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Les grandes lignes de la commercialisation des produits dans les sous-filières locales sont contenus dans les articles cités dans l’introduction de ce sous-chapitre 1.5. J’en rappellerai ici simplement les points principaux, en commentant deux graphiques synthétiques : le graphique 21 et le graphique 22.

I. Déterminants locaux de la construction des prix et des variations de flux

Comment lire le graphique ?

Ce graphique représente les différents facteurs déterminants la construction des prix et l'évolution des volumes dans les filières viande locales. Il ne s'intéresse qu'aux facteurs locaux, agissant sur les principaux flux. Il n'est pas quantifié, car d'une région à l'autre on découvre des variations sensibles. En grisé sont représentés les principaux systèmes-acteurs, de la production familiale au consommateur local. Les flèches noires sont les flux de marchandises. Les deux circuits principaux sont chacun représentés dans une colonne, circuit des broutards à droite, circuits d'abattage à gauche. Tous deux ont la même origine, à savoir la production familiale. Au bas du graphique se trouvent les intitulés des principaux facteurs locaux déterminant les éventuelles variations de volumes et de prix des marchandises au long de la filière. Pour chacun d'eux est donnée une brève explication quant à la nature de leur impact. Une couleur et un numéro leur est attribué : ce numéro est reproduit dans les colonnes latérales, sur chacun des flux où le facteur concerné intervient. On peut ainsi se reporter dans ces deux colonnes et observer quels déterminants agissent sur quels flux.

La taille de la transaction est un levier utile pour faciliter la commercialisation des broutards de basse qualité : la vente en lots hétérogènes permet de forcer la main à l'acheteur, qui refuserait d'acquérir individuellement ces animaux. Dans ce cas précis, la taille de la transaction permet donc de pallier à la piètre qualité.

Dans les circuits d'abattage local, il n'existe guère de grosses transactions, les animaux étant échangés le plus souvent à l'unité, en fonction des besoins du boucher qui sont de l' ordre d'une tête par jour pour les plus gros chiffres d'affaire. En revanche, plus en amont dans les circuits locaux et au sein de l'Agriculture Familiale (AF) peuvent être

commercialisés des lots de plusieurs animaux, notamment dans le cas de producteurs ayant des pratiques sélectives sur leurs troupeaux, et qui peuvent être amenés à acquérir ou se débarrasser de plusieurs têtes simultanément. La transaction ne se fait alors pas avec un boucher mais avec un négociant, qui aura ensuite le choix entre l'abattage local ou régional, ou la revente à d'autres producteurs.

La distance est un facteur qui joue sur toutes les transactions jusqu'à l'abattage : les coûts de transport sont proportionnels aux kilomètres parcourus. Le partage de ce coût est négocié entre les acteurs de la transaction. Sur ces circuits courts, et surtout en saison des pluies, le transport à pied est souvent la solution adoptée. Cette économie et facilité de transport en vif permet aux éleveurs concernés d'être moins dépendant des infrastructures routières et des distances.

Si les difficultés de circulation routière compliquent les transports tout au long de la filière, elles diminuent par ailleurs nettement la demande en viande bovine sur les marchés locaux. La population rurale ayant plus de mal à se rendre en ville, les volumes commercialisés en boucherie sont diminués d'autant. Cela renforce le caractère sélectif de la commercialisation des bovins de réforme à cette saison. La demande ne diminue pas sur les marchés régionaux ou nationaux.

Les critères de qualité varient au long de la filière. Ils sont les plus fins en amont, sur les broutards, où ils caractérisent des capacités de gains de poids et font donc appel à des notions de génétique, de conformation et physionomie, de pratiques sanitaires et d'alimentation. Pour les animaux d’abattage, les critères sont sommaires et ne concernent que le poids et le sexe de l'animal. Il s'agit plus d'une facilité d'accès au marché que d'une véritable rémunération de la qualité. Les prix aux consommateurs ne montrent aucune variation en fonction de la qualité, si ce n'est sur certains morceaux comme les côtes, où la proportion de muscles couvrant l'os peut varier en grandes proportions, et entraîner quelques variations du prix au kilo.

Les exigence de qualité sur les broutards proviennent des filières longues (supermarchés et industries frigorifiques). Pour l’abattage, la qualité ne prend une importance croissante que parce qu’elle devient un critère de sélection dans le cadre d'une offre excédentaire. On est donc loin d'une dynamique de rémunération de la qualité, mais bien d'une restriction de l'accès au marché. La qualité n'est pas mesurée en fonction de critères fixes, mais évaluée pour chaque transaction en fonction des autres offres du moment, dans l'horizon d'achat du boucher (ou du négociant). Il s'ensuit la constitution de listes d'attente plus ou moins longues, où la qualité des animaux permet de griller des étapes.

La taxe d'abattage est parfois fixée en kilos de viande, et dépend donc du cours de la viande en gros (de l'ordre de treize kilos de viande). Celui-ci n'oscille que très peu, et les surcoûts ne sont donc que de faible amplitude, mais ils sont répercutés sur les prix au producteur.

La bonne production fourragère en saison des pluies conduit les éleveurs à maintenir les animaux sur le pâturage à cette époque, et au contraire à s'en débarrasser dès que la capacité de charge des pâturages diminue, pour éviter un ralentissement des gains de poids. Les bœufs sont alors remplacés par de nouveaux lots de broutards, en fonction d'un calendrier calqué sur les rythmes climatiques. Les industries interviennent alors sur les prix au producteur pour infléchir ces stratégies. Ce mécanisme, prédominant dans les

J. Types de blocages dans les sous-filières locales

Comment lire le graphique ?

Sa trame de base reproduit le schéma simplifié des sous-filières viande locales (graphique 20). Il est donc recommandé de se familiariser d'abord avec celui-ci, pour mieux discerner les apports du présent graphique. On a simplement qualifié et localisé les principaux blocages opérant dans la sous-filière (symbolisés par un petit éclair, dont la point touche le flux concerné). Trois types de blocages ont été observés : à chacun est attribuée une couleur. L'un porte sur la qualité des produits, l'autre sur la taille des flux, le troisième sur la formation des prix. J’ai constitué ces catégories, mais chaque blocage représente un mécanisme particulier, et c'est pourquoi il est accompagné sur le graphique d'un numéro. Celui-ci permet de retrouver dans les lignes ci-dessous l'explication détaillée s'y référant. Il s'agit donc d'un code permettant l'aller-retour entre le graphique et les paragraphes explicatifs. Leur ordre a été fixé de manière à illustrer les phénomène d'engrenage et d'enchaînements des blocage au long de la sous-filière. Deux blocages de base conditionnent l'aval de la filière, ils reflètent la sélectivité croissante du marché. L'un (1) correspond à un blocage sur les volumes, à savoir la consommation des marchés locaux qui est inférieure à l'offre. Notons que cela ne se traduit sur ce flux Boucher – Consommateur ni par des variations de prix ni par des exigences de qualité (celles-ci seront reportées en amont vers le producteur). L'autre (2) correspond à une sélection par la qualité, sur les filières longues, dynamique imposée par l'organisation du secteur de distribution.

Ces deux blocages sont répercutés en amont dans la filière. À l'interface entre une demande limitée et une offre abondante, le boucher local sélectionne ses achats (3) en fonction de la qualité des animaux, ce qui lui permet de plus grandes marges de bénéfices (rendement de carcasse, proportion de muscles et coûts de transport plus avantageux). Les fazendas elles aussi tendent à sélectionner les broutards en fonction de leur qualité (4). Il en est de même avec les négociants, qui reportent aussi l'exigence en amont (5), de manière à satisfaire leurs clients et ainsi garantir leur position dans la filière. Ces trois blocages sélectifs sur la qualité concernent les flux les plus vulnérables, autrement dit ceux où le niveau de qualité des produits est le plus précaire : ce sont les flux issus de l'agriculture familiale. La qualité des produits de l'élevage familial est donc de plus en plus cruciale du point de vue de l'insertion dans les circuits commerciaux, c'est vers elle que convergent les différentes contraintes exprimées dans l'aval de la sous-filière. Cela nous renvoie vers les performances des systèmes d'élevage familiaux, elles-même conditionnées par une série de blocages dans les filières.

Les performances zootechniques des animaux sont basses notamment à cause de l'importation par les négociants (6 et 7) d'animaux achetés au rabais hors du système (notamment dans le Centroeste). L'acheminement de lots d'animaux sélectionnés reste un point faible de cette sous filière. Ce défaut a entraîné la forte augmentation des prévalences des principales zoonoses, et constitue toujours un problème dans le cadre de l'éradication de la fièvre aphteuse. Par ailleurs, il est notable que la mauvaise qualité des intrants (8), et notamment des semences et du sel minéral, sont partiellement responsable des faibles productivité des pâturages et des troupeaux. De même, les ressources naturelles tirées du milieu forestiers sont limitées (9 et 10), ce qui peut porter atteinte aux performances des systèmes de production : la raréfaction sur les propriétés des bois de qualité contribue à l'augmentation des coûts d'implantation des clôtures, et peut bloquer l'intensification des systèmes de gestion de pâturages. De plus, la gestion de la fertilité étant basée sur la défriche et le brûlis des forêts, la disparition de celle-ci sur la propriété peut sous certaines conditions techniques diminuer la production

fourragère, et la qualité de l'alimentation. Les exigences de qualité en aval de la filière se doublent donc de difficultés en amont, et réduit d'autant la marge de manœuvre des éleveurs.

La troisième série de blocages concerne la formation des prix. Elle découle des deux premières, qui offrent à certains acteurs-systèmes une position dominante dans les transactions, et leur permet de fixer les prix à leur avantage. Dans certains cas extrêmes, cela peut conduire à la formation de cartels ou de monopoles, sur un bassin ou pour une fonction technique donnée. Dans les sous-filières viande locales, le boucher peut profiter de l'offre excédentaire et du prétexte de la qualité pour baisser les prix au producteur (11 et 12), en maintenant le prix au consommateur. C'est ce qui se passe souvent en saison des pluies. Le négociant bénéficie de la même possibilité (13), avec d'autant plus de souplesse qu'il possède ou loue des pâturages pour stocker ses animaux et mieux profiter des variations de l'offre et de la demande. Il dispose par ailleurs d'autres opportunités pour se tailler des marges, liées à l'importation d'animaux pour la reproduction depuis d'autres régions d'élevage (14 et 15). La croissance naturelle du troupeau locale ne suffit pas à alimenter la demande des éleveurs, dont beaucoup n'ont pas les moyens de chercher eux-mêmes leurs animaux hors-région. Seuls les négociants ont cette mobilité, les contacts et informations nécessaires. Combinées au manque d'expérience de nombreux producteurs familiaux, ces facteurs conduisent à une augmentation des prix pour des qualités parfois douteuses (6).

1.6 ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DES