• Aucun résultat trouvé

Comparaison avec les précédents sites de l’Elysée

A son arrivée à la Présidence de la République, Nicolas Sarkozy a adopté le même site

internet qu’utilisait Jacques Chirac.

La bannière était constituée par le drapeau tricolore, le drapeau de l’Union

Européenne et la façade de l’Elysée avec la garde républicaine. Sur elle étaient inscrits le

faisceau de licteur, symbole de la République, et le titre suivant : « Présidence de la

République, Liberté, Égalité, Fraternité ».

44

Dans la colonne figuraient, en haut, quelques vidéos « à la une » et, en bas, les

dépêches AFP sur l’actualité. Sur la colonne de gauche étaient listées toutes les rubriques : Le

président, La présidence, Actualités, Interventions, Salle de presse, Images, Audio-vidéo, Les

institutions, Les résidences, Les symboles de la République, Ecrire au Président, etc.

Capture d’écran du site de l’Elysée en temps de Chirac :

45

Cependant, l’utilisation de l’ancienne maquette du président Chirac n’était pas

vraiment en phase avec un programme politique « de rupture ». Nicolas Sarkozy a donc

demandé une refonte totale du site de la Présidence de la République à François de la Brosse,

le concepteur de son site de campagne à succès « sarkozy.fr ». Après cinq mois de travail, le

nouveau site a vu le jour, le 26 septembre 2007. Cependant, le résultat était plutôt décevant :

le nouveau site avait la même architecture et utilisait les mêmes outils (notamment une

WebTV) que le site de campagne.

Les signes plus institutionnels présentes dans la bannière de Chirac (le drapeau

tricolore, la façade de l'Elysée, le faisceau de licteur, etc.) avaient été remplacés par des

images de Nicolas Sarkozy.

Les comptes-rendus et les transcriptions des discours du président avaient été

remplacés par la « PR TV » qui devenait le centre du nouveau site. La PRTV diffusait une

multitude de chaînes vidéo : « Discours », « Au jour le jour », « Porte parole », « En France »,

« Dans le monde », etc.

Selon François de la Brosse, c’est pour des raisons d'économie que la maquette du site

de campagne de Nicolas Sarkozy avait été récupérée...

Certes, l’ancien site de l’Elysée avait besoin d’être rafraichi, car il n’avait pas évolué

depuis des années. Cependant, la nouvelle version n’était vraiment pas adaptée à un site

institutionnel du Président de la République. Dans la nouvelle version on voyait, par exemple,

environ cinq photos du Président à chaque page, dont celle de la bannière qui était issue de

l’affiche officielle de la campagne. Même les fichiers PDF retraçant l’histoire des anciens

présidents de la République Française avaient la photo de Nicolas Sarkozy en tête.

46

Capture d’écran de la version du site Elysée.fr mise en ligne le 26 septembre 2007 :

47

Comme il était prévisible, le nouveau site s’est révélé très vite incapable de répondre

aux exigences d’un site institutionnel. Il avait été conçu à l’origine comme un site de

campagne et il le restait. Or, les problématiques d’un site de campagne sont tout autres que

celle d’un site d’un Président en exercice. Le site de campagne n’était pas conçu pour durer, il

n’avait pas prévu une architecture adaptée pour archiver des documents à long terme, ni les

capacités techniques nécessaires. Un site de campagne est par définition un site éphémère qui

ne se soucie pas du « temps long ».

De plus, l’architecture du site a ensuite été multipliée plus d'une dizaine de fois par

l'agence de communication « ZNZ Groupe » de François de la Brosse. Le site de l’Elysée

avait donc la même maquette que des sites aussi divers que la présidence de Cameroun, la

PFUE, le Grand Paris, les Etats généraux de la presse, la Réforme constitutionnelle de 2009,

Orange, etc

24

. Malgré cela, le site est resté en ligne plus de deux ans.

