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3.1. La classe de FLE plurilingue en milieu homoglotte

3.1.2. La classe comme lieu de médiation et le rôle de l’enseignant comme

Depuis quelques années, une sensibilité croissante commence à s’imposer au sujet

de l’enjeu interculturel en classe de langue qui, débordant le cadre de la simple réflexion

théorique, se traduit en des propositions didactiques concrètes. Celle de Robert et al.

(2011 : 41) nous semble intéressante comme point de départ à notre réflexion. Voici ses dix

commandements pour l'enseignant du FLE :

• Tu adhéreras à une philosophie de l'enseignement ;

• Tu évalueras les besoins de tes apprenants, notamment dans l'avenir, et tu te

donneras, en conséquence, des objectifs précis, si possible en accord avec eux ;

• Tu considéreras l'apprenant comme un citoyen en devenir, soucieux de s'intégrer

dans la société où la langue étrangère est pratiquée ;

• Tu apprendras à l'apprenant à utiliser toutes ses ressources personnelles et tu les

aideras à se doter de véritables stratégies pour réaliser des tâches ;

• Tu doteras l'apprenant de compétences langagières et culturelles grâce aux activités

que tu lui proposeras en compréhension, production, interaction et médiation.

• Tu devras tout mettre en œuvre pour faciliter l'autonomie de l'apprenant et tu

favoriseras son auto-apprentissage ;

• Si c'est pertinent dans ton contexte d'enseignement/apprentissage, tu t'approprieras

le CECR et tu ne te limiteras pas à la connaissance des niveaux et des échelles ;

• Si c'est approprié à ton contexte d'enseignement/apprentissage tu baseras ton

enseignement sur l'approche actionnelle qui voit dans l'apprenant un acteur social

en lui proposant de véritables tâches dans des contextes variés, professionnels et

privés (se présenter, téléphoner pour prendre un rendez-vous, lire une notice

d'utilisation, rédiger un courriel, un article, etc.).

131

• Tu auras une vision positive de l'apprenant en utilisant ses erreurs comme moteur

de l'apprentissage et en évitant de parler de fautes ;

• Tu auras une vision globale de l'enseignement des langues vivantes, dans lequel

s'inscrit celui du FLE et tu privilégieras le pluriculturalisme pour forger le citoyen

de demain, un démocrate polyglotte, épris de liberté, tolérant, respectueux de toutes

les coutumes et toutes les religions.

En réalité, on reconnaît aisément dans ces commandements les défis que la

didactique du FLE envisage déjà ou se dit devoir envisager encore plus largement vis-à-vis

des classes multilingues et multiculturelles. À savoir :

- Prendre en compte les langues d’origine des apprenants dans une optique de

valorisation qui ne les considère pas comme un handicap, mais plutôt comme une

ressource et une richesse ;

- Sensibiliser les apprenants sur la construction identitaire et le rôle des langues

d’origine et étrangère dans cette construction afin de favoriser une meilleure

compréhension de l’Autre aussi bien que de soi-même, et ce dans le but de diminuer

les malentendus et les difficultés de communication identitaire ;

- Élaborer des manuels scolaires qui prennent en compte l’interculturel comme un

élément essentiel dans la didactique des langues étrangères. Par le guide didactique

destiné à l’enseignant, ces manuels devraient mettre l’accent sur l’importance d’un

enseignement interculturel de la langue ainsi que des principales compétences de

communication interculturelle à développer ;

- S’intéresser à la formation, disciplinaire et continue, des enseignants à l’interculturel

en valorisant des formations sur les langues-cultures afin de favoriser une meilleure

interaction avec les apprenants en classe de langue. Cette formation des enseignants

de FLE à l’interculturel devrait favoriser la préparation de cours à contenu

linguistico-culturel, ainsi que la réflexion sur les stratégies destinées à mieux gérer

une classe multilingue et multiculturelle. Comme nous l’avons déjà signalé, une telle

préparation face au défi d’un tel public a un impact direct sur la motivation des

apprenants, car elle permet de proposer une démarche pédagogique et des outils

didactiques à la hauteur des besoins et des attentes de ce public

88

.

