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En parlant de l’enseignement du français toutes visées confondues, Vigner (2003 :

53) distingue deux grandes familles d’objectifs que nous pouvons extrapoler à la

communication en général :

- La transmission, qui a pour objectif de « pouvoir élargir le champ d’expérience

culturelle, dans le temps et/ou dans l’espace », et

- La communication visant l’échange, lorsque l’objectif principal est de comprendre

les autres et de se faire comprendre des autres.

Certes, toute communication implique une transmission de savoirs et d’information,

qui est par définition porteuse de messages, y compris culturels et sociaux. Mais, comme

cet auteur le précise, communiquer

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revient à faire circuler des messages dans un moment donné, dans des espaces éventuellement distincts (espaces sociaux, espaces géographiques par exemple). Par la communication, on veut installer des continuités entre locuteurs, au-delà des distinctions culturelles qui traversent ordinairement les groupes humains. (Vigner, 2003 : 49).

La différence entre la transmission de savoirs stricto sensu et une communication

ordinaire tient selon lui à ce que la première peut passer par l’écriture, puisqu’elle n’a pas

forcément besoin ni de locuteurs ni d’acte de communication

51

. Une telle transmission

d’informations, et surtout de connaissances, s’avère sans doute nécessaire pour élargir le

champ d’expérience culturelle chez l’apprenant, mais en dehors de l’acte de

communication, elle ne mobilise pas forcément la compétence de communication que nous

allons essayer de cerner à présent. Selon Vigner (2003) on peut donc transmettre :

a) une expérience du monde (fiction, témoignage) de manière figurative/sensible :

- par la découverte/appropriation de codes esthétiques propres (théâtre et cinéma,

récit dans ses formes les plus variées, univers poétique, etc.) ;

- par la représentation de modèles d’action, définis par des conduites, des attitudes

ou de normes de valeur ;

- par la mémorisation de scénarios-types, de schémas narratifs canoniques ;

- par la représentation de figures, de types (héros et personnages divers) ;

- par la représentation de parcours passionnels ;

b) des savoirs selon les codes propres à l’organisation d’une discipline dans un univers

social et intellectuel donné (discours non figuratif) ;

c) des points de vue, des jugements ou des valeurs.

Mais cette transmission mobilisera des ressources intellectuelles et un apprentissage qui

n’ont pas besoin de l’interaction sociale pour exister.

51 C’est dans cette perspective que Vigner (2003 : 51) appelle langues classiques les langues qui, comme le latin, le grec ancien ou l’arabe littéral, se limitent à la transmission d’un savoir et de connaissances en dehors de toute fonction d’échange social. Ces langues sont en effet enseignées « dans une perspective de pure transmission culturelle », même si on pourrait objecter à cette distinction que toute langue enseignée à des fins culturelles —un cours de français dispensé en Allemagne qui ne servirait pas à transmettre des savoir-faire aux apprenants— devient classique, du moins d’un point de vue fonctionnel. Ainsi, à l’exception des langues qui ne sont plus parlées et qui ont par conséquent un incontestable statut de langues classiques où qu’elles soient enseignées, le clivage en question s’avère en partie contextuel. Pour preuve : l’arabe littéral enseigné en France peut être considérée comme une langue classique, mais pas en Iran, où cette langue a une utilité dans les pratiques religieuses et donc sociales.

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2.3.1. La compétence de communication

Bien au-delà de la simple transmission, la communication est un processus

extrêmement complexe qui varie en fonction des acteurs sociaux et de leurs objectifs,

objectifs qui peuvent aller du plus simple au plus élaboré (on peut par exemple

communiquer pour communiquer, uniquement à des fins de socialisation). En outre, nous

l’avons déjà évoqué, toute communication, y compris la plus fonctionnelle, est porteuse de

contenus culturels « par la façon de ritualiser l’échange » (Vigner, 2003 : 52) : les

catégories qui régissent l’échange conversationnel varient d’une culture à l’autre et doivent

être partagées par les deux interlocuteurs, si l’on souhaite éviter les malentendus et pouvoir

interpréter correctement les messages

52

. Mais ce n’est pas tout, car dans la nature de cet

acte complexe fait « de négociations et d’interactions, où les attitudes, les intérêts, les

représentations des locuteurs interviennent (…) et lui donnent sa forme propre » (Vigner,

2003 : 50). Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECR, 2001 :

15) répertorie un total de quatre dimensions différentes engagées :

1- Les compétences généralesdes interlocuteurs, c’est-à-dire celles auxquelles on fait

appel pour des activités de toute sorte et qui, sans forcément avoir trait au langage,

comprennent les compétences langagières aussi.

