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BOUCHE ARTIFICIELLE ROBOTISÉE POUR LE JEU DES CUIVRES

6.4 Comparaisons qualitatives mesures/simulations

Dans cette section, on compare mesures et simulations, (issues du modèle complet) comprenant l’excitateur et le résonateur présentés en chapitre 2. Le modèle est alimenté par la pression de bouche mesurée et les paramètres sont réglés à partir de ceux estimés par le filtre de Kalman.

6.4.1 Comparaison avec la mesure (c)

Pour les paramètres estimés sur l’expérience (c), le simulateur ne génère pas d’auto-oscillation. Une telle difficulté pouvait être attendue dans la mesure où on a observé que les différences entre le modèle complet (de simulation) et le modèle réduit (pour le filtre de Kalman) étaient responsables, à elles seules de différences significatives sur certains paramètres θ (cf. table 6.3). Il s’avère donc qu’en l’état, la méthode d’estimation établie ne permet pas encore l’inversion.

On a cherché un ensemble de paramètres permettant de générer une auto-oscillation avec les contraintes suivantes :

(i) avoir une fréquence de jeu simulée identique à celle mesurée (f0mes ∼ fsim

0 ) ;

(ii) avoir un déphasage entre les signaux simulés de hauteur de canal et de pression d’embouchure, identique à celui existant pour les signaux mesurés (∆Φmes ∼ ∆Φsim avec ∆Φ = Φhauteur− Φpression embouchure).

Pour cela, on aurait pu effectuer une recherche automatique de paramètre avec un algorithme itératif basé sur une détection d’oscillation, une estimation de fréquence et de phase. Il s’agit d’un problème non linéaire contraint complexe. En pratique, et pour des raisons de temps, ce réglage a été fait de manière heuristique.

Les paramètres trouvés sont indiqués en tableau 6.7. Afin d’obtenir une auto-oscillation, nous avons baissé la fréquence de résonance de la lèvre (frest= 272.92 Hz → frheu= 253.72 Hz), tout en restant dans la zone transverse (cf. figure 6.8). Cependant, la recherche ayant été faite de manière heuristique, il existe probablement des paramètres plus proches des estimations obtenues par le filtre de Kalman. Ces paramètres conduisent aux trajectoires de simulation présentées en figure 6.9 sur lesquelles on observe la synchronisation des signaux de simulation et de mesure. On observe une différence notable sur l’amplitude de l’ouverture de canal et sur la présence de "pics" (mesure) ou non (simulation) pour le signal de pression d’embouchure.

Figure 6.9 – (Expérience (c)) Mesure et simulation (modèle complet, cf. section 2.4) pour les paramètres heuristiques donnés en tableau 6.7

6.4. Comparaisons qualitatives mesures/simulations 183 Expérience (a) Expérience (c)

Paramètres Estimés Heuristiques Estimés Heuristiques Unités

fn 135 105 285.56 255 Hz

m 0.8 0.56 0.17 0.13 g

Q 14.7 13 1.7 5 Sans unité

AM P 122.6 −100 29.1 56 mm2

heq 0.47 0.4 0.38 0.5 mm

Table 6.7 – Tableau des paramètres utilisés pour les comparaisons me-sure/simulation (a) et (c). Paramètres estimés par le filtrage de Kalman et paramètres heuristiques. Rappel des autres paramètres choisis : L0 = 15 mm, `0 = 2 mm et Al = 25 mm2.

Notre recherche de paramètre à partir de ceux de Kalman nous a permis de trouver un ensemble de paramètres pour lesquels les propriétés (i) et (ii) sont atteintes. Cela montre une compatibilité entre le modèle complet et cette expérience pour le couplage de type

transverse.

6.4.2 Comparaison avec la mesure (a)

Bien que la première expérience ne soit pas compatible avec la classification

trans-verse/inward ou outward, nous souhaitons comparer les signaux de mesure et de simulation.

