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2- Deuxième axe : les technologies, leurs expérimentations, leur développement socio-économique

2.4 Chute, perte de mobilité et troubles de l’activité Les détecteurs de chutes

Après de nombreux essais infructueux ou malheureux sur le plan commercial et à l’instar des géolocalisateurs, des capteurs de chutes de plus en plus fonctionnels voient le jour depuis quelques années (Williams et al., 1998; Noury et al., 2000; Noury, 2002; Brownsell et Hawley, 2004; Bourke et Lyons, 2007). Ces dispositifs sont tous conçus pour envoyer automatiquement, par voie téléphonique ou par Internet, des alertes à un centre de télésurveillance (ou simplement une personne, sur son téléphone portable) chargé d’appliquer une procédure de secours d’urgence. Certains intègrent également la fonction d’actimétrie (ou quantification des actions, cf. 2.3.2).

En France, plusieurs dispositifs ont été conçus dans des laboratoires de recherche ou par des industriels, et sont en voie d’expérimentation et de commercialisation (Noury et al., 2007). Parmi eux, on peut citer les actimètres-capteurs de chutes développés au laboratoire TIMC-IMAG, à l’Institut National des

Télécommunication d’Evry ou par le CEA-LETI à Grenoble. Le plus souvent portés à la ceinture ou cousus dans un vêtement, ces dispositifs sont à la fois très sophistiqués sur le plan technique et de plus en plus fiables sur le plan des performances (sensibilité et spécificité de détection). Associés à des dispositifs de levée de doute prenant en compte les valeurs d’autres capteurs disposés sur le lieu de vie, ces détecteurs de chutes ou de malaises voient leurs performances décuplées ; l’oubli de port du capteur par la personne à risque est notamment pris en compte par ces dispositifs complexes. Une personne fragile, dont le tableau clinique montre un risