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1 Problématique de l’obésité

1.5 Le phénotype d’obésité sans anomalie métabolique

1.5.1 Classification et prévalence des individus MHO

L’absence d’un consensus quant à la définition des individus MHO rend leur identification complexe (Samocha-Bonet et al. 2014). En effet, plus de 15 classifications différentes ont été répertoriées à ce jour afin de catégoriser les individus ayant un IMC élevé, mais un profil métabolique non altéré, chacune utilisant divers critères afin d’identifier le plus précisément possible cette population (Primeau et al. 2011). Chaque classification se base sur la combinaison d’une mesure de l’obésité de l’individu et de différents facteurs de risque cardiométabolique dont les valeurs-seuils varient selon l’approche utilisée. De ces nombreuses classifications, 6 sont plus couramment utilisées (Tableau 1.3) (Velho et al. 2010). Celle établie par Karelis et al. a été l'une des premières à mettre en évidence les principales caractéristiques des sujets présentant un phénotype MHO en comparaison à des individus MUHO. Ainsi, la SI et les niveaux sanguins de HDL-cholestérol sont plus élevés alors que la quantité de TA intra-abdominal et le taux sanguin de TG sont plus faibles chez les individus MHO que MUHO, et ce, à âge et masse grasse comparables (Karelis et al. 2004).

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Tableau 1.3 Critères utilisés dans les définitions du phénotype MHO.

(Wildman et al. 2008)

(Karelis et

al. 2004) (Lynch et al. 2009)

(Meigs et al. 2006) (Aguilar-Salinas et al. 2008) Tension artérielle TAS ≥ 130 ou TAD ≥ 85 mmHg ---- TAS ≤ 130 ou TAD ≤ 85 mmHg et absence de traitement TAS ≥ 130 ou TAD ≥ 85 mmHg ou traitement TAS/TAD < 140/90 mm Hg TG ≥ 1,70 mmol/L mmol/L ≤ 1,70 ---- ≥ 1,70 mmol/L ---- HDL- CHOL < 1,04 mmol/L (H) < 1,30 mmol/L (F) ou traitement ≥1,30 mmol/L ---- < 1,04 mmol/L (H) < 1,30 mmol/L (F) ≥1,00 mmol/L LDL- CHOL ---- ≤ 2,60 mmol/L ---- ---- ---- CHOL total ---- < 5,20 mmol/L ---- ---- ---- TG/HDL- CHOL ---- ---- ≤ 1,65 (H) ou ≤ 1,32 (F) et absence de traitement ---- ---- Glycémie à jeun ≥ 5,55 mmol/L ou traitement ---- 5,60 mmol/L et absence de traitement ≥ 5,60 mmol/L ou traitement < 7 mmol/L et absence de traitement HOMA-IR ≥ 90e percentile ≤ 2,70 ---- ---- ---- Autres CRP ≥ 90e percentile CRP ≤ 3,0 mg/L Aucune histoire de pathologies cardiorespiratoires et métaboliques Circ. taille ≥ 102 (H) et ≥ 88 cm (F) ---- Critères

retenus < 2 parmi tous

≥ 4 parmi

tous Tous

< 3 parmi

tous Tous

Adapté de (Velho et al. 2010). CHOL: cholestérol; Circ: circonférence; CRP: Protéine C- réactive; F: femmes; H: hommes; TAS: tension artérielle systolique; TAD, tension artérielle diastolique; TG: triglycérides. Les autres abréviations sont déjà définies dans le texte.

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La prévalence des individus avec obésité présentant un profil métabolique sain varie selon divers facteurs. Tout d’abord, la proportion d’individus catégorisés MHO diffère en fonction de la classification utilisée pour les identifier. Le Tableau 1.4 issu de la revue de Primeau et al. montre que le pourcentage d’individus MHO varie de 18 % à 44 % selon les études répertoriées (Primeau et al. 2011). Cette différence est due au fait que chaque étude utilise des valeurs-seuils distinctes relativement aux variables sélectionnées dont notamment l’indice de RI, le HOMA-IR, les niveaux sanguins de TG, de HDL-cholestérol, de CRP, de glucose et d’insuline à jeun (Velho et al. 2010; Primeau et al. 2011). À titre d'exemple, l’analyse d’une cohorte italienne de 681 sujets avec une obésité par Iacobellis

et al. a montré qu'en utilisant des critères bien précis (Tableau 1.4), le pourcentage

d’individus présentant une obésité, mais exempts d'apparentes complications physiques ou métaboliques est de 27,5 % (Iacobellis et al. 2005). Dans le même ordre d'idées, une étude prospective regroupant 7122 participants issus de la cohorte Whitehall II et suivis pendant 17 ans s'est intéressée au risque de développer des MCV et un DT2. De la population totale, 9.2% présentent une obésité et la moitié d'entre eux (soit 42.5%) répond aux critères du phénotype MHO défini selon le National Cholesterol Education Program Adult Treatment

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Tableau 1.4 Prévalence du phénotype MHO selon les classifications utilisées.

Étude Nombre de sujets Prévalence Classification utilisée

(Karelis et al. 2008) 139 femmes avec obésité post-ménopausées 23%

HOMA-IR ≤ 2,7

HDL-CHOL≥ 1,3 mmol/L TG ≤ 1,7 mmol/L LDL-CHOL ≤ 2,6 mmol/L CRP ≤ 3 mg/L

MHO: 4 des 5 critères

(Wildman et al. 2008) 5440 hommes et femmes 31,7%

TAS/TAD < 130/85 mmHg TG < 1,7 mmol/L

HDL-CHOL ≥ 1,03 mmol/L (H); et ≥ 1,29 mmol/L (F)

Glycémie à jeun < 5,6 mmol/L HOMA-IR ≤ 5,13

CRP ≤ 0,1 mg/L

MHO: 0 à 1 complication cardiométabolique

(Shin et al. 2006) 129 femmes en surpoids ou avec obésité 18%

HOMA-IR < 1,95 TG < 1,7 mmol/L CHOL total < 5,2 mmol/L LDL-CHOL < 2,6 mmol/L HDL-CHOL > 1,1 mmol/L MHO: 4 des 5 critères (Aguilar-Salinas et al.

2008) 716 hommes et femmes 24%

IMC > 30 kg/m2

HDL-CHOL ≥ 1,03 mmol/L Absence de DT2 et d’HTA

MHO: présence de tous les critères (Meigs et al. 2006) 2902 hommes et femmes 44%

Absence de SMet ou de RI basée sur l’indice HOMA-IR

MHO: trois quartiles d’indice HOMA-IR les plus faibles

(Lynch et al. 2009) 120 hommes et femmes avec obésité 20%

Glycémie à jeun ≤ 5,6 mmol/L TAS/TAD < 130/85 mmHg

TG/HDL-CHOL ≤ 1,65 (H) et ≤ 1,32 (F) MHO: présence de tous les critères

(Iacobellis et al. 2005) 681 hommes et femmes caucasiens avec obésité 28%

Glycémie à jeun < 100 mg/dL Tolérance au glucose normale TAS/TAD < 130/85 mmHg Lipidémie normale

Insulinémie à jeun < 15 μU/mL Acide urique < 333 μmol/L (F) et < 416 μmol/L (H)

NGB < 10 000 cellules/100 mL Fibrinogène plasmatique < 4,00 g/L MHO: présence de tous les critères (Stefan et al. 2008) 314 hommes et femmes avec obésité 24% Absence d’une RI en référence à un indice Matsuda établi à partir d’une HGPO (McLaughlin et al.

2007)

211 hommes et femmes

avec obésité 33%

Absence d’une RI basée sur un test de suppression d’insuline

MHO: tertile de glycémie le plus faible

Adapté de (Primeau et al. 2011). NGB: nombre de globules blancs. Les abréviations retrouvées dans ce tableau ont été déjà définies dans le Tableau 1.3 et dans le texte.