On a cherché un ensemble de paramètres permettant de générer une auto-oscillation avec les contraintes suivantes :

— (i) avoir une fréquence de jeu simulée identique à celle mesurée (f0mes∼ fsim

0 ) ; — (iii) avoir une hauteur de canal simulée de même amplitude que la hauteur mesurée

(Ames

h ∼ Asim

h ).

En effet, comme le couplage de type inward/transverse ou outward n’est à priori pas res-pecté, la propriété (ii) considérée en section 6.4.1 n’est plus bien adaptée.

Les paramètres trouvés sont indiqués en tableau 6.7. Ces paramètres conduisent aux trajectoires de simulation en figure 6.10. Afin d’obtenir une auto-oscillation à la bonne fréquence, nous avons baissé la fréquence de résonance de la lèvre (frest = 134.92 Hz →

frheu = 104.92 Hz) et rendu la surface AM P négative (pour obtenir un couplage de type

outward) (cf. figure 6.8).

Dans ce cas, on voit que les signaux simulées sont qualitativement assez proches des signaux mesurés. De plus, on constate que la simulation génère bien les pics de pression basse similaires à ceux observés sur les signaux mesurés. Enfin, en accord avec le changement de type de couplage, on constate une différence sur le comportement de la phase : le signal de pression est en avance sur la hauteur du canal, alors que le contraire est observé pour le signal simulé.

Cette confrontation montre que notre modèle peut générer des signaux dont les formes d’onde sont assez proches de celle mesurées. Cependant, le déphasage ∆Φ n’est pas respecté dans la simulation : ∆Φmes est de signe opposé à ∆Φsim.

Les essais effectués en sections 6.4.1 et 6.4.2 nous amènent à se poser quelques questions et à discuter quelques propositions de réponses.

Figure 6.10 – Confrontation de la mesure (a) avec des simulations pour le système complet comprenant le jet 2D. Une constante de 0.2 mm a été soustraite à la hauteur de canal mesurée. Les signaux simulés ont été manuellement retardés pour syn-chroniser les hauteurs de canal mesurée et simulée, et ainsi mieux observer les déphasages.

6.5 Discussion

Les résultats sur l’expérience (a) ne correspondent ni à un couplage transverse (ou même inward), ni à un couplage outward. À ce niveau, il est légitime de se questionner sur la validité des résultats, et notamment sur : (1) la méthode utilisée, (2) les mesures effectuées, (3) le modèle utilisé.

Le filtrage a été appliqué plusieurs fois sur les mêmes mesures avec différents paramètres de réglages, et a toujours montré cette même tendance transverse pour l’expérience (a). De plus, pour des paramètres réglés de façon heuristique, notre modèle n’a pas permis de générer des auto-oscillations qui combinent la bonne fréquence et le bon déphasage entre la pression d’embouchure et l’ouverture de lèvre (hauteur de canal). Les mesures montrent que pour les trois expériences, le signal de position est en retard par rapport au signal de différence entre pression d’embouchure et pression de bouche (Φ < 0 avec Φ =∠(ouverture) − ∠(pression d’embouchure − pression de bouche)), ce qui dans un cadre linéaire, est caractéristique d’un couplage inward [49, 53]. Pourtant, pour l’expérience (a), la fréquence de jeu est supérieure à la fréquence du pic d’impédance excité de l’instrument ce qui est plutôt caractéristique d’un couplage de type outward. Le problème identifié dans les fréquences basses (exemple pour l’expérience (a)) ne vient donc pas d’une erreur dans le filtrage de Kalman, mais est directement observable sur les signaux mesurés.

