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Le peuplement de la Guadeloupe date de la préhistoire avec notamment le peuple proto-arawak, population vivant principalement de la pêche, arrivant de Guyane et du Vénézuela. Puis se sont les Arawaks, peuple de pêcheurs, qui s’installèrent sur les littoraux de l’île, notamment en Basse-Terre. Venant du Venezuela, ils introduisent alors l’agriculture sur abattis-brûlis ainsi que la culture du manioc, plante originaire de la forêt amazonienne. En complément, ils chassaient, cueillaient et pêchaient (Abenon L-R., 1993).

2. Les Karibs (ou Caraïbes) et les jardins créoles

Vinrent ensuite, entre les années 850 et 1000, les Caraïbes peuple guerrier qui colonisa l’ensemble des îles de l’archipel antillais (Abenon L-R., 1993). Ils vivaient également de la culture sur abattis-brûlis en extensif ainsi que de chasse, pêche et cueillette. Ils ont également développé des jardins vivriers (« Icháli » dans la langue des Caraïbes) à l’écart de leurs habitations, où ils cultivaient, outre le manioc, de la patate douce, du giraumon, de la canne à sucre et de l’igname. Ils y plantaient également des arbres fruitiers tels que le goyavier ou le bananier. Pour exploiter leurs terres, ils pratiquaient le sarclage et employaient un bâton à fouir en guise de houe (Benoit C., 1999).

B. Colonisation européenne

1. L’implantation française

En 1493, Christophe Colomb arriva sur l’île de la Guadeloupe, découverte l’année précédente. Mais face à la résistance des Caraïbes y vivant et le peu d’intérêt qu’elle avait pour les Espagnols de par son manque de richesses minières (or ou pierres précieuses), ces derniers ne s’y intéressèrent donc pas, lui préférant le Nord des Antilles et l’Amérique Latine. Il n’y eu donc pas de véritable tentative de colonisation de l’île ou bien celles-ci furent repoussées par la population indigène. Elle devint alors un repaire pour les flibustiers, pirates et corsaires qui naviguaient dans les eaux de la Caraïbes (Abenon L-R., 1993).

En 1623, le premier jalon de la colonisation française dans les Antilles fut posé avec l’occupation l’île de Saint Christophe et la formation de la Compagnie de Saint-Christophe qui devient, par la suite, la Compagnie des îles d’Amérique. La France se relevait alors de sa guerre contre l’Espagne et de ses conflits religieux internes et se consacrait à nouveau à son expansion coloniale notamment vers les Antilles.

C’est en 1635 que la Guadeloupe fut colonisée par les Français sous l’impulsion de la compagnie des îles d’Amérique. Son implantation fut difficile car elle se déroula sans le soutien des Amérindiens, le Gouverneur de la colonie ayant déclenché les hostilités avec ces derniers. Les colons n’ayant pas de connaissances agronomiques suffisantes pour produire

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leur propre alimentation connurent d’importantes famines durant 4 années jusqu’à ce que le Gouverneur des îles d’Amérique résidant à Saint-Christophe décide de faire de la Guadeloupe la capitale des îles du Vent. Il y envoya donc vivres et munitions tout en promouvant l’implantation du tabac là-bas plutôt qu’à Saint Christophe pour que les colons s’y rendent également.

2. Développement des cultures d’exportation et implantation de la canne à sucre

C’est en 1641 que la colonie de Guadeloupe commença réellement à se développer. Les colons s’installèrent surtout du côté de Basse Terre où apparurent les premières habitations (grandes exploitations gérées par des colons) avec l’arrivée de plus en plus importante d’esclaves noirs pour y travailler via le commerce triangulaire. Cette traite négrière était régie dans les colonies françaises en 1685 par le Code noir. Des engagés vinrent également travailler dans la colonie. Ceux-ci étaient des paysans français qui, n’ayant pas les moyens de se payer le voyage, venaient travailler 3 ans sur une exploitation et recevaient une parcelle à la fin de leur temps de travail. Ils apportèrent, depuis la France, outillage et bétail afin de développer l’agriculture dans la nouvelle colonie (Abenon L-R., 1993).

Les cultures d’exportation se développèrent alors pour répondre à la demande de la métropole avec notamment le tabac, le café, le coton et l’indigo même si cette dernière production fut rapidement arrêtée dès que Saint Domingue en devint le principal producteur (Yvon T., 2007). Le café se développa particulièrement sur les versants de Basse Terre, tandis que l’indigo fut plutôt cultivé sur Marie Galante et le littoral Est de Grande-Terre, plus secs et ainsi plus propices à son bon développement. C’est également à cette période, en 1650, que commença à se développer la culture de la canne à sucre qui sera un fondement de l’économie guadeloupéenne (IEDOM, 2017) car c’est à cette date que fut introduite la fabrication de sucre. Le Nord Grande-Terre devint rapidement le principal site de production sucrière de la Guadeloupe. En moins de 40 ans le nombre de sucrerie fut multiplié par 8 (26 sucreries dénombrées en 1732).

