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Comparaison scalaire passif/vorticit´e en turbulence

Apr`es avoir examin´e les observations atmosph´eriques et oc´eaniques, on peut s’int´eresser aux simulations de turbulence bidimensionnelle afin de comparer les cas-cades turbulentes de vorticit´e et de scalaire passif. Ces ´etudes permettent de faire des diagnostics quantitatifs des cascades `a travers l’´etude dans l’espace des nombres d’onde.

Babiano et al. (1987), Ohkitani (1991) ainsi qu’Oetzel et Vallis (1997) ont ´etudi´e les ´equilibres stationnaires de la vorticit´e et d’un scalaire passif. Le for¸cage sur les deux champs s’effectue `a la mˆeme longueur d’onde mais avec des sources d´ecorr´el´ees. Ces auteurs laissent leurs simulations s’´equilibrer pour obtenir un spectre stationnaire de vorticit´e et de scalaire passif.

Ohkitani (1991) et Oetzel et Vallis (1997) observent des spectres identiques de vorticit´e et de scalaire passif aux petites ´echelles. Babiano et al. (1987) ne peuvent observer un tel comportement `a cause d’une trop faible r´esolution spatiale (128×128) limitant fortement le domaine inertiel (communication personnelle). N´eanmoins, un filtrage des tourbillons permet d’observer des spectres de traceurs identiques aux petites ´echelles (Babiano et al. 1987). Le spectre obtenu dans ces diff´erentes ´etudes est proche de k−1, ce qui correspond aux spectres classiques des cascades directes d’enstrophie et de scalaire passif vers les petites ´echelles (Batchelor 1959, Kraichnan 1967, Batchelor 1969). Par contre, on observe une accumulation d’enstrophie aux grandes ´echelles sans accumulation de scalaire passif, accumulation que l’on peut associer `a la cascade inverse d’´energie absente pour le scalaire passif.

Un diagnostic int´eressant de la cascade est donn´e par les flux spectraux de tra-ceurs vers les petites ´echelles. La figure 3.9a montre ces flux moyenn´es temporellement dans la simulation d’Ohkitani (1991). On observe que le flux de variance de scalaire passif vers les petites ´echelles est ´egal aux flux d’enstrophie pour les grands nombres d’onde. Par contre, on observe des flux diff´erents en dessous de l’´echelle d’injection avec un flux d’enstrophie vers les grandes ´echelles. Si on examine les variances des flux (figure 3.9b), on note que le flux d’enstrophie poss`ede des fluctuations beaucoup plus importantes que le flux de variance de scalaire passif. Cela correspond `a un flux instantan´e d’enstrophie vers les grandes ´echelles `a l’´echelle des tourbillons comme Babiano et al. (1987) l’observent dans leur simulation.

Le fait que les flux de traceurs soient identiques `a petite ´echelle est consistant avec le chevauchement des spectres `a ces ´echelles. Par ailleurs, les diff´erences de spectres et de flux `a l’´echelle des tourbillons proviennent du rˆole des tourbillons qui ont tendance `a se prot´eger de la cascade d’enstrophie, c’est-`a-dire `a r´eduire l’intensit´e moyenne de la cascade directe : il y a une cascade d’enstrophie accrue quand les tourbillons sont filtr´es du champ turbulent (Babiano et al. 1987, McWilliams 1990a). Il semble donc que les tourbillons accumulent de l’enstrophie grˆace `a cette “cascade

Figure 3.9a : Figure 3.9b :

Figure 3.9 : (a) flux normalis´e d’enstrophie (trait continu) et de scalaire passif (tirets) en fonction du nombre d’onde. (b) variance du flux normalis´e d’enstrophie

(trait continu) et de scalaire passif (tirets) en fonction du nombre d’onde (tir´e d’Ohkitani (1991)).

inverse d’enstrophie” qui accompagne la cascade inverse d’´energie, ph´enom`ene que aussi observ´e par Basdevant et al. (1981).

Enfin, Babiano et al. (1987) et Ohkitani (1991) observent que les isolignes de vorticit´e (figure 3.10a) et de scalaire passif (figure 3.10b) ont des formes tr`es proches, en particulier pour l’isoligne de vorticit´e nulle (c’est-`a-dire l’isoligne qui concentre le moins d’enstrophie). Cette isoligne de vorticit´e nulle ne poss`ede pas d’enstrophie suffisante pour r´esister `a une quelconque d´eformation provoqu´ee par les tourbillons voisins. Bien que les structures pr´esentes dans les champs de vorticit´e et de scalaire passif aient une intensit´e diff´erente, elles poss`edent une forme analogue comme dans les observations oc´eaniques et atmosph´eriques.