2- Le processus langagier, qui renvoie à la suite des événements neurologiques et

physiologiques participant à la réception et à la production d’écrit et d’oral.

3- Les activités langagières mettant en œuvre la compétence à communiquer

langagièrement dans un domaine déterminé, surtout lorsque la langue dans laquelle

se produit l’échange est une langue étrangère au moins pour l’un des interlocuteurs.

4- Le contexte, qui renvoie à la multitude des événements et des paramètres de la

situation (physiques, psychiques ou autres) déterminés par les interlocuteurs, mais

aussi extérieurs à eux, dans laquelle s’inscrivent les actes de communication.

Paramétrée donc par une longue série de données à prendre en compte (nous citerons

par exemple le caractère identifié/non identifié des interlocuteurs ; le cadre d’une relation

formelle ou pas et l’utilisation d’un registre approprié à l’interlocuteur ou à l’effet attendu ;

le code de la langue et les normes d’usage ; les besoins d’information de l’interlocuteur et

52 En effet, « toute interaction entre personnes de langues et de cultures différentes peut être l’occasion de malentendus, voire de ruptures dues à l’intervention de valeurs, d’implicites conversationnels ou de paramètres socio-linguistiques différents selon les cultures d’appartenance des individus » (Auger & Louis, 2009 : 103).

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le degré d’exactitude et de précision nécessaires ; la sélection des informations pertinentes ;

ou la variété d’objectifs allant de demander ou dire de faire à représenter ou rapporter un

événement et expliquer/comprendre un évènement, une conduite ou une attitude, en passant

par négocier, faire part d’un point de vue, faire partager un sentiment ou acquérir des

connaissances et des savoir-faire...) c’est par conséquent le déploiement d’une véritable

« compétence » que l’acte de communication va exiger

53

.

En effet, la compétence de communication relève aussi bien de l’inné que du

construit et elle est par conséquent un objet bien identifié dans la didactique des langues,

surtout étrangères, depuis longtemps

54

. Cette compétence à communiquer langagièrement

est d’ailleurs considérée dans la discipline comme englobant plusieurs composantes ou

sous-compétences (linguistique, sociolinguistique et pragmatique), composantes qui

mobilisent à leur tour un ensemble de savoirs, d’habiletés et de savoir-faire. Selon le CECR

(2001 : 17) :

- la compétence linguistique mobilise ainsi « savoirs et savoir-faire relatifs au lexique,

à la phonétique, à la syntaxe et aux autres dimensions du système d’une langue, pris

en tant que tel, indépendamment de la valeur sociolinguistique de ses variations et

des fonctions pragmatiques de ses réalisations »,

- la compétence sociolinguistique :

renvoie aux paramètres socioculturels de l’utilisation de la langue. Sensible aux normes sociales (règles d’adresse et de politesse, régulation des rapports entre générations, sexes, statuts, groupes sociaux, codification par le langage de nombre de rituels fondamentaux dans le fonctionnement d’une communauté), la composante sociolinguistique affecte fortement toute communication langagière entre représentants de cultures différentes, même si c’est souvent à l’insu des participants eux-mêmes. (CECR, 2001 : 18).

- et la compétence pragmatique « recouvre l’utilisation fonctionnelle des ressources

de la langue » (CECR, 2001 : 18), c’est-à-dire la réalisation de la fonction langagière

et des actes de parole, et « renvoie également à la maîtrise du discours, à sa cohésion

53 Rappelons à ce propos que Dumortier (2003 : 40) décrit la notion de compétence comme « un ensemble de moyens propres à la résolution des problèmes posés par une situation particulière » et que, toujours autour des échanges communicationnels réussis, Manço (2003 : 139-140) insiste aussi sur l’idée d’ « être capable de » en citant des notions proches de celle de compétence telles que habilité, aptitude, capacité, disposition, dons, pouvoir, maîtrise, qualité, faculté, talent, adresse, potentialité, etc. L’approche cognitive en psychologie distingue quant à elle deux grandes catégories dans cet ensemble de notions :

- Les facultés et qualités innées : les aptitudes, les dons, les talents, les dispositions, etc., et

- Les habilités et les capacités, c’est-à-dire les pouvoirs essentiellement construits, maîtrisés et exercés dans un milieu plus ou moins favorable, qui font l’objet d’apprentissage, d’appropriation et de transmission (éventuellement d’évaluation aussi).