Figure 16 : Cadastre du Nord Grande-Terre et localisation des sucreries en 1732 (source : Lasserre G., 1952) L’exploitation se réalisa au travers d’habitations-sucreries, de grands domaines sucriers tenus par des colons de 100 à 300 ha sur lesquels travaillait une main d’œuvre servile tant pour la plantation de canne que pour la transformation en sucre à l’aide du moulin présent sur le domaine. La partie Est de Grande-Terre fut délaissée car trop sèche pour la culture.

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C. L’industrie sucrière

1. Implantation des usines centrales

Jusqu’au milieu du XIXème siècle, ce sont les habitations qui formaient le centre agricole, social et industriel du Nord Grande-Terre. Puis avec le tremblement de terre de 1843, l’abolition de l’esclavage en 1848 et la forte concurrence du sucre de betterave9, il a fallu repenser la production sucrière en Guadeloupe. Il a alors été décidé de séparer la production agricole de la production industrielle avec la création de centrales afin de concentrer l’ensemble des opérations industrielles. Ainsi en 1863, quatre usines centrales existaient sur le Nord Grande-Terre à savoir : Duval à Canal, Bellevue à Port-Louis, Clugny à Petit-Canal et Beauport à Port-Louis. Afin de s’implanter définitivement et s’assurer une viabilité, les usines centrales rachetèrent les habitations ruinées par les récents évènements et entre 1860 et 1880, il y eu une véritable concentration des terres autour de ces nouvelles usines (Lasserre, 1963).

2. Croissance et renforcement de Beauport

Jusqu’en 1882, l’industrie sucrière connut une phase d’expansion importante avec des augmentations temporaires et réversibles de la production, mais avec chaque fois des paliers toujours plus élevés. Cette phase d’expansion était liée à l’emploi de nouveaux moyens de production aussi bien agricoles qu’industriels avec des procédés plus modernes et entièrement mécanisés. Une vague d’immigration, principalement indienne, a également contribué à cet essor de l’industrie sucrière en apportant des travailleurs “bon marché“ aux producteurs de sucre (Giraud, 2009). La production de canne a alors augmenté avec une spécialisation des exploitations en monoculture et le soutien de cette expansion par les institutions financières au travers de prêts aux planteurs.

Puis en 1882, il y eut une surproduction de sucre de canne au niveau mondial avec des productions provenant de Cuba, Porto-Rico, Java, etc. Ceci s’ajoutant à une production de plus en plus importante de sucre de betterave, la production dépassa très vite la demande et le prix du sucre dégringola. Les conséquences de cette crise furent importantes puisque l’économie de l’île dépendait alors grandement de la production de canne à sucre. Cette crise marqua la fin des habitations-sucrières qui subsistaient encore et la plupart se rattachèrent aux usines existantes. Puis ce fut au tour des usines d’être impactées par la crise. Certaines ne purent plus rembourser les prêts contractés auprès des établissements financiers et ce malgré l’abandon de certaines parcelles de cultures, afin de diminuer les coûts de production, notamment celles du littoral Ouest plus sec que le reste de la région. Seuls les établissements les plus gros car financièrement plus puissants pouvaient résister à cette crise. Il y eut donc une concentration des activités agricoles et industrielles autour d’une seule usine afin que celle-ci puisse limiter au mieux les coûts de production et supporter la crise. C’est ainsi que l’usine de Beauport s’est développée en absorbant progressivement l’ensemble des autres usines. C’est à partir de là que quasiment tout le Nord de Grande-Terre a commencé à

dépendre économiquement de l’usine de Beauport.

Beauport couvrait, en 1948, 12 561 ha soit près de 39 % de la superficie du Nord Grande-Terre (le Nord Grande-Grande-Terre s’étend sur 324 km2). Sur cette zone se trouvaient les plantations de canne à sucre de la société (son faire-valoir direct qui fournissait la majeur partie des cannes nécessaire au bon fonctionnement de l’usine), les exploitations des colons travaillant

9 Jusqu’en 1860, les colonies bénéficiaient du cadre de l’Exclusif qui assurait un débouché à leurs productions. A partir de 1860, cet Exclusif fait place aux accords de libre-échange.

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pour elle, des savanes pour l’élevage de la société et des terres boisées. L’usine fonctionnait grâce à aux colons à qui elle laissait une terre pour qu’ils y cultivent leur jardin vivrier et la canne à sucre qu’ils revendaient à l’usine. En échange, ces derniers travaillaient sur les champs de l’usine en y cultivant la canne de cette dernière. Le matériel industriel moderne permettait de produire aussi bien du sucre que du rhum à partir de la canne à sucre.

L’élevage aussi bien bovin que porcin et la forêt constituaient des activités complémentaires pour l’usine de Beauport. Les productions agricoles du Nord Grande-Terre étaient donc majoritairement réalisées pour le fonctionnement de l’usine de Beauport et la canne dominait sur les autres cultures.

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