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Climat, Energie et Compétitivité des entreprises : pour une triple alliance

Dans le document Les économistes et la croissance verte (Page 163-167)

Engagée au milieu des années 2000, la lutte contre le changement climatique est désormais bien intégrée par les entreprises assujetties au système européen d’échange de quotas CO2. Il n’est qu’à noter l’absence de débat tant sur l’atteinte de l’objectif climat d’émissions de gaz à effet de serre au terme de la première période d’engagement du protocole de Kyoto et de la phase II du système européen que sur le fonctionnement de l’instrument marché, innovation majeure de politique publique : transparent et efficace, il n’a connu comme accidents que les effets d’acteurs extérieurs au système, fraudeurs en particulier, et sa sécurisation est engagée.

Depuis 2009, en phase avec l’approche publique conjointe Energie et Climat, les industriels ont engagé des projets répondant à la fois à l’enjeu de la transition énergétique et à celui de la transition bas carbone: produits économes en ressources, efficacité énergétique, réduction de gaz à effet de serre, énergie renouvelable…

Si les entreprises ont montré leur allant, elles doivent être épaulées pour mettre en place des stratégies ambitieuses et intégrées avec :

- des stratégies de renforcement géopolitique de la compétitivité - une visibilité de la politique publique à long terme.

Les enjeux pour l'industrie

Les entreprises, notamment celles intensives en énergie, sont exposées à deux défis : distorsion de la concurrence intra-européenne et asymétrie de compétitivité internationale.

 Les industriels sont notamment préoccupés à court terme par une mise en œuvre différenciée, au niveau de chaque état-membre, de la compensation des émissions

Philippe Rosier

est Président de Solvay Energy Services et membre du Con-seil économique pour le développement durable (CEDD).

indirectes dans le prix de l’électricité et par les mécanismes nationaux de stimulation de la compétitivité des industriels à l’occasion de l’arrêt d’un parc nucléaire (exemple : dégrèvement des coûts de transport sur le réseau allemand pour certaines catégories de consommateurs électriques) ou de la constitution ou d’un parc d’énergie renouvelable (exemple : détaxation de ces énergies outre-Rhin). Les arbitrages nationaux à prendre seront cruciaux pour la position de ces filières industrielles, comme le PVC, qui sont sous la menace de tels dispositifs quand la part énergie / émission dans les coûts de l’amont peut représenter 50%.

 Au-delà des frontières de l’Union, l’incertitude sur l’émergence d’accords contraignants sur les émissions de gaz à effet de serre et le report à 2020 du calendrier de mise en place éventuelle ancre pour la décennie un différentiel de compétitivité.

 Simultanément, des pays comme les Etats-Unis déploient des stratégies agressives sur la mise en production des gaz non conventionnels. La transformation du profil de compétitivité des offres de gaz déséquilibre la géographie des investissements d’industries fortement consommatrices comme la chimie. Les industriels intensifs en énergie ont besoin que l’offre énergétique bas carbone compétitive de la France, commencée avec la mise en place d’Exeltium, soit revue à la lumière de ces derniers développements, bien sûr en cohérence avec les choix environnementaux de la nation.

 De ce point de vue, les capacités de développement de gaz de schiste en France constitue une chance exceptionnelle pour la France. Cette ressource pourrait fort opportunément compléter l’avantage compétitif du nucléaire et hydro français, pour venir apporter une solution nationale dans les secteurs diffus (bâtiment et transport), dans la pointe électrique et dans l’aval énergie intensif et chimique. Il s’agirait de mettre en œuvre, dans des conditions d’exploitations environnementalement irréprochables et dans un schéma acceptable pour toutes les parties, une véritable filière industrielle basée sur une ressource nationale. Ce projet devrait être une grande cause nationale en réponse aux défis environnementaux et énergétiques de la France.

La nécessité de préparer dès à présent la politique Climat post-2020

L’absence d’un signal clair sur la politique Climat post 2020 est un frein pour engager les transformations structurelles nécessaires pour évoluer vers une économie bas carbone. La position de la Pologne sur des jalons intermédiaires de la Feuille de Route Bas Carbone 2050 retarde les travaux sur la politique Climat 2020-2030. Prenant acte de l’absence d’horizon au-delà de la phase III du système européen d’échange, le signal prix donné par le marché CO2 ne stimule pas actuellement les entreprises à couvrir leurs émissions de gaz à effet de serre dans les années à venir ni à engager des investissements économes en carbone pour se préparer aux contraintes postérieures. Les entreprises ont besoin de définir une cible pour leur activité à l’horizon 2030 et proposent une réforme structurelle du système européen d’échange de quotas.

La préparation de cibles sectorielles 2030, prenant en compte à la fois les opportunités de réduction d’émission avec de nouveaux produits économes en carbone et la défense de la compétitivité des entreprises soumises aux risques de fuites de carbone doit être engagée résolument.

 Pour les activités entrant dans le système européen d’échange de quotas CO2 et exposées au risque de fuite de carbone, les benchmarks d’allocation gratuites doivent être maintenus à l’horizon 2030, à des niveaux cohérents avec le temps de cycle d’investissement vers une industrie bas carbone. Dans le même esprit, le maintien de la compensation des émissions indirectes au niveau de benchmarks est à poursuivre.

 L’absence de pression résiduelle forte pour tenir les engagements d’émissions à l’horizon 2020 conduit de nombreux secteurs économiques échappant au système européen d’échange à ne pas prendre en compte de prix carbone. Les initiatives qui seront déclenchées par la directive Efficacité énergétique ont valeur d’exemple à suivre. Par exemple, l’habitat est un gisement de réductions d’émissions qui peut être mobilisé par la conjonction d’un stimulus politique et par le développement et l’emploi de matériaux de constructions innovants.

 Les dispositifs souples et ciblés tels que certificats d’énergie renouvelables permettent déjà dans certains pays européens aux industriels de substituer en « co-combustion » du charbon très émetteur de CO2 par de la biomasse. Ce type d’utilisation permet des gains substantiels d’émission de CO2 à coût et prise de risque maîtrisés pour les industriels et la collectivité.

Par ailleurs, l’absence d’élasticité de l’offre du système européen d’échange de quotas montre actuellement ses limites ; la réflexion doit être engagée sur une réforme structurelle avec la mise en place après 2020 d’une Banque Centrale Européenne du Carbone à même d’ajuster l’offre en toute indépendance dans le cadre d’un mandat à long terme combinant climat-énergie et compétitivité.

Dans le document Les économistes et la croissance verte (Page 163-167)

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