88 La formation traditionnelle des professeurs de langues étrangères en général, et surtout celle des professeurs de français, visait principalement selon Díaz-Corralejo (2009 : 19) la connaissance formelle de la langue, autrement dit, la compétence linguistique : la morphologie, la syntaxe, la phonologie, et la phonétique ; la compétence référentielle : les champs lexicaux et les notions, et la compétence littéraire. « On oubliait » la

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La communication didactique en langue étrangère ne doit plus avoir comme but

principal —et moins encore exclusif— la compétence linguistique, conclut-on dans un

consens général. Mais, la nécessité d’une formation des enseignants de langue à

l’interculturel a beau être largement reconnue, ne faut-il pas encore considérer la spécificité

des classes en milieu homoglotte ? Lorsque la classe de FLE se déroule dans ce contexte,

ne doit-elle pas faire le lien et servir d’interface avec les expériences et l’apprentissage qui

ont lieu en dehors de ses murs ? L’enseignant ne doit-il pas, plus que jamais, assumer le

rôle d’un facilitateur culturel ? En effet, dans cette situation d’immersion où les apprenants

doivent solliciter très vite leur compétence interculturelle afin de : se connaître soi-même

et connaître l'Autre (connaissances factuelles) ; comparer et contraster la culture maternelle

et la culture étrangère (former des cadres de références sur la base de l'information et de la

connaissance reçues) ; formuler des perceptions et des hypothèses culturelles valides ; et

ajuster, adapter, assimiler ou rejeter ces hypothèses (Dubreil, 2009 : 177)… l’enjeu

interculturel est clairement au centre de la communication. C’est pourquoi lors d’un

échange avec des interlocuteurs autochtones, l’erreur grammaticale ou de prononciation

peut être facilement tolérée, alors qu’un malentendu passe mal et qu’il est difficile de

reprendre la conversation dans une bonne ambiance après. Dans ce type d’interactions

sociales qui font le quotidien des apprenants en immersion linguistique et culturelle, les

malentendus touchent à la personne sur un plan émotionnel, là où la compétence

linguistique de l’interlocuteur ne le fait pas.

L’adaptation des objectifs du cours en contexte homoglotte

d’enseignement/apprentissage aux besoins et attentes spécifiques des apprenants étrangers

comporte de fait quelques spécificités, à commencer par le traitement des compétences

linguistiques. Certes toutes méthodes de FLE « s’inscrivent dans une didactique qui donne

compétence socioculturelle, la compétence stratégique, la compétence pragmatique et la compétence pratique du langage ». Les professeurs d’une certaine génération se trouvent donc aujourd’hui face à un passif de formation qui influence leur enseignement de la langue étrangère. Toujours selon Díaz-Corralejo, la formation à la didactique des langues-cultures serait considérée comme un article de luxe, même si on est conscient que ces savoirs seront très importants « pour pouvoir organiser une vie productive, pour devenir autonome, et être capable de profiter de toutes les opportunités » (Díaz-Corralejo, 2009, 27). Il faudrait par conséquent prendre ces derniers en compte dans la formulation des programmes de formation initiale et continue d'enseignants de FLE. Toujours afin de mieux cibler et préparer la formation continue à l’interculturel dans la didactique de FLE, Andrade & Araújo e Sá (1998 : 82) proposent à leur tour une réflexion en amont sur ces points dans le parcours de l’enseignant pour en tirer les orientations les plus adaptées et nécessaires :

- les expériences de formation auxquelles ils ont participé ; - leurs traits de personnalité et leur expérience de vie ;

- l'intelligence pédagogique où didactique qu'ils ont développée et leur parcours professionnel ; - leur représentation du langage verbal en général et de la LE en particulier ; et

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la priorité à la fonctionnalité communicative de la langue en privilégiant la communication

orale » (Davin-Chnan, 2003 : 79-80). Mais les chercheurs qui se sont penchés sur la

question estiment que les apprenants de FLE en milieu hétéroglotte font plus de

compréhension écrite et orale (CE et CO) que d’expression (EE et EO) ; déséquilibre que

Duda (2003 : 121) traduit dans ce diagramme :

Figure 5 – La part des 4 compétences en milieu d’apprentissage hétéroglotte, (Duda, 2003 : 121)

En milieu homoglotte, en revanche, la pratique didactique des quatre compétences

tend à s’équilibrer sous la pression du contexte, avec une part presque équivalente pour les

deux compétences orales (CO et EO) au détriment sans doute de la compréhension écrite.