L’image qui ressort de ces simulations est que la vorticit´e et le scalaire passif peuvent avoir des cascades diff´erentes `a cause de la pr´esence des tourbillons qui n’ont pas d’exacts analogues pour le scalaire passif. Par contre, les structures de vorticit´e qui ne font pas partie de ces tourbillons semblent r´eagir de fa¸con passive du point de vue de la cascade aussi bien dans l’espace spectral (flux et spectre) et que dans l’espace physique (ressemblance des isolignes).

On peut s’int´eresser `a un autre type de turbulence, avec une structure de grande ´echelle stable (c’est-`a-dire solution des ´equations d’Euler), par exemple sur le plan β, qui correspond `a un gradient moyen de PV. L’exemple que l’on peut envisager est un ´ecoulement dans un canal sur le plan β avec comme structures de base un jet qui m´eandre et deux gyres de recirculation. Pierrehumbert (1991) a ´etudi´e la cascade

Figure 3.10a : Figure 3.10b :

Figure 3.10 : isolignes de vorticit´e (figure a) et de scalaire passif (figure b) dans une simulation de turbulence 2D forc´ee (tir´e d’Ohkitani (1991)).

Figure 3.11a : Figure 3.11b :

Figure 3.11 : (a) section de Poincar´e pour un nuage de traceur passif dans un ´ecoulement dont la base est une onde progressive dans le rep`ere de l’onde perturb´ee

p´eriodiquement. (b) vorticit´e potentielle dans une simulation num´erique de turbulence dont la condition initiale est une onde progressive perturb´ee (on se place

d’un scalaire passif et de la vorticit´e potentielle dans un tel ´ecoulement (une onde progressive ´etudi´ee dans le rep`ere de l’onde ou “travelling wave”) avec une perturba-tion initiale de vorticit´e `a plus petite ´echelle. Il montre que la structure grande ´echelle de l’´ecoulement contrˆole le transfert de scalaire passif et de la perturbation de vorti-cit´e vers les petites ´echelles ; ces deux traceurs ont donc un m´elange analogue comme on peut l’observer sur les figures 3.11a et 3.11b. Ces deux traceurs se r´epandent dans tout l’´ecoulement de fa¸con non-locale dans l’espace physique et ´eliminent en-suite leurs inhomog´en´eit´es aux ´echelles de plus en plus petites. Un spectre en k−1

´emerge, ce qui est typique des cascades directes dans des ´ecoulement grande ´echelle (Pierrehumbert 1991).

Dans cet ´ecoulement, il faut distinguer le comportement de la vorticit´e petite ´echelle de celui de la vorticit´e grande ´echelle. En effet, la vorticit´e petite ´echelle (ou de perturbation) subit une cascade directe alors que la vorticit´e grande ´echelle r´esiste `a la cascade d’enstrophie. La vorticit´e de perturbation ne peut r´esister `a la cascade et former des tourbillons car elle subit une trop forte d´eformation produite par l’´ecoulement grande ´echelle. De plus, elle est “fossile” car elle rend tr`es rapide-ment toute son ´energie `a l’´ecoulerapide-ment grande ´echelle : elle repr´esente seulerapide-ment 1% de l’enstrophie totale mais elle concentre la dissipation d’enstrophie (Pierrehumbert 1991).

Held et al. (1995) ont ´etudi´e cet ´ecoulement dans le cas d’un autre traceur actif conserv´e de fa¸con lagrangienne : la temp´erature en dynamique quasi-g´eostrophique de surface. La fonction de courant est reli´ee `a la temp´erature dans l’espace des nombres d’onde par la relation

b

θ(k) = −|k| bψ(k) . L’´equation de la dynamique est simplement

tθ + J(ψ, θ) = 0 .

Dans ce mod`ele, le traceur est beaucoup plus actif que la vorticit´e de la turbulence bidimensionnelle car les filaments de traceur sont beaucoup plus sujets `a l’instabilit´e par enroulement que dans un mod`ele bidimensionnel classique. Cette instabilit´e a lieu mˆeme aux petites ´echelles. Cela vient du fait que c’est la temp´erature qui est conserv´ee le long des trajectoires lagrangiennes, ce qui implique que si l’´echelle spa-tiale L du filament diminue alors la vorticit´e ω ≈ θ/L augmente. Donc la d´eformation ext´erieure ne peut stabiliser ce filament comme dans le cas bidimensionnel. Bien que les filaments soient moins passifs qu’en deux dimensions, la disposition des r´egions de m´elange est encore contrˆol´ee par la g´eom´etrie des lignes de courant grande ´echelle avec un motif analogue `a celui de la vorticit´e en deux dimensions (Held et al. 1995). Ces simulations nous montrent que la nature active du traceur ne semble pas affecter outre mesure les processus de cascade vers les petites ´echelles tant que la structure qui cascade est `a une ´echelle spatiale bien plus faible que les structures qui contrˆolent cette cascade et qu’elle est d´eform´ee principalement par ces structures grande ´echelle.