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Première partie : contexte scientifique

3. Troubles du spectre de l’autisme

3.2. Clinique et critères diagnostiques

Dans sa description originale de l’autisme, Kanner insiste sur les perturbations du développement social s’exprimant par un isolement et une forme d’indifférence à autrui (aloneness, isolement social), et sur un ensemble de comportements inhabituels se caractérisant par un attachement aux routines, une intolérance au changement, un répertoire restreint ou répétitif d’activités voire de mouvements (sameness, besoin d’immuabilité). Des

particularités du langage, atypique et peu fonctionnel, et des compétences restreintes à certains domaines, et parfois hors normes, sont également décrites. Dans les classifications internationales, le trouble autistique se caractérise par l’association d’une altération qualitative des interactions sociales, d’une altération qualitative de la communication et des comportements, et d’intérêts et activités ayant un caractère restreint, répétitif et stéréotypé. Après avoir un temps été distinguées, les deux premières dimensions sont à nouveau regroupées dans le DSM-5, en cohérence avec la description de Kanner (Annexe 4). Les deux premiers critères diagnostiques sont donc : (i) un déficit persistant dans la communication sociale et l’interaction sociale dans plusieurs contextes et (ii) un répertoire restreint ou répétitif de comportements, intérêts et activités (American Psychiatric Association, 2013). Ces altérations peuvent concerner la période actuelle ou avoir été présentes dans l’histoire du patient. Pour affirmer le diagnostic, elle doivent être présentes dans la période développementale précoce, tout en considérant qu’elles ont pu passer inaperçues tant que les capacités d’adaptation permettaient de répondre aux exigences sociales, ou être ultérieurement masquées par des stratégies d’adaptation chez l’adulte.

Jusqu’à 70% des patients présentent une déficience intellectuelle, définie par un QI inférieur à 70 (Fombonne, 2009). L’association avec l’épilepsie est fréquente : 22 % des patients seraient concernés. Le pronostic fonctionnel des sujets avec autisme est déterminé par deux facteurs principaux : le développement du langage, et le QI (Rutter, 2011).

L’autisme est ainsi un trouble neuro-développemental qui affecte différents domaines (socio- émotionnel, langage, sensori-moteur, fonctions exécutives) (Bonnet-Brilhault, 2017).

Syndrome d’Asperger

Le syndrome d’Asperger se différencie de l’autisme essentiellement par le fait qu’il ne s’accompagne pas d’un déficit ou d’un trouble du langage, ou du développement cognitif (CIM-10, OMS). Initialement décrit par Asperger, ce syndrome présente par ailleurs de grandes similitudes avec le tableau décrit par Kanner. Il n’a toutefois été intégré dans les classifications que tardivement, dans la foulée des travaux initiés par Lorna Wing (Wing, 1981). Auparavant, ce syndrome a tour à tour été considéré comme une forme atténuée d’autisme, une manifestation de l’autisme chez des sujets présentant des capacités intellectuelles normales, une forme d’autisme avec un haut niveau de fonctionnement verbal ou encore une forme d’autisme « socialement motivée ».

L’altération des interactions sociales est au cœur de la symptomatologie : si les sujets avec syndrome d’Asperger sont motivés pour interagir avec les autres, leur maladresse, leur style de communication bizarre et leur manque d’empathie contribuent à leur isolement. Classiquement décrit comme ayant parlé avant de marcher, leur langage n’en est pas moins particulier, marqué par la dysprosodie ou les anomalies de la pragmatique. Chez les sujets de haut-niveau, les comportements répétitifs et restreints se traduisent surtout par la résistance au changement dans les routines et l’environnement, et par l’accumulation de connaissances dans un domaine précis (Woodbury-Smith and Volkmar, 2009).

La validité nosologique de cette catégorie diagnostique est cependant toujours controversée. La distinction entre le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau (High functionning autism, HFA) reste sujet à débat. Cette dernière catégorie, qui n’a pas été intégrée dans les classifications internationales correspond à une forme plus classique d’autisme, dans laquelle on retrouve un retard d’acquisition du langage cliniquement significatif, mais qui se caractérise par l’absence de déficience intellectuelle (QI >70).

Dimension autistique

Lorna Wing, en définissant le syndrome d’Asperger a également introduit l’idée que ce syndrome et l’autisme se placent sur un même continuum d’altérations sociales et de la communication, et que cette entité constitue un pont entre le normal et le pathologique (Wing, 1981). Ce concept est à la base d’une approche quantitative de la dimension autistique. Il a notamment été repris par Baron-Cohen pour élaborer l’échelle « Autism Quotient » qui mesure le niveau de traits autistiques (Baron-Cohen et al., 2001b). Les résultats des études cliniques et neuropsychologiques plaident effectivement en faveur d’un continuum de l’ensemble des troubles autistiques, avec des variations dimensionnelles portant sur l’âge de début, l’intensité et la proportion des caractéristiques de bases et des troubles associés (Aussilloux and Baghdadli, 2008). Dans la continuité de ces réflexions, les évolutions nosographiques sont donc encore d’actualité. Alors qu’ils figuraient dans le DSM-IV-TR (American Psychiatric Association et al., 2000) sous l’appellation Trouble Envahissants du Développement, dans le DSM-5 (American Psychiatric Association, 2013) le terme d’autisme réapparaît. La catégorie des Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA) figure ainsi dans la catégorie des troubles neuro-développementaux. L’approche est plus dimensionnelle que précédemment, excluant les sous-types diagnostiques décrits dans le DSM-IV-TR. En revanche, la sévérité du trouble est côté de 1 à 3, selon l’importance des difficultés dans les

deux dimensions diagnostiques : communication sociale et comportements restreints et répétitifs. La CIM-10 (OMS, 1992) propose en revanche toujours une classification catégorielle, le terme autisme infantile renvoyant à l’autisme typique, et l’autisme atypique désignant une catégorie proche des TED-ns anciennement décrits dans le DSM-IV-TR. Ces TED non spécifiés (TED-ns) constituaient une catégorie vaste et hétérogène qui ne figure plus dans le DSM. Elle regroupait les tableaux cliniques pour lesquels l’ensemble des critères n’était pas réuni pour poser un autre diagnostic, et particulièrement ceux qui différaient d’un trouble autistique par un âge de début plus tardif, une symptomatologie atypique ou sous le seuil (American Psychiatric Association et al., 2000)