Logiquement, l’expression orale devient un objectif prioritaire pour ces apprenants en

situation d’immersion, qui évaluent la plupart de fois le niveau de maîtrise qu’ils estiment

avoir acquis en français principalement à partir de leur expression orale et, de manière plus

générale, de leur capacité de communication à l’oral.

D’autre part, le rapport langue/culture, c’est-à-dire « l’ossature qui a permis de

théoriser la dimension culturelle du Français Langue Étrangère » (Zarate, 2005 : 16), a

beau avoir été transformé dans les manuels de FLE dans le sens que soulignent certains

auteurs :

Dans le Cadre, la dimension sociale de la communication imprègne l’ensemble des descriptions didactiques, ce qui modifie le rapport ancillaire de la dimension culturelle avec « linguistique appliquée ». La culture n’est plus seconde quand elle se confond presque totalement avec les emplois du terme « société ». De plus en plus, il ne s’agit pas tout simplement de montrer la culture étrangère (et parfois la super-valoriser), mais d’essayer de trouver un équilibre en valorisant les différences et la richesse rendues possibles par l’échange culturel. Aux « thèmes » qui organisaient les pages de « civilisation » des manuels et qui proposaient une vision académique et réifiée de la vie sociale, succèdent les enjeux d’une éducation à la différence. (Zarate, 2005 : 16-17).

Il n’en demeure pas moins que d’autres adaptations aux besoins interculturels spécifiques

des apprenants en milieu homoglotte restent souvent limitées. Dans son observation des

CE

EE

EO

134

classes d’accueil de FLE, Davin-Chnan (2003) remarquait —et c’est toujours le cas— que

celles-ci ne font que très partiellement l’interface avec l’insertion académique des

apprenants, qui sont aussi étudiants étrangers dans le système universitaire français. En

effet, pour ce qui est du travail sur l’expression écrite, l’objectif de la rédaction académique

est à peine effleuré alors que, dans leur agir en contexte universitaire, ces publics sont

exposés à un langage normatif et à des contraintes discursives qui relèvent du culturel.

Ennafaa & Paivandi (2008 : 73) insistent à juste titre sur le fait que, dans cette situation

communicationnelle précise,

la maîtrise de la langue ne garantit pas toujours la maîtrise langagière. On atteint le point culminant de cette exigence linguistique dans le cadre du travail universitaire. (…) Les étudiants étrangers sont invités à pratiquer la langue savante et intellectuelle, à décoder ses règles discursives, à pénétrer le sens des textes universitaires ou à appréhender les propos de leurs professeurs. Ils doivent aussi répondre aux exigences de leurs professeurs qui apprécient ces derniers à partir du degré de maîtrise de la langue, se référant à la logique dominante de la culture universitaire.

En dépit des pressions immédiates du contexte linguistique, la maîtrise des compétences

écrites (EE et CE) —mais aussi, d’une perspective interculturelle plus large, celle des

savoir-faire méthodologiques, des attentes et des exigences du système universitaire

français ainsi que des rituels de communication avec les collègues et professeurs— ne doit

pas être négligé lorsque la classe de FLE est constituée d’étudiants étrangers. Au contraire,

elle peut s’avérer un véritable atout pour la réussite académique, en cohérence avec le

double objectif du séjour d’études à l’étranger synthétisé dans l’illustration suivante :

Figure 6 – L’oral et l’écrit en contexte homoglotte

Apprentissage du FLE en milieu homoglotte

L’écrit

(L’écrit

scientifique)

L’oral

(La compétence de

communication)

135

Quoi qu’il en soit des priorités ponctuelles perçues par les apprenants en milieu

homoglotte, il faut souligner que la capacité de les outiller pour les interactions sociales

qui se déroulent hors classe reste un point essentiel de l’enseignement/apprentissage. En

effet, ce n’est que lorsque la classe de FLE devient un lieu où les paramètres de la

communication sociale sont interrogés, analysés et assimilés, en privilégiant la capacité à

résoudre les problèmes qui peuvent mettre à mal la communication sur la simple

performance, que celle-ci remplit véritablement sa fonction d’interface avec le nouveau

milieu social d’insertion et permet à l’enseignant de jouer son rôle de « facilitateur ».

