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2. Matériaux transparents pour la protection balistique

2.6. Comportement en conditions balistiques

Les céramiques transparentes présentent un grand intérêt pour l’application de protection balistique grâce à leurs propriétés mécaniques plus élevées que celles du verre. La densité surfacique du système, qui représente la masse de blindage par unité de surface, peut ainsi être réduite. Elle est calculée en multipliant la densité du matériau par son épaisseur et s’exprime en kg/m².

De nombreuses études ont montré l’avantage de ces matériaux en face avant des multicouches verre/polymère par rapport à un système composé uniquement de verre [9, 66, 67]. Grâce à sa haute dureté, le monocristal d’alumine résiste à des tirs multiples et limite la perforation du blindage. Un système de 33,5 mm d’épaisseur avec une couche de saphir pour une densité surfacique de 86,5 kg/m² présente les mêmes performances qu’un système en verre de 104 mm et de 248 kg/m² [9, 10].

Dans une configuration multicouche céramique/verre/polycarbonate, l’alumine polycristalline se montre plus avantageuse que le monocristal en termes de volume de la protection. Pour des performances balistiques identiques, où il n’y a pas eu perforation du blindage, l’ajout d’une couche d’alumine de 2 mm permet d’avoir une densité surfacique de 65 kg/m², contre 95 kg/m² pour un système avec un saphir de même épaisseur [50]. La réduction de la masse du blindage avec l’alumine polycristalline est liée aux meilleures propriétés mécaniques de cette céramique.

Une étude complète a été réalisée par Strassburger, où les différentes céramiques transparentes ont été comparées : saphir, alumine, spinelle et AlON [12]. Plusieurs épaisseurs de céramiques sont testées sur un assemblage verre/polycarbonate. Un projectile de type 7.62x51 AP (Armor Piercing) avec un noyau en acier est tiré à 850 ± 15 m/s. La vitesse résiduelle du projectile après perforation a été mesurée à chaque essai et est ensuite tracée en fonction de la densité surfacique du multicouche (Figure I-6). Une vitesse résiduelle nulle indique qu’il n’y a pas eu perforation.

Figure I-6 : Vitesses résiduelles du projectile en fonction de la densité surfacique du blindage. Les essais réalisés sur un assemblage verre/polycarbonate sont présentés par les triangles blancs et la ligne noire en pointillé. Chaque céramique (spinelle, AlON, saphir des deux orientations) est associée à un symbole, où chaque couleur correspond à une épaisseur. Les lignes colorées représentent l’évolution de la vitesse résiduelle déduite de tests réalisés avec l’alumine [12].

Les essais avec le verre montrent qu’une augmentation de la densité surfacique, donc de l’épaisseur, provoque une diminution de la vitesse résiduelle du projectile après perforation du blindage. Pour arrêter le projectile, une protection balistique sans céramique requiert une densité surfacique d’environ 170 kg/m².

L’ajout d’une couche de céramique permet de diminuer la masse du blindage. Dans le cas du saphir, deux orientations cristallines sont testées pour trois épaisseurs. Les résultats ne montrent aucune préférence pour l’une des orientations. Les vitesses résiduelles mesurées sont comprises entre 250 et 450 m/s. Dans cette configuration, cette céramique n’a pas permis d’arrêter le projectile.

L’alumine polycristalline permet d’obtenir de meilleurs résultats qu’avec le monocristal. Les tests montrent que des épaisseurs faibles de la céramique (1,3 et 1,5 mm) sont suffisantes pour résister au tir, induisant ainsi une réduction importante de la densité surfacique de la protection. En augmentant l’épaisseur de la couche à 4 mm, il est possible de diminuer la masse de 65% par rapport au système en verre.

Pour le spinelle MgAl2O4, des épaisseurs de 1,7 et 2,2 mm donnent de meilleurs résultats que le saphir, la plus haute vitesse relevée atteignant 120 m/s. En augmentant l’épaisseur à 4 mm,

la protection n’est pas perforée. Dans ces conditions expérimentales, le spinelle montre des performances similaires à l’alumine et supérieures au saphir.

Enfin, les essais réalisés avec une couche d’AlON ont mis en avant l’efficacité de ce matériau en face avant des blindages, aucune protection n’ayant été perforée. Une céramique de 1,6 mm est suffisante pour stopper le projectile, ce qui équivaut à une densité surfacique de l’assemblage de 85 kg/m².

L’efficacité des blindages céramique/verre/polycarbonate et le gain en masse associé à chaque essai présenté précédemment est représenté à la Figure I-7 [12]. La densité surfacique des blindages qui n’ont pas été perforés est tracée en fonction de l’épaisseur de la couche de céramique placée en face avant.

Figure I-7 : Densité surfacique des blindages non perforés en fonction de l’épaisseur de la céramique transparente testée. L’essai réalisé sans couche de céramique est indiqué comme

référence, notée « verre » [12].

La Figure I-7 montre clairement l’avantage de la céramique pour la protection balistique. Quels que soient l’épaisseur et le matériau, la densité surfacique nécessaire pour stopper le projectile diminue par rapport à celle du système en verre. Le monocristal de saphir se montre le moins avantageux, avec les densités surfaciques les plus élevées. Il est possible d’ajouter une couche de seulement 1,5 mm d’alumine polycristalline pour réduire la densité surfacique de moitié par rapport à la référence. Enfin, le spinelle et l’AlON présentent des performances similaires : pour une épaisseur de 2,2 mm, le système présente une densité surfacique d’environ 65-70 kg/m², contre 160 kg/m² pour la référence en verre.

L’alumine, polycristalline ou sous forme de monocristal, présente de très bonnes propriétés mécaniques, apportant ainsi une haute efficacité aux blindages et une réduction de la masse et du volume. Cependant, l’élaboration du saphir et l’obtention de la transparence pour l’alumine restent contraignantes. L’utilisation de spinelle ou de l’AlON permet d’améliorer le système de manière similaire. Il est plus avantageux de mettre en forme le spinelle, car les températures d’élaboration sont plus faibles que celles de l’AlON. L’oxyde de magnésium et

d’aluminium MgAl2O4 présente une combinaison appropriée de propriétés optiques et mécaniques pour une application en protection balistique transparente et un procédé d’élaboration moins contraignant que les autres matériaux décrits dans ce chapitre. C’est pourquoi cette céramique a été sélectionnée pour cette étude.

La suite de ce chapitre détaille les conditions requises pour l’utilisation d’une céramique transparente en balistique, ainsi que les méthodes d’élaboration.