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La classe des sulfonamides

Chapitre II : Synthèses et fonctionnalisations d’inhibiteurs des anhydrases carboniques en

II. La classe des sulfonamides

Dès la première preuve de leurs propriétés inhibitrices envers l’anhydrase carbonique en 1940 par Mann et Keilin,136 la classe des sulfonamides et de ses bioisostères a conduit au développement de nombreux inhibiteurs qui se trouvent aujourd’hui à l’origine de la quasi-totalité des agents utilisés en clinique. Ces inhibiteurs ont fait l’objet de plusieurs études cinétiques, physiologiques et pharmacologiques.137 De nombreuses structures cristallographiques de complexation entre des inhibiteurs de type sulfonamide et le site actif de différentes isoformes de la CA sont également disponibles.107,138 Ces données permettent de mettre en évidence la coordination de l'azote du sulfonamide déprotoné avec l’atome Zn2+ du site actif. Cette liaison a pour conséquence la substitution de la molécule d'eau liée au zinc, stabilisée par deux liaisons hydrogène entre la fonction sulfonamide et le résidu thréonine (Thr199) présent à proximité du site actif. Il en résulte ainsi la formation d’un adduit tétraédrique (Figure 31).

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Figure 31 : Complexation de la fonction sulfonamide au site actif de la CA.

Le fait de combiner la charge négative de l’azote déprotoné avec l’atome de zinc chargé positivement, et la présence d’un proton sur l’azote coordiné avec le résidu thréonine (Thr199) font de la fonction sulfonamide un inhibiteur idéal du site actif de la CA. Enfin, selon la nature du substituant de la fonction sulfonamide (R), des interactions supplémentaires avec la région hydrophile et/ou hydrophobe aux abords du site actif peuvent permettre d’augmenter l’affinité du ligand envers l’enzyme.

La fonction sulfonamide est connue, à ce jour, pour être la fonction par excellence permettant d’avoir le plus d’affinité pour l’anhydrase carbonique. Cependant, elle manque cruellement de sélectivité pour les différentes isoformes de la CA en raison de la conservation des résidus présent au fond du site actif. Les résidus qui distinguent les isoformes sont situés à l’écart de l’ion métallique (Zn2+) et principalement à l'entrée du site actif.106,139,140 Certaines de ces différences de résidus permettent de moduler l'hydrophobicité et la charge tandis que d'autres modifient le volume et la forme de la cavité du site actif.

A l’aide de ces données, de nombreux groupes se sont penchés sur le développement d’inhibiteurs plus sélectifs. Une grande stratégie ressort de la plupart des travaux décrits et se base sur les interactions possibles que l’inhibiteur peut créer avec les différents résidus non conservés du site actif. Ainsi un modèle général a pu être établi pour la conception d’inhibiteur (Figure 32).

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Figure 32 : Stratégie pour la conception d’inhibiteurs plus sélectifs des différentes isoformes de la CA.

La structure d’un inhibiteur modèle peut être divisée en trois parties. La première comporte la fonction qui se lie à l’atome de zinc (ZBF : Zinc Binding Function) et qui va aussi interagir avec le résidu aminé Thr 199 voisine du site actif de l’enzyme. Le choix de cette fonction est important puisque la coordination avec le métal conduit à l’inhibition de l’enzyme et apporte une énergie de liaison significative via des interactions supplémentaires avec les résidus aminés du site actif de l’enzyme. La modification de la nature de la fonction liant l’atome de zinc a fait l’objet de plusieurs études. Parmi elles, l’utilisation des bioisostères du sulfonamide comme les sulfamides (NHSO2NH2) et les sulfamates (OSO2NH2), a permis d’obtenir des résultats intéressants. En effet, la substitution du carbone du sulfonamide par un atome d’azote ou d’oxygène conduit à des modes de liaisons différents au sein du site actif. Ces atomes sont capables, en comparaison avec l’atome de carbone, de participer à des liaisons hydrogènes ce qui permet d’augmenter la stabilité et l’affinité de l’inhibiteur à l’intérieur du site actif (Figure 33).

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La seconde partie de l’inhibiteur est composée d’un squelette organique qui peut être de différente nature et permet des interactions par liaisons hydrogènes avec les résidus d’acides aminés situés dans la poche hydrophile et hydrophobe du site actif. Les premiers inhibiteurs qui ont démontré de grosse affinité avec les CAs et qui ont été largement développé, sont de nature aromatique ou hétérocyclique. Cependant, des squelettes organiques de nature aliphatique ont été aussi utilisés. Winum et coll. ont développé, sur deux projets, des séries d’inhibiteurs sulfamate141 et bis-sulfamate142 aliphatique. Ces types de composés peuvent être très affins pour la CA avec des constantes d’inhibition atteignant le nanomolaire. De plus, la longueur de la chaine peut moduler la sélectivité envers un des isoformes.

Enfin la dernière partie permet d’utiliser certains motifs afin d’améliorer les propriétés physicochimique de l’inhibiteur. Par exemple, l’utilisation de dérivés cationiques tels que des sels de pyridiniums143 ou bien l’utilisation de sucre144, rend plus difficile le passage de la membrane cellulaire aux inhibiteurs. Grâce à cette approche, il est possible de moduler la sélectivité des inhibiteurs vers les isoformes transmembranaires.

Pour conclure, un grand nombre de molécules ont pu être synthétisées autour de cette stratégie. Néanmoins, il reste à ce jour très difficile de développer un composé actif avec une très forte sélectivité sur l’une des isoformes de la CA. D’autres stratégies ont été employées pour essayer de répondre à cette problématique. Ainsi, l’une d’entre elle a permis de mettre en évidence des structures de types polyamines127, dithiocarbamates145 ou coumarines capables d’inhiber efficacement la CA avec des sélectivités intéressantes.