Partir du vécu des apprenants de façon à mettre leurs expériences en évidence est

sans doute la démarche la plus efficace en ce sens. Et ceci peut se faire de plusieurs

manières. D’abord, en aidant les apprenants à comprendre ce qui, dans une expérience

vécue, vue, lue ou entendue, a pu mettre à mal la communication avec les interlocuteurs

autochtones. Qu’il s’agisse de la charge culturelle non partagée des mots, de

comportements socialement codifiés ou de la non compréhension des implicites partagés

par la communauté d’accueil, l’enseignant doit donc les aider à décoder le modèle culturel

par rapport auquel les comportements, savoir-faire et savoir-vivre sont considérés adéquats

ou pas

89

. Auger & Louis (2009 : 109) proposent en ce sens l’adoption de trois stratégies

différentes en vue de la résolution des problèmes de nature interculturelle posés en cours :

1) l’analyse d’une prise de parole dans la langue cible :

on peut ainsi imaginer des activités qui proposeraient de commencer l’analyse d’une prise de parole dans la langue-cible par les paramètres paraverbaux (intonations, accents, etc.). L’interprétation de ces paramètres conduirait, ensuite, au traitement des autres paramètres de la situation (participants, lieux, gestes, normes socio-linguistiques, etc.), puis à l’analyse des paroles, celle-ci débouchant sur la compréhension des thèmes abordés. En effet, tous ces paramètres de la communication peuvent être source de problèmes interculturels spécifiques nécessitant un traitement particulier. Il faudra bien entendu veiller à ce que toutes les solutions dégagées soient mises en relation les unes avec les autres pour la résolution du problème global. (Auger & Louis, 2009 : 109)

2) l’essai-erreur : « cette démarche paraît intéressante à mettre en œuvre dans le

contexte de l’analyse collective, en classe, de situations interculturelles problématiques.

89 Tout en mettant un bémol sur l’intentionnalité de la volonté d’exclusion que les implicites culturels comportent, la réflexion de Zarate (1986 : 29) lorsqu’il affirme qu’ « une communauté culturelle construit son identité sur la base d’un rapport de force avec l’autre, mettant en place à travers les circulations des implicites culturels, des moyens d’autant plus efficaces qu’ils sont discrets pour exclure ceux qui ne partagent pas ces implicites et pour mettre hors-la-loi la différence culturelle », nous semble bien refléter la résonance affective que peut avoir chez les apprenants un modèle culturel « non décodé ».

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[…]. La classe peut alors opérer un tri entre les hypothèses rejetées et celles qui

reçoivent un début de conformation » (Auger & Louis, 2009 : 109), et

3) l’utilisation de l’analogie : « l’une des stratégies cognitives les plus appropriées pour

interpréter l’une ou l’autre variable moins connue d’une situation communicative que

l’individu maîtrise davantage » … Ainsi, « on peut penser que bien connaître le scénario

rituel qui préside à la salutation entre pairs dans la culture-cible aidera le sujet à

interpréter correctement la salutation avec d’autres pairs » (Auger & Louis, 2009 : 109).

Il s’agit donc de placer l’apprenant dans une situation de communication afin qu’il

utilise ses connaissances pour venir à bout d’une difficulté en travaillant pour cela sur

l’ensemble des composantes qui forment la multi-dimensionnalité de la communication.

L’enseignant doit donc apprendre à son public à saisir les quatre composantes de

base de l’interculturel dont parlait Balboni (2006 : 54) —« valeurs culturelles, codes

verbaux, codes non verbaux, événements communicatifs »— à la fois dans les situations

réelles qu’ils ont déjà expérimentées et dans ses interactions didactiques qu’il sera amené

à proposer en miroir... c’est-à-dire, les amener à prendre conscience des composantes

détaillées dans lesquelles l’interculturel se décline en situation communicationnelle.

Rappelons à ce propos que les faits culturels sont, comme les mots, polysémiques et ne

prennent tout leur sens qu’en contexte. S’ « il ne peut être question de dégager une culture

vraie, authentique, originale et pure, mais d’admettre l’inscription dans le temps et

l’espace, non seulement des cultures, mais aussi de l’acte d’appropriation proprement dit »

(Abdallah-Pretceille & Porcher, 1996 : 173), l’analyse du contexte situationnel reste, par

conséquent, une part essentielle de la démarche de facilitation didactique de l’enseignant.