Reste alors à questionner la validité des mesures : on pourrait imaginer qu’un défaut de déphasage soit présent dans les différents traitements électroniques ou numériques des capteurs. Cependant, dans [53, 54], d’autres types d’expériences (auxquels nous avons par-ticipé pendant cette thèse en collaboration avec Vincent Fréour) ont été effectuées sur le banc de test avec d’autres types de capteurs pour étudier le couplage acoustique entre la cavité buccale, le résonateur et l’excitateur. Fréour conclut au même constat sur le dépha-sage des signaux. Or, dans cette étude, la position de la lèvre est captée par un émetteur infrarouge placé en fond de bouche et un récepteur placé dans l’embouchure (distinct du capteur optique de lèvre). Ceci laisse penser que le défaut de déphasage viendrait des

cap-6.6. Conclusion 185 teurs de pression, et non du capteur optique. Cependant, et après revérification, les capteurs de pression utilisés (et leur conditionnement) sont performants et parfaitement adaptés à une utilisation pour des fréquences acoustiques. Le déphasage constaté ne provient donc probablement pas d’une erreur de mesure.

En conclusion, les résultats de l’expérience (a) sont pertinents et mériteraient une ex-ploration plus approfondie. Nous cherchons donc une explication qui n’est pas dans les incertitudes, mais plutôt dans le fait que le modèle de la lèvre couplée au jet ne peut pas, pour les fréquences graves, être représenté par un modèle aussi simple. Une perspective est de représenter la lèvre par un modèle à plus de degrés de liberté. Cela a déjà été proposé dans le cadre des instruments de type cuivre[4], mais aussi pour les cordes vocales[92, 38]. Une idée qui nous semble particulièrement intéressante est de proposer un nouveau modèle de lèvre comme indiqué dans la conclusion de ce chapitre.

6.6 Conclusion

Ce chapitre examine l’adéquation et compare des signaux entre le banc de test et le modèle complet présenté dans cette thèse. Nous avons dans un premier temps présenté une approche pour l’estimation des paramètres du système. Cette approche, basée sur une mesure de la position de la lèvre, a donné des résultats pertinents qui nous ont permis de souligner une singularité observée sur le banc de test : pour les notes aiguës, le banc de test (avec une seule lèvre vibrante) aurait un fonctionnement typique transverse compatible avec notre modèle ; mais, pour les notes graves, il génère une auto-oscillation avec un fonc-tionnement qui ne correspond ni à un couplage transverse, ni à un couplage outward. Ce résultat nous amène à penser que le modèle de lèvre utilisé est trop simple pour expliquer le comportement de la machine. Pour la suite, pour aborder la question du contrôle, il devient préalable de construire un modèle avec plus de degrés de liberté. Pour combiner une faible dimension et le réalisme qui permette de générer les comportements analysés sur le robot, une perspective qui nous semble particulièrement intéressante est de modéliser la lèvre en plusieurs étapes :

(1) établir un modèle d’élastomère rempli d’eau contraint par l’embouchure en élément fini, suffisamment raffiné, éventuellement de grande dimension ;

(2) effectuer une réduction d’ordre par projection modale, ou en recourant à des modes non linéaires[85, 138] ;

(3) reformuler ce modèle réduit en systèmes hamiltoniens à ports (typiquement, avec trois modes).

Cette proposition a pour intérêt d’aboutir à un système passif, paramétré par quelques modes, modélisant à la fois le comportement du point de vue du matériau utilisé (compor-tement élastique, visqueux, massique) et de la géométrie du profil de lèvre.

Le modèle de lèvre raffiné ne sera pas compatible avec notre modèle de jet puisque celui-ci est basé sur une frontière mobile horizontale. Un modèle plus raffiné devra être construit comprenant une interface mobile suivant le profil de lèvre.

Le nouveau modèle de lèvre sera assez proche de la réalité pour permettre une mesure des paramètres physiques hors des expériences sur la machine (module d’Young du latex, épaisseur réelle, etc.). Il sera tout de même nécessaire d’estimer les paramètres géométriques, ce qui implique une mesure plus complète et plus précise (et donc plus compliquée) de la position de la lèvre (position selon tous les axes) pour permettre d’estimer les paramètres restants. Pour cela, en vue des difficultés rencontrées dans ce chapitre pour un modèle