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TI CLAVDIO MELIPHTONGO OBVLTRONIANO

LA NOMENCLATURE DES AFFRANCHIS

TI CLAVDIO MELIPHTONGO OBVLTRONIANO

PVBLIC. AB SVBSEL. TRIBVNORVM VIX. ANN. XL

89CIL,VI, 8470 (= Dessau, 1535) : « Carpus Pallantianus, affranchi d’Auguste, assistant de Claudius

Athenodorus, préfet de l’annone, a fait ceci pour lui-même et pour Claudia Cale, son épouse très respecteuse et pour Tiberius Claudius Romanus, son esclave né dans sa maison, et pour ses affranchis et affranchies et leurs descendants. » Cf. infra p.88, note 140

90 Annexe I, I.2, p. 341

91 M. Cébeillac-Gervasoni et F. Zevi, Un nouveau préfet de l’annone connu grâce à une inscription

inédite d’Ostie, in : Epire, Illyrie, Macédoine : mélanges offerts au professeur Pierre Cabannes, Presses

PRIMITIVVS PATRI CARISSIM. POSVIT 92

Meliphtongus, dont l’étymologie signifierait celui qui « possède une voix douce comme le miel », aurait donc été affranchi par Claude ou Néron, mais porte deux surnoms : le premier est son nom servile, à consonance grecque, puis un deuxième, suffixé en –ianus, « Obultronianus », qui permet d’identifier un maître précédent, dont le nomen serait Obultroneus : « celui qui agit rapidement ».

Dans le roman de Pétrone également, le personnage de Trimalcion souhaite que soit ajouté en guise de deuxième surnom, le nom propre Maecenatianus. Ce mot, formé sur celui de Mécène, montre que l’affranchi s’inscrivait dans la lignée de ce fameux et généreux protecteur des arts, dont il pensait avoir hérité les qualités. Cette pratique du second surnom, appelé agnomen, existait encore sous l’Empire mais fut abandonnée au milieu du premier siècle ap. J. - C.93

Un autre cas de figure permettant de considérer le nom gravé comme celui d’un affranchi, était l’indice que l’esclave appartenait à un collège funéraire. Cela ne sera cependant véritablement possible que sous le règne de Marc-Aurèle, qui avait accordé le ius manumittendi à certains collegia.94 Concrètement, l’affranchi portait un nomen dérivé du collège auquel il appartenait, comme le montre l’inscription de cet affranchi, nommé Monetius :

P. MONETIVS SOC. L. PHILOGENES VASCVLARI

VETVRIA C. L. SALVIA SIBEI ET SUEIS 95

Philogenes apparaît ici comme l’affranchi d’un collège composée de socii, c’est-à-dire d’associés qui travaillaient dans le secteur de la monnaie, comme l’indique le nomen formé sur le mot monetarii.

92 CIL, VI, 2340 : « Aux dieux Mânes. A Tiberius Claudius Meliphtongus Obultronianus, fonctionnaire

attaché aux bancs des tribuns, qui a vécu 40 ans. Primitiuus a réalisé cela pour son très cher père. »

93 C. Brunet, La vision de l’affranchi chez Pétrone : terminologie et discours, in : Actes du XXXème Colloque du GIREA : La fin du statut servile. Affranchissement, libération, abolition, passage à d’autres formes

de dépendance, Presses Universitaires de Franche-Comté, Besançon, 2008, p.251-262

94 J.P Waltzing, Etude historique sur les corporations professionnelles chez les Romains depuis les

origines jusqu’à la chute de l’Empire d’Occident, Louvain, 1895, Tome 1, p.455-456

95 CIL, VI, 9953 : « Publius Monetius Philogenes, affranchi de membres d’une association, fabricant de

vases.

Un collège ne possédait pas forcément des artisans exerçant le même métier qu’eux ; comme l’or et l’argent servaient aussi à battre monnaie, l’affranchi avait choisi ce collegium car il se rapprochait le plus de sa propre activité. Différents nomina pouvaient donc exister tels que celui de Fabricius 96 (du nom du collège des ouvriers, les fabri) ou Nauicularius 97 (du nom du collège des armateurs, les nauicularii).

L’affranchissement accordant donc les tria nomina, une identité proche de celle des citoyens romains était alors octroyée aux anciens esclaves. C’était en tout cas l’image qu’ils allaient pouvoir donner dans la société. Cependant, nous avons vu que la trace de leur servilité demeurait dans leur cognomen car il reprenait celui porté lors de leur servilité. De plus, ces derniers ne possèdaient pas de famille légitime, si bien que c’était à la gens de leur maître qu’ils continuaient d’être rattachés et, à leur affranchissement, ils devaient porter le praenomen et le nomen de celui qui devenait leur patronus.

Dans le cas où une femme affranchissait, comme elle n’avait pas de tria nomina, c’était le praenomen et le nomen du père de cette femme que son esclave allait porter, comme dans cette inscription retrouvée à Pompéi :

M. ARRIVS

ɔ

L. DIOMEDES

SIBI SVIS MEMORIAE

MAGISTER PAG. AUG. FELIC. SUBURB. 98

Le symbole « ɔ » dans les inscriptions correspond à l’abréviation renversée de Gaius, pour signifier Gaia, et précise donc que c’est une femme qui affranchissait son esclave.

Selon ces codes, nous pouvons donc remonter au nom du père de la femme qui était à l’origine de la manumission de Diomedes, qui se nommait alors Marcus Arrius.

96 CIL, V, 4422 : Cette inscription, trouvée dans la région de Brixia, en Gaule Transpadane, a été réalisée

par Fabricius Centonius Cresimus, pour sa femme Fabricia Centonia Arethuse et sa fille Chresime.

97 CIL, XII, 853 : Cette inscription, trouvée à Arelate (Arles) est celle de Quintus Nauicularius Victorinus,

pour sa femme Valeria Seuerina. On notera que sur la partie droite de la stèle figure une ascia, un marteau de tailleur de pierre, outil illustrant le métier de l’affranchi, qui travaillait donc à la construction de bateaux, sur les rives du Rhône.

98 CIL, X, 1042 : « Marcus Arrius Diomedes, affranchi d’Arria, chef du faubourg suburbain d’Augusto Felix, a fait ceci pour lui-même et pour les siens, pour mémoire.» Annexe I, I.3, p. 342

Sur une autre inscription, située sur la villa pompéienne de Diomedes, nous lisons l’intitulé suivant :

ARRIAE M. F

DIOMEDES L. SIBI SVIS 99

La femme à qui était dédiée cette inscription pourrait être la patrona de Diomedes, qui l’avait affranchi et avait reçu ainsi cette marque de reconnaissance. Il se pourrait également que ce soit la fille de Diomedes, née après l’affranchissement de son père, mais la mise en valeur du nom Arriae, suivi du F(iliae), entraîne un contraste trop grand avec le nom Diomedes qui lui est suivi du L(ibertus), ce qui tend à montrer que les deux personnages avaient des statuts sociaux très différents. De plus, l’affranchi pensait « à lui et aux siens », dans la formule traditionnelle de fin, ce qui confirmerait donc qu’Arria était bien la patronne de Diomedes.

En observant ainsi les codes liés à la nomenclature, nous pouvons donc reconnaître le statut d’un affranchi et recueillir des renseignements intéressants sur sa situation personnelle et avoir des détails qui pourraient nous permettre de comprendre la place que celui-ci occupait dans la cité.

Toutefois, le poète Perse nous parle ainsi du nom qu’un affranchi fut amené à porter après la cérémonie de manumission :

Hic Dama est non tresis agaso ( Verterit hunc dominus, momento turbinis exit

Marcus Dama ; papae ! 100

Teinté d’ironie, ce propos montre bien que le procédé de l’affranchissement, en dehors du fait qu’il soit rapide et, ici, peu regardant sur la valeur de l’esclave qui allait recevoir la liberté, faisait perdurer un lien étroit entre le maître et son ancien esclave.

99 CIL, X, 1043 : « A Arria, la fille de Marcus, de la part de l’affranchi Diomedes, pour lui-même et pour

les siens. »

100 Perse, Satires, V, vv.76-79 : « Ce Dama est un palefrenier qui ne vaut pas trois as (…) que son maître le fasse tourner et, en une pirouette, voilà Marcus Dama, diantre ! »

Le changement de nom qui s’opérait confirme ce lien et l’affranchi était toujours considéré comme ayant appartenu à tel ou tel citoyen. Dans cette situation, il est intéressant de savoir comment l’affranchi allait se comporter : en tirerait-il profit ou chercherait-il, au contraire, à se démarquer de son patron ?

I. 3. 2 : L’intérêt porté aux tria nomina du maître :

Caius Pompeius Trimalchio : à plusieurs reprises, 101 dans le Satiricon de Pétrone, Trimalcion, le truculent affranchi clame fièrement, et à plusieurs reprises, ses tria nomina au cours du banquet qu’il organise pour affirmer non seulement sa condition d’homme libre mais aussi pour rendre hommage à son maître qui a rendu ceci possible.

Recevoir le nom de son ancien maître était vu, en effet, comme un honneur si l’affranchi avait pour patron un personnage illustre de la cité dans laquelle il vivait. C’était avec une fierté non dissimulée qu’il affichait son lien d’appartenance à une grande famille romaine. C’était aussi le moyen pour lui de prouver sa loyauté et sa fidélité à son ancien maître, car ce dernier pouvait à son tour s’enorgueillir de posséder une clientèle dévouée. Cette position sera naturellement amplifiée si l’affranchi avait pour patron l’Empereur ou un membre de la famille impériale. Voici quelques exemples illustrant ces comportements :

Tout d’abord, Zosimus, qui était l’un des affranchis de l’ancien consul M. Aurelius Cotta, avait bénéficié, de la part de son maître, du cens équestre, dont le montant était de 400 000 sesterces. Ainsi, cette somme put servir à l’éducation des enfants de Zosimus, ainsi qu’à leur vie future. Le texte de cette inscription, elle-même réalisée aux frais de Cotta, nous rappelle la gratitude réciproque que ces deux personnages avaient l’un pour l’autre :

M. AVRELIVS COTTAE MAXIMI L. ZOSIMVS ACCENSVS PATRONI