Et c’est aussi pour cette raison que les situations de communication et les tâches proposées

en cours doivent être au plus près des pratiques sociales de référence et des savoir-faire à

mobiliser. Plus ces « tâches-problèmes » ou « situations problème » seront proches de

celles-ci, plus elles s’avéreront motivantes et favoriseront l’acquisition d’ « une

compétence à affronter les situations extrascolaires apparentées par la récurrence d’un

problème analogue à celui que l’élève a appris à résoudre en classe » (Dumortier, 2003 :

41).

En d’autres mots, face à la différence culturelle quotidiennement confrontée hors

cours et grâce aux documents présentés en cours —porteurs tous de sens culturel— « le

rôle de l'enseignant consistera à expliciter les différences, à formuler des hypothèses qui

rendent de compte du fonctionnement du système de la langue étrangère » (Hédiard, 1998 :

137

386) et, de manière plus générale, à accompagner la démarche interprétative des apprenants

face à leur société d’accueil en proposant une réflexion conclusive sur certaines valeurs

culturelles sujettes à débat et parfois vécues comme ayant posé problème ou difficulté. Car

la perspective d’un facilitateur se correspond mal, en effet, avec l’explication magistrale

ou avec le fait d’imposer dans l’apprentissage ses propres valeurs. (N’oublions pas que

toute hiérarchisation ou jugement de valeur devient contre-productif lorsqu’il est question

d’amener l’apprenant à traduire ces différences culturelles en savoir-faire

sociolinguistiques et socioculturels, et que l’objectif d’une approche interculturelle de

l'enseignement du FLE n’est pas de défendre la culture ou le comportement des Français).

Cette perspective passe, au contraire, par une conscience culturelle permettant

- de « respecter l'apprenant en ne lui faisant pas vivre de « violence symbolique » lors

du choix du matériel didactique et des types d'exploitation à privilégier » (Lebrun,

2009 : 131),

- de favoriser la découverte culturelle en respectant les comparaisons et les

rapprochements établis par l’apprenant avec sa langue-culture maternelle, et,

- tout en prenant garde aux stéréotypes

90

, « de forger le jugement de l'apprenant pour le

conduire à la tolérance, l'un des buts —et non des moindres— de l'apprentissage des

langues étrangères étant d'enrichir la personnalité de l'apprenant et de le doter d'une

conscience interculturelle » (Robert et al., 2011 : 21).

Certes la perspective actionnelle et pluriculturelle du CECR abonde en ce sens, mais c’est

l’analogie de cette démarche de médiation avec l’un des principes de l’enseignement du

français comme langue seconde qui nous semble éclairant : l’enseignant ne peut pas

comprendre le sens culturel d’un texte (écrit ou oral) à la place de l’élève, il ne peut que

l’expliquer et le laisser maître de la suite, d’autant que cette compréhension n'est possible

que si « l'apprenant passe d’un stade passif à un stade actif » (Camba, 2009 : 87) et que

« seule la compréhension personnelle conduit à l'appropriation » (Lebrun, 2009 : 134).

Enfin, la classe de langue étant le lieu où d’autres modes de relation entre cultures

maternelles et étrangères peuvent être proposés, dans le contexte des groupes d’apprenants

plurilingues plus que jamais « la gestion des communications interculturelles et la

90 Cette mise en garde sur les stéréotypes ne concerne pas que ceux des apprenants. En effet, nombreux sont les auteurs qui attirent l’attention sur une représentation pas assez complexe de la société française en cours de FLE et demandent à ce que les enseignent montrent, de façon plus appuyée, par leur choix de thèmes, de textes sonores et/ou écrits ainsi que par les tâches communicationnelles à accomplir que la France est devenue au fil de son histoire, une nation multiethnique et multiconfessionnelle. L’analyse de notre corpus confirmera par la suite la pertinence de cette suggestion.

138

connaissance des notions primordiales à la démarche interculturelle telles que la

décentration, le regard croisé, ou la contextualisation » (Louis et al., 2006 : 6) doivent être

au centre des propositions didactiques des enseignants. En tant que facilitateur de la