54 « La langue n'est pas seulement objet d'étude mais surtout outil de communication, fonctionnant dans le réel de l'échange », rappelle Bourguignon (1998 : 139).

81

et à sa cohérence, au repérage des types et genres textuels, des effets d’ironie, de

parodie ».

L’approche de la compétence de communication est donc parfaitement

consensuelle dans les domaines de la didactique des langues et de la sociolinguistique :

Abdallah-Pretceille & Porcher (1996 : 55-56) la définissent comme « le degré de la

capacité pour un individu d’adapter la forme linguistique de son discours aux différentes

situations communicatives », et Moirand (1982 : 15-16) explique à son tour que la

compétence de communication relève de facteurs cognitifs, psychologiques et

socioculturels dépendant étroitement de la structure sociale dans laquelle vit l’individu, de

sorte qu’elle repose « non seulement sur une compétence linguistique (la connaissance des

règles grammaticales du système), mais aussi sur une compétence psycho-socio-culturelle

(la connaissance des règles d’emploi et la capacité de les utiliser) ». Le développement de

cette compétence de communication, constate Lemeunier-Quere (2005 : 49) pour finir :

repose sur l’acquisition d’une compétence grammaticale (en utilisant une règle et non en écoutant sa description) dans le respect des règles socioculturelles et discursives et sur une compétence stratégique/pragmatique (adaptation aux situations interpersonnelles et événements imprévus).

2.3.2. La compétence culturelle

Parallèlement à la maîtrise des compétences linguistiques, l’apprenant de langue

étrangère devra donc développer aussi une aptitude qui relève de la sociolinguistique et

que la didactique de langues a fini par formaliser comme compétence culturelle. Pour

Lussier (2009 : 147), non seulement elle englobe les acceptions, savante et

anthropologique, du culturel :

La compétence culturelle se définit à l'intérieur d'une même société. Elle regroupe les éléments de la culture liée à la mémoire collective touchant la culture avec un grand « C », objet de la civilisation d'une nation, référence aux composantes arts, littérature, musique et peinture, et les éléments de la vie quotidienne d'une nation associée à la culture avec un petit « c ».

Elle se déploie aussi sur deux sphères distinctes dont la somme détermine toute sa

portée. Ainsi,

la compétence culturelle « individuelle » porte sur l'accomplissement intellectuel, social et spirituel d'une personne, sa prise de conscience de soi et du monde et sa faculté d'intégrer les éléments qui caractérisent la communauté dans

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laquelle elle évolue sans perdre sa propre identité. La compétence « sociétale » se rapporte à un ensemble des rapports symboliques (manière de voir, de percevoir, de penser, de s'exprimer en lien avec les phénomènes sociaux : religieux, moraux, esthétiques, etc.) qui expliquent les relations propres à une communauté ou à une société humaine.

(

Lussier, 2009 : 147).

Zarate (1989 : 20) définit, en revanche, cette compétence d’une manière un peu plus

complexe, dans une sorte de double échelle de fonctionnement, comme :

un ensemble d’aptitudes permettant d’expliciter les réseaux de signification implicites, à partir desquelles se mesure l’appartenance à une communauté culturelle donnée […]. La compétence culturelle n’est donc pas la capacité à produire des connaissances, mais à se distancier par rapport aux discours dominants produits sur une culture donnée […] la compétence culturelle ne relève pas d’une culture étrangère ou maternelle, mais d’aptitudes à interpréter qui ne sont pas strictement corrélées à un ensemble culturel précis.

