000) 616.0735 (0.000) 93.167 (0.000) Test de normalité Jarque-Bera 4.9836 (0.0827) 0.4771 (0.7877) 0.17327 (0.9170) 0.3698 (0.83115) Note : Les nombres entre parenthèses sont les t-ratios. Pour les statistiques de tests de diagnostic, les nombres entre parenthèses sont les p-values. ***, ** et * = significativité à 1, 5 et 10 %.

Source : Calcul de l’auteure

Cependant, l’effet négatif de l’ouverture commerciale sur la réexportation est en contradiction avec la littérature en ce sens qu’elle devrait contribuer à faciliter les importations et par ricochet encourager les flux de réexportations. Cependant l’analyse appelle à s’interroger sur le développement du commerce de réexportation sur les politiques de développement des industries locales aussi bien au Bénin qu’au Nigéria.

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2.4.3. Implication du fonctionnement du marché de quasi-contrebande sur les objectifs

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