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Comment traiter la question des enseignements généraux ?

3. Dresser les contours de la notion de blocs de compétences

3.2. Cependant, des questions subsistent quant à la constitution des blocs

3.2.2. Comment traiter la question des enseignements généraux ?

Cette question en soulève d’autres qui sont connexes : les enseignements généraux contribuent-ils à la compétence professionnelle ? Doivent-ils y être intégrés dans les blocs de compétences ou être traités à part ? Ont-ils d’autres rôles que la seule contribution à la construction de la compétence professionnelle ?

Toutes ces questions ont été abordées lors des entretiens conduits par la mission. Les enseignements généraux sont porteurs de valeurs. Ils ont donc une pertinence au sein d’un processus de socialisation complémentaire au processus de professionnalisation au sens strict. La socialisation, la capacité à vivre ensemble, à s’intégrer dans un groupe, peuvent être abordées, décrites comme inhérentes à la professionnalité, la capacité à s’adapter à une activité, à ses exigences et à ses

évolutions. La dimension citoyenne, plus ample encore, met en jeu la capacité d’intégration dans la société française. Outre cette contribution, les enseignements généraux sont également partiellement associés à la compétence professionnelle. Ils contribuent à la professionnalisation et au développement de compétences techniques (communication écrite et orale, calcul d’une surface, lecture d’une notice en anglais, etc.).

La question qui en découle tient à la nature des blocs de compétences : intègrent-ils des savoirs issus des disciplines générales et des disciplines techniques ou les enseignements généraux sont-ils isolés ? Une piste semble se dégager avec la possibilité offerte d’intégrer les disciplines générales lorsqu’elles sont en relation avec la nature de l’activité professionnelle décrite. Ainsi, le peintre en bâtiment a besoin de connaître des éléments de géométrie, de physique et de chimie pour calculer la surface à peindre et le nombre de pots de peinture nécessaires à la réalisation d’un chantier. En baccalauréat professionnel gestion-administration, il a été démontré qu’une grande partie du programme de droit pouvait être intégrée aux situations professionnelles recensées dans le référentiel des activités professionnelles et ces savoirs sont décrits explicitement dans les situations. Si cette intégration n’est pas possible, ces enseignements peuvent être traités à part. Cette situation comporte le risque de concevoir des blocs de compétences générales « peu attractifs » pour les personnes en formation et devenir trop souvent source d’échecs pour l’accès au diplôme.

Pour les diplômés, les enseignements généraux se révèlent également nécessaires à la réussite d’une poursuite d’études. La question plus largement posée par l’introduction de blocs dans les diplômes est sans doute celle de sa compatibilité avec l’imbrication des processus de socialisation, de scolarisation et de professionnalisation qui caractérisent les diplômes professionnels.

L’évolution des écritures des référentiels a pris en compte cette dimension et en ne limitant plus les enseignements généraux à leur seule ouverture culturelle, mais en les intégrant pour leur contribution à la construction de compétences professionnelles.

Une enquête information et vie quotidienne (IVQ) de l’Insee, consacrée aux compétences de base des adultes, a montré qu’il existe une valorisation des excédents de compétences de base par rapport au niveau moyen du diplôme, et inversement. Les compétences générales auraient plus d’incidences sur l’emploi qualifié que les compétences professionnelles (salariales, qualification à l’emploi, insertion)117.

Si les compétences, dans le discours public, sont considérées comme étant des éléments décisifs pour accéder au marché du travail ou pour faciliter l’évolution professionnelle, les travaux de recherche relatifs aux compétences nécessaires dans l’accès à l’emploi montrent la difficulté de converger vers une liste consensuelle de compétences. Les questions de définition et de mesure des compétences renvoient à de nombreux débats méthodologiques.

117 Voir à ce propos, l’enquête CEREQ génération 2010.

Une étude a montré que, face à des compétences en langues étrangères, le diplôme reste déterminant par rapport aux certifications. La maîtrise de langues étrangères est un critère que seuls 13 % des recruteurs considèrent118.

Enfin, dans les diplômes professionnels, il existe des enseignements contribuant à la construction d’une culture professionnelle. On peut décrire, par exemple, les enseignements d’économie, de droit et de management dans les diplômes du champ de l’économie et gestion. Dans ces diplômes, ces enseignements contribuent à développer chez les candidats la capacité à comprendre le contexte économique, juridique et organisationnel dans lequel leurs activités professionnelles se situent. Ces enseignements n’ont donc pas directement une visée opérationnelle ou professionnelle, mais ils contribuent à améliorer la pertinence des démarches en cohérence avec les contextes. Dans certains BTS relevant de l’économie gestion, il existe un programme commun d’économie, droit et management détaché des situations professionnelles emblématiques du diplôme. Pour d’autres BTS, les compétences mobilisant des savoirs de ce champ sont travaillées à partir de situations professionnelles spécifiques des métiers visés (BTS banque, assurance, notariat, etc.). D’autres exemples peuvent être retenus, celui du métier de boucher - charcutier a été choisi par un de nos interlocuteurs pour mettre en évidence l’importance de la culture professionnelle dans la perspective de développer de nouvelles activités (acte de vente, développement de nouvelles activités de sandwicherie par exemple). Or dans la formation préparant au CAP alimentation, l’acte de communication se limiterait, dans les pratiques de formation, à la réalisation de pancartes. En réalité, dans ce métier, la communication va bien au-delà et pourrait être abordée en valorisant la contribution de la culture professionnelle.

Trois types de blocs pourraient ainsi être définis :

– des blocs de compétences construits à partir de situations professionnelles, intégrant lorsque cela est pertinent des savoirs issus des enseignements généraux. Il est nécessaire de poser les conditions de la construction du lien entre la culture générale et la situation professionnelle. Le plus difficile est de définir la forme de transversalité. Il pourrait être préconisé d’associer des représentants des enseignements généraux dans les groupes de travail mandatés par les CPC ;

– des blocs de culture générale intégrant des savoirs généraux qui ne seraient pas en relation directe avec des situations professionnelles. Ces blocs peuvent avoir des objectifs spécifiques tels que la construction des conditions nécessaires à la réussite d’une poursuite d’études ;

– enfin, des blocs de culture professionnelle, non directement attachés à des situations professionnelles.

118 Langues et employabilité, offres d’emploi - Analyses, octobre 2014, IREDU / CEREQ étude selon laquelle seuls 13 % des recruteurs considèrent la maîtrise des langues étrangères dans leurs recrutements (note 20 de la deuxième partie). La Commission européenne a confié à un consortium français mené par le CIEP et la DGESCO, avec l'ONISEP et les CCI le projet LEMP, lui aussi, appelé « langues et employabilité ». On lit dans ce rapport que les deux-tiers des répondants ont affirmé l'importance des compétences en langues étrangères dans les entreprises. Ce n'est pas tout à fait contradictoire avec l'enquête de l'IREDU : LEMP a travaillé sur les réponses d'un grand nombre d'entreprises de tous secteurs et de toutes tailles auxquelles avait été adressé un questionnaire. Le taux de réponse est très satisfaisant pour ce genre d'enquête, mais on peut supposer que les entreprises qui ont répondu sont celles qui étaient les plus intéressées par les compétences en langues étrangères. Il reste que le diplôme est plus important que la compétence en langue étrangère, ce qui n'est guère contestable.

Il apparaît déjà que l’introduction de blocs de compétences dans les diplômes professionnels pourrait affecter la structure actuelle du diplôme, notamment quant à la contribution et à la place des enseignements généraux.

Préconisation n° 6 : il n’est pas certain, voire souhaitable, que les blocs de compétences constituent la totalité du diplôme. Ce dernier peut être constitué, outre les blocs de compétences, de blocs de culture générale et de blocs de culture professionnelle. L’introduction de blocs de compétences dans les diplômes professionnels peut nécessiter d’associer étroitement l’enseignement général et les situations professionnelles.

La situation peut être variable selon la nature du diplôme. Ainsi, pour les baccalauréats professionnels, le maintien de blocs de culture générale et de culture professionnelle est souhaitable.

Au niveau du BTS, l’intégration de la culture générale est possible, voire nécessaire. Pour les CAP, la question est plus difficile avec aujourd’hui, un nombre croissant de titulaires d’un CAP poursuivant en baccalauréat professionnel.

Principe 5 : il est donc indispensable d’associer dans les groupes de travail mandatés par les CPC des représentants de l’enseignement général, afin d’intégrer, lorsque cela est possible et souhaitable, l’enseignement général dans les blocs de compétences.

De façon connexe, la question des compétences mobilisables d’un métier à l’autre, d’un diplôme à l’autre est également posée. La mission a mis en évidence l’importance des compétences de cette nature. Faut-il les intégrer dans les situations professionnelles les plus pertinentes, et donc dans des blocs de compétences avec d’autres compétences plus spécifiques à l’exercice du métier ? Doivent-elles constituer des blocs spécifiques intégrant toutes les compétences transversales afin de favoriser leur repérage et assurer leur transfert aisé d’un diplôme à l’autre ? La première solution privilégie la pertinence de l’intégration des compétences transversales à des situations professionnelles emblématiques, la seconde favorise la fluidité des parcours. La notion de bloc trouvera une de ses limites dans l’exigence de contextualisation : une compétence est transférable certes, mais jusqu’à un certain point.

On retrouve un des fondements, au cœur du système dual allemand119. Depuis 1969, la formation dans le cadre du système dual qui prend appui sur des référentiels nationaux, n’est plus axée sur les

119 La formation des apprentis se déroule en alternance entre, d’une part, les écoles professionnelles pour une formation d’une durée d’au moins 12 heures par semaine comprenant un enseignement des matières générales ainsi que les bases théoriques du métier choisi et, d’autre part, un apprentissage dispensé en entreprise à raison de trois ou quatre jours par semaine. L’apprenti et l’entreprise sont liés par un contrat validé par un organisme consulaire (ex : chambres de commerce et d’industrie) qui engage chaque partie à dispenser ou à acquérir les connaissances et les aptitudes requises par le métier concerné. Ce contrat fixe la durée de la formation et son contenu, les modalités de licenciement et la rémunération qui dépend des conventions collectives en vigueur dans la branche. Ce salaire qui augmente chaque année correspond en moyenne au tiers du salaire d’un travailleur qualifié débutant. Les conditions d’examen des connaissances (épreuves, composition du jury, etc.) sont fixées par les organismes consulaires. Dans la plupart des cas, l’évaluation se déroule en deux phases. Un examen intermédiaire qui mêle écrit, oral et mise en pratique a lieu à la fin de la deuxième année d’apprentissage et couvre les connaissances et les compétences normalement acquises selon le référentiel de formation durant les trois premiers semestres de formation. En fin de formation, un nouvel examen (Abschlussprüfung) a lieu (mise en pratique, écrit et oral) qui permet d’obtenir le diplôme. On pourra utilement se reporter aux travaux comparatifs développés par les chercheurs du LEST sur la conception des diplômes professionnels en France et en Allemagne (voir par exemple HCE 2010 et Möbus et al 2000). D’après ces auteurs, la conception sous-jacente du diplôme professionnel en Allemagne est celle d’une règle d’organisation du marché du travail alors qu’en France, il joue plutôt le rôle d’un « signal » sur le niveau acquis dans l’échelle des savoirs.

besoins spécifiques des entreprises formatrices, mais plutôt destinée à fournir les compétences nécessaires à l’exercice d’un métier et à permettre la transversalité de ces compétences.

Préconisation n° 7 : une réflexion commune à toutes les CPC doit porter sur la solution à adopter pour incorporer les compétences transversales à des blocs en relation avec des compétences spécifiques ou au sein d’un bloc spécifique de compétences transversales.