Au vu de ces définitions, nous comprenons mieux maintenant, pourquoi ni le savoir

linguistique ni les connaissances d’une culture savante ne suffisent à elles seules à prémunir

les apprenants face à des situations d’échec et d’incompétence communicationnelle

rencontrées en contexte d’immersion. En effet, il n’est pas réaliste de croire que l’on peut

interagir socialement en langue étrangère avant d’avoir vu/écouté, puis saisi et intégré un

certain nombre de données propres à la culture de la communauté et de la langue ciblés par

l’apprentissage. Ce savoir socioculturel est d’ailleurs l’un des aspects de la connaissance

du monde qui va s’avérer vital une fois sur place pour réussir la communication avec les

interlocuteurs autochtones. Et pourtant non seulement il fait souvent défaut, mais il est

encore déformé par les propres stéréotypes culturels de l’apprenant. C’est pourquoi tout

devrait être fait dans l’accompagnement en amont et en aval de la mobilité pour faciliter la

connaissance, la conscience et la compréhension des relations (ressemblances et

différences distinctives) entre « le monde d’où l’on vient » et « le monde de la communauté

cible ».

En fin de compte, l’apprenant a certes besoin de savoirs linguistiques normatifs,

mais les savoirs culturels correctement intégrés sont tout aussi indispensables, car, insiste

Porcher (1996 : 5), « la communication en langue étrangère ne se réduit nullement à une

quelconque maîtrise linguistico-linguistique étroite, et celle-ci ne sert presque à rien si elle

ne s'accompagne pas de compétence culturelle et interculturelle ». Or pour que ces savoirs

puissent mener à l’acte de communication, et plus précisément à la communication

interculturelle, ils doivent être approchés sous la forme de savoir-faire, être et vivre,

c’est-à-dire d’actions.

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2.3.3. Savoir-faire, savoir-être et savoir apprendre

Il est sans doute utile de distinguer à ce stade cet autre type de savoirs relevant du

domaine cognitif —les savoirs ou connaissances déclaratives acquises comme résultat de

l’expérience sociale (savoirs empiriques) ou d’un apprentissage plus formel (savoirs

académiques)— d’un autre ordre de savoirs qui englobant les savoir-faire et savoir-être,

ainsi que les savoir-apprendre et qui, à la différence du savoir socioculturel, renvoient aux

compétences générales individuelles des apprenants en situation de communication. La

notion de connaissances, longtemps cantonnée aux contenus, a été élargie aux savoir-faire

désormais : « À la tête bien pleine se pose la tête bien faite et, schématiquement, on peut

dire que si connaissance rime avec mémoire, savoir-faire rime avec intelligence » (Robert

et al., 2011 : 78). Ainsi, les habiletés et savoir-faire se situent au niveau de l’application

des connaissances et de l’utilisation courante de la langue, car ils permettent aux apprenants

de « fonctionner dans la langue cible, linguistiquement parlant » (Lussier, 2009 : 148). Ils

relèvent par conséquent de la maîtrise procédurale plutôt que de la connaissance

déclarative, même si cette maîtrise a pu nécessiter, dans l’apprentissage préalable, la mise

en place de savoirs ensuite « oubliables » et s’accompagne de formes de savoir-être. Les

savoir-êtreà leur tour sont à considérer comme des dispositions individuelles, des traits de

personnalité, des dispositifs d’attitudes qui touchent, par exemple, à l’image de soi et des

autres, au caractère introverti ou extraverti manifesté dans l’interaction sociale. On ne pose

pas ces savoir-être comme des attributs permanents d’une personne étant donné qu’ils

renvoient aux domaines affectif et psychologique et qu’ils sont sujets à des variations plus

au moins intenses en fonction des apprenants et des heurts que l’acculturation leur aura

infligés. Les savoir-apprendre, enfin, mobilisent tout à la fois des savoir-être, des savoirs

et des savoir-faire et s’appuient sur des compétences de différents types. En la circonstance,

ce « savoir-apprendre » peut aussi être explicité comme « savoir/être disposé à découvrir

l’autre », que cet Autre soit une autre langue, une autre culture, d’autres personnes ou des

connaissances nouvelles… En réalité, et ceci est fondamental, au-delà de permettre à

l’apprenant de langue étrangère de communiquer et d’interagir avec des natifs de cette

langue tous ces savoirs contribuent à le transformer en acteur social. Colletta (1998 : 101)

formulera cette idée très clairement : « l'apprenant de LE, tout comme d'ailleurs l'apprenant

de FLE, n'est pas à considérer seulement comme interlocuteur en devenir d'une langue

cible, mais également comme un acteur social en devenir d’une société cible ». Dans le

même ordre d’idées, enfin, dans la perspective actionnelle de l’enseignement des langues

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étrangères qui est celle du Cadre, le terme agir sera désormais associé à celui de

communiquer : « Les compétences sont l’ensemble des connaissances, des habilités et des

dispositions qui permettent d’agir », pourra-t-on y lire en ce sens (CECR, 2001 : 15). Ces

savoirs deviennent ainsi des savoir-action et, par là même, des savoir-communication

(linguistique et culturelle).

2.3.4. La compétence plurilingue ou de communication interculturelle

Si « dans une situation linguistiquement et culturellement hétérogène,

l'accomplissement des tâches interactionnelles entre mobiles et groupe d'accueil demande

des stratégies de coopération et d'intercompréhension spécifiques ainsi qu'un effort

communicatif commun et soutenu » (Perrefort, 2008 : 66), c’est parce que l’expérience

s’accompagne nécessairement d'une approche analytique visant à comparer les données

culturelles du pays d'accueil avec celles du pays d'origine dans un double mouvement.

Cette comparaison permettrait tout d’abord d’atteindre une compréhension conceptuelle,

de l'intérieur, du modèle culturel et, ensuite, d’appréhender autrement, en miroir, les

particularités de son pays d'origine ainsi que ses propres réactions. Il devient dès lors

possible d’établir des relations en termes de différence et de similitude culturelle ou de

revenir sur son ressenti initial, ce qui permettrait à terme « d'adopter un point de vue externe

sur soi pendant qu’on interagit avec d'autres pour analyser puis adapter, quand cela s'avère

nécessaire, ce propre comportement, voire les croyances ou les valeurs qui sous-tendent ce

comportement » (Foucart et al., 2008 : 256). Cette capacité d’adopter le rôle

d'intermédiaire, de médiateur entre deux contextes culturels différents ou, dans les mots

d’Anquetil (2008 : 244), d’ « observer, participer au sens de l'autre, avec une réflexion sur

l'observation participante », relève de la compétence plurilingue et pluriculturelle ou

interculturelle. Grâce à celle-ci, bref, « les identités, y compris les identités dites

culturelles, ne se définissent plus dans une perspective d'identification et de catégorisation,

mais dans un permanent jeu de miroirs » (Abdallah-Pretceille, 2008 : 220).

Si d’après Zarate (2002 : 12) la compétence interculturelle se construit de façon

générale « dans la mise en relation de langues et de cultures, auprès d'acteurs sociaux qui

les perçoivent comme distinctes », il faut en effet insister sur le fait qu’elle ne le fait pas

uniquement sur la base des différences. Certes, son but principal est de prévenir,

d’identifier et de réguler les malentendus et difficultés de la communication dus à « des

décalages de schèmes interprétatifs, voire à des préjugés (stéréotypes, etc.) » (Blanchet,

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2004 : 6) pouvant garantir une meilleure compréhension mutuelle. Mais elle se définit

aussi par « l'apport à l'épanouissement d'une personne qui favorise les contacts et les

échanges avec différentes cultures à l'intérieur d'une même société ou de sociétés

différentes et capables d'apprécier et d'évoluer dans cette diversité » (Lussier, 2009 : 147).

Dès lors que cette compétence impose selon Byram (2003 : 14) « de modifier la

perception de soi et de l’autre, la perception de notre univers de socialisation et des univers

que nous fait côtoyer l’apprentissage des langues », il n’est pas surprenant que la

psychosociologie s’y soit également intéressée

55

. Et pour cause, puisque toute

communication entre individus appartenant à deux groupes sociaux distincts —même si

ceux-ci partagent un même code linguistique— relève déjà du culturel. Alors que la

compétence linguistique englobait un certain nombre de sous-compétences grammaticales

ou lexicales, par exemple, et que la compétence communicative est placée à un rang

supérieur, car elle inclut non seulement les compétences linguistiques mais aussi les

compétences sociolinguistiques, pragmalinguistique et extralinguistique, la compétence

interculturelle les englobe toutes pour permettre la communication langagière et

l’interaction culturelle d’un locuteur non natif devenu ou en passe de devenir acteur

social

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. Cette compétence interculturelle mobilise par conséquent savoirs, savoir-faire,

savoir-être et savoir-vivre d’une façon qui rappelle la définition du bilinguisme faite par

le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECR, 2001 : 129) et qui

associe le fait d’être bilingue à celui de pouvoir parler et agir culturellement en deux

langues dans les situations de communication comme il suit :

On désignera par compétence plurilingue et pluriculturelle, la compétence à