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1.1 Les principaux modes d’organisation du travail

1.1.4 Le cadre particulier des institutions publiques

1.1.4.1 Le contexte évolutif du mode d’organisation du travail

1.1.4.2.1 De la colère au mal-être

Comme nous l’avons vu précédemment à la section 1.4.1, dans le contexte du début de l’ère industrielle, en particulier à l’époque du taylorisme, c’est le corps qui était au centre des préoccupations de ceux qui pensaient l’organisation du travail et retenaient leur attention pour accroître la productivité. Il s’agissait alors de canaliser l’énergie physique pour la transformer en force de travail.79 L’exigence

du travail, tout comme les risques à la santé et à la sécurité du travail portaient alors sur les aspects physiques de la personne. Avec le temps, les dysfonctionnements de l’organisation du travail ont déplacé le mal-être au travail de la dimension physique vers la dimension psychologique du travail. Ainsi, lorsque la réalité du milieu de travail est psychologiquement aliénante, dans un contexte où il peut faire bon de croire que l’organisation répondra aux désirs de tous d’être acceptés et reconnus, la récompense au plan psychique pourra être perçue de façon positive lorsque les efforts individuels participent à la réalisation des résultats de l’entreprise. À l’inverse, l’absence ou l’insuffisance de ce retour bénéfique de la reconnaissance met en évidence le poids de la soumission. La désillusion, la déception, l’insatisfaction, voire le mal-être installé, se retrouvent alors au rendez-vous.

78 M. LALLEMENT, Le travail – une sociologie contemporaine, op. cit., p. 196 79 V. DE GAULEJAC, op. cit., p. 301

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À l’époque du taylorisme, le malaise des travailleurs s’exprimait à la faveur d’enjeux collectifs et à travers différentes revendications sociales, en particulier autour de la question de la rémunération et des conditions objectives de travail. Le conflit se réglait par la négociation avec les organisations syndicales. La grève constituait le moyen privilégié d’exprimer son mécontentement en cas d’échec et son opposition aux conditions de travail difficiles. Alors qu’aujourd’hui, les manifestations d’opposition contre ces problèmes s’expriment davantage de façon individualisée que sous forme d’affrontements collectifs. Les conflits du travail s’inscrivent dans le sillon des pratiques de gestion et se sont maintenant déplacés des registres socio-organisationnels et politique, lesquels se présentent de façon collective, vers les registres relationnel, comportementaliste et psychosomatique, lesquels se manifestent de façon individuelle. Pour offrir le meilleur d’elle-même en convergence avec les impératifs organisationnels, cette autonomie professionnelle consentie aux travailleurs doit être soutenue. Au cas par cas, la réponse attendue aux demandes et besoins de la clientèle ne pourrait être prescrite. Aussi, les démarches éthiques prennent en compte les nouveaux modes de régulation sociale tout autant que les nouvelles configurations du milieu de travail, et devraient pour ce faire, reposer sur une approche de type réflexif.

Cela nous permet de faire voir que l’insuffisance des modes de gouvernance et l’éclosion de scandales éthiques à répétition dans la sphère économique recouvrent un problème d’ordre philosophique qui a trait à la conception de l’éthique qui est véhiculée pour conjurer ce phénomène social. Comme nous le verrons aux chapitres suivants, la conception de l’éthique faisant du contrôle des comportements le point d’ancrage d’une démarche éthique en milieu institutionnel se présente de façon insuffisante pour répondre aux nouvelles exigences du management public.

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C’est pourquoi il nous faut présenter les principales approches de gestion contemporaines pour pouvoir ensuite situer l’espace partagé de l’exercice de la responsabilité des individus dans les organisations. Nous tentons ainsi de mieux saisir comment peut se déployer la contribution de tous au sein du milieu de travail, de même que les conditions de réussite d’une gestion du personnel, notamment en ce qui concerne le soutien requis.

On constate que l’organisation du travail change selon divers impératifs sociaux. La conception des organisations où les activités de travail s’exercent évolue de la même manière. Les approches en management s’ajustent par conséquent pour tenter d’offrir les meilleures conditions d’encadrement de la production des biens et des services, y compris des services publics, afin d’assurer une réponse ajustée aux besoins de la clientèle, et ce, au moindre coût possible. Ces approches vont toutefois toutes tabler sur un même modèle d’organisation du travail, celui qui est privilégié à un moment de l’histoire au sein des entreprises. Ceci établi, il nous faut convenir qu’il existe différentes écoles de pensée pour expliquer le fonctionnement des organisations et leur recherche d’efficacité par des modalités optimales de gestion. Et ces différentes écoles de pensée reposent toutes sur une représentation implicite du travail, du travailleur, de l’organisation et de l’entreprise, de même que de la responsabilité qui incombe aux uns et aux autres, dans leur schématisation de l’organisation du travail.

Aussi, nous exposons dans le deuxième chapitre la conception de la responsabilité qui découle des théories managériales discutées au chapitre un afin de faire voir qu’il s’agit du principal obstacle à l’intégration de l’éthique dans les modes de gestion des institutions.

Nous avons présenté une description macro de l’évolution des modes d’organisation du travail nous situant aujourd’hui dans un mouvement de flexibilisation du travail et des organisations. Nous poursuivons notre démonstration selon une lecture plus micro en nous arrêtant davantage sur les

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modes de gestion et leur impact sur l’engagement du personnel, leur mobilisation, leur responsabilité.