Captures d’écran d’autres sites directement inspirés de Sarkozy.fr :

24

Source :

http://www.politique.net/2008110101-sarkozy-fr-une-web-tv-dupliquee-une-dizaine-de-fois.htm

48

Le nouveau site de l’Elysée marque une vraie rupture avec celui de François de la

Brosse. Comme l’ont remarqué quelques journalistes, avec la sortie du nouveau site « fini les

gadgets superflus, les contenus trop aléatoires, les informations difficiles à trouver, elysee.fr a

fait une cure de jouvence avec des innovations technologiques sobres pour les internautes »

25

.

L’importance de cette évolution tient à la conception même de communication par

Internet. Le site de François de la Brosse était fondé sur un pari : le futur d’internet est la

vidéo. Tout était centré là-dessus, et sur l’omniprésence du Président. Le résultat obtenu était

donc un site « court termiste » approprié pour une campagne.

La philosophie qui est derrière le nouveau site est tout autre : pour avoir une présence

à long terme et une crédibilité sur internet il faut soigner particulièrement les contenus écrits.

Car ce sont les textes qui permettent d’être indexés et bien classés dans un moteur de

recherche et ce sont les textes que les internautes épluchent en priorité quand ils sont à la

recherche d’une information particulière.

Voilà donc une première différence : alors que le site précédant se limitait à publier

des vidéos, le nouveau site s'organise désormais davantage comme un site d'information. La

« une » présente une série d’actions récentes du président ainsi que de grands sujets. Quand

on rentre sur une des actions, un page très complète explique clairement le contexte (à

gauche) et les conséquences (à droite) de l’action retracée par la vidéo (au centre). Les vidéos

25

49

sont ainsi mises en contexte grâce à des diaporamas, cartes dynamiques, infographies,

présentations interactives ou d’autres vidéos plus courtes. Les vidéos sont ainsi,

paradoxalement, très valorisées.

Auparavant, les vidéos étaient directement en page d’accueil et se lançaient

automatiquement sans autre explication que le titre. Maintenant, les vidéos se trouvent

entourées d’une « carte mentale » qui explique le contexte et les conséquences du

déplacement, ainsi que des liens vers la version écrite du discours, les photos du déplacement,

les communiqués associés, un bref reportage avec les extraits les plus marquants, etc. De plus,

comme il a été expliqué, un moteur de recherche permet aux internautes de rechercher -à

partir d'un mot clé- l'intégralité des vidéos dans lesquelles ce mot est prononcé, et de trouver

au sein de chaque vidéo le moment précis où ce mot est prononcé.

Du point de vue graphique, le changement a été flagrant. Le bleu de l'ancienne version

a été abandonné au profit d’un fond blanc, plus esthétique et aussi politiquement plus neutre.

Du point de vue graphique, le changement entre les deux sites a été flagrant. Le bleu

de l'ancienne version a été abandonné au profit d’un fond blanc, plus sobre et élégant, mais

aussi politiquement plus neutre.

Le nouveau site est redevenu, dans la forme, un site institutionnel. Les signes

institutionnels y ont fait leur retour. La bannière à l’effigie du Président a disparu au profit

d’un logo central (un faisceau de licteur épuré) entouré des mots : « Elysée. Présidence de la

République. Liberté, Egalité, Fraternité ».

Dans la section « la Présidence », la partie institutionnelle du site a été très soignée.

Tous les articles dédiés par exemple aux anciens présidents, aux institutions de la Cinquième

République et aux symboles de la République ont été refaits à neuf, avec des illustrations

50

abondantes et photographies d’archive. Dès son lancement la profondeur des contenus sur le

nouveau site avait été triplée (de 2000 pages à 7000 pages).

Une autre évolution importante du nouveau site est l’introduction des outils 2.0 :

Facebook, Twitter, FlickR, Dalymotion et bientôt Youtube.