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Par ailleurs, le pourcentage de sujets porteurs du phénotype MHO défini par l’absence d’éléments du syndrome métabolique (SMet) et d’un diagnostic antérieur de MCV, malgré un IMC ≥ 30 kg/m2, est variable selon le pays européen considéré (van Vliet-

Ostaptchouk et al. 2014). Il s’avère qu’au sein des 10 cohortes examinées, la prévalence des individus MHO varie de 2 % (Finlande) à 19 % (Italie) chez les hommes et de 7 % (Finlande) à 28 % chez les femmes (Royaume-Uni) (Figure 1.5). De plus, en omettant les différences géographiques des cohortes, le profil MHO est observé plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes. Cette différence liée au sexe a été également mise en évidence dans l’étude de Velho et al., dont l’objectif était d'estimer la prévalence du phénotype MHO selon des définitions distinctes (Velho et al. 2010). Ainsi, à partir d’une cohorte de 2803 femmes et 2557 hommes, la proportion de sujets MHO a été évaluée en combinant le degré d’obésité défini soit par l’IMC, la circonférence de la taille ou le % MG et les 6 définitions les plus communément utilisées (Tableau 1.3). Au sein de cette cohorte suisse, la prévalence des individus MHO varie entre 11 et 43 % chez les femmes et de 3 à 32 % chez les hommes, selon la méthode d’évaluation utilisée (Velho et al. 2010). De plus, à l’exception de la prévalence établie selon la définition de Karelis et al., la proportion du sous-groupe MHO est plus importante si le degré d’obésité est évalué grâce au tour de taille ou au % MG, en comparaison à l’IMC, et ce, indépendamment du sexe des sujets (Karelis et al. 2004). Par ailleurs, la prévalence des individus MHO fluctue en fonction de l'âge. Ainsi, la prévalence du phénotype MHO d'une population américaine évaluée par Wildman et al. s’avère plus importante chez les individus jeunes et diminue progressivement avec le vieillissement (Wildman et al. 2008). À ce propos, les individus MHO représentaient 47,7 % des sujets âgés de 20 à 34 ans, 31,1 % de ceux ayant entre 35 et 49 ans, 20,4 % des individus de 50 à 64 ans, 14,3 % de ceux entre 65 et 79 ans et près de 22,1 % de ceux âgés de plus de 80 ans. Bien que ces données transversales puissent suggérer le maintien du phénotype MHO dans le temps, ceci ne semble pas le cas. En effet, une méta-analyse a recensé 8 études (n = 61 386 sujets) qui ont examiné le risque de mortalité toutes causes confondues ainsi que le nombre d’évènements cardiovasculaires. En considérant les études qui ont effectué un suivi de plus de 10 ans, les individus MHO présentent un risque accru de complications (entre autres cardiométaboliques) en comparaison aux individus sains, cette augmentation du risque s’avère similaire à celle des sujets MUHO (Kramer, Zinman, and Retnakaran 2013). Enfin, l'ethnicité semble aussi influencer la prévalence du phénotype MHO, cette dernière étant la plus faible chez les individus caucasiens et la plus élevée chez les afro-américains (Wildman et al. 2008). De toute évidence, la prévalence du phénotype

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MHO est également dépendante de facteurs génétiques, culturels et environnementaux, mais aussi d'habitudes de vie compatibles avec une bonne santé dont une alimentation saine et un niveau accru d'AP, rendant ainsi encore plus complexes, son dépistage et son évaluation (Navarro et al. 2015).

Figure 1.5 Prévalence du syndrome métabolique (SMet) et du phénotype métaboliquement sain d’obésité (MHO) standardisée pour l’âge chez des sujets avec obésité (IMC ³ 30 kg/m2) masculins (A) et féminins (B) de différentes cohortes européennes.

Tiré de (van Vliet-Ostaptchouk et al. 2014)

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