Ces outils ne sont pas de simples « gadgets » pour rajeunir l’image du site. Comme il

était dit en première partie, le web est devenu social et il est désormais impossible de

communiquer efficacement sur internet sans se servir correctement de ces outils. Il faut savoir

saisir à temps les nouveaux enjeux qui sont, par exemple, la bonne organisation et

hiérarchisation de la surinformation, l’interactivité et la participation active des internautes.

Dans un univers virtuel où les internautes trouvent tout ce qu’ils veulent et vont

seulement là où ils veulent, il est devenu très difficile d’attirer des nouveaux lecteurs. Un

moyen d’attirer des lecteurs est de créer artificiellement un « buzz ». Cependant, cette

technique serait très risquée, car elle peut se retourner contre les intérêts de la Présidence ; elle

n’est pas très adaptée à la « dignité présidentielle » et a besoin d’une certaine bienveillance de

l’audience, assez rare envers le président.

51

Un autre moyen d’attirer de l’audience est d’utiliser les réseaux sociaux. Au lieu de

convaincre les internautes de visiter le site de l’Elysée, il s’agit d’aller là où se trouvent les

internautes : Facebook, Twitter, etc. Comme le disait le Rapport Terra Nova sur la campagne

présidentielle de Etats-Unis, il ne faut pas attendre que les supporteurs viennent à la

campagne, il faut aller vers eux « go where the people are » et baisser au maximum les

barrières à l’entrée26. Avec la communication présidentielle il en est de même.

Aujourd’hui, on assiste à « une implication personnelle flexible et limitée, par

opposition à l’engagement idéologique, permanent et organisé, voire sacrificiel, que

l’adhésion à un parti représentait traditionnellement »

27

. Internet et les réseaux sociaux

fournissent un outil adapté à cet activisme politique « du moindre effort »

28

. « Sur Facebook,

il suffit d’un clic pour se désaffilier et quitter la Fan Page d’un candidat. Le même clic

permettra sur Twitter, de suivre ou non les «gazouillis» d’élus. Ces logiques d’appartenances

se rapprochent de comportements propres à la consommation et annoncent la transformation

du citoyen engagé en consommateur critique, voire «pas content». Un droit de regard

permanent qui s’apparente au concept de «sous-veillance», néologisme soulignant son

caractère bottom-up, à l’inverse de la «sur-veillance»: le regard d’en haut; top down »

29

.

On dit souvent que le contact direct reste la forme plus ancienne et efficace de

communication politique, surtout quand on peut faire perdurer la rencontre avec une trace

concrète (tract, programme, photo). A travers les réseaux sociaux, les hommes politiques

peuvent faire, quelque part et toute proportion gardée, des visites sur les lieux de vie et de

travail des internautes. Même si elle ne remplace pas les contacts directs (sur un marché, un

« porte à porte » ou un meeting), la présence sur les réseaux sociaux peut être très bénéfique

pour les hommes politiques, le Président de la République en tête, et donner une impression

de proximité avec les internautes.

26

Rapport Terra Nova, voir bibliographie.

27

Thierry Vedel. « La révolution ne sera plus télévisée.Internet, information et démocratie »,

http://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2006-4-page-41.htm

28

Cf. Stanislas Magniant, netpolitique.net.

29

Nicolas Baygert « En Belgique, la colère blanche », Slate.fr,

52

Au regard de tous ces éléments, il nous semble que nous pouvons confirmer notre

première hypothèse formulée en introduction : les innovations structurales apportées par le

nouveau site (et ses « satellites ») sont d’une telle ampleur que nous pouvons parler d’une

vraie rupture avec les anciens sites.

Nous pourrions néanmoins nuancer en disant que la rupture est un peu moins évidente

par rapport au site Chirac, car se retrouvent plusieurs éléments communs : graphisme plutôt

sobre, éléments institutionnels, place importante des actualités. Cependant, nous pouvons

dire, en confirmant notre hypothèse de départ, que le traitement des informations dans le

nouveau site est très différent (le site Chirac se limitait à publier les dépêches AFP) et que les

innovations technologiques sont telles que les deux sites n’ont plus grand chose en commun.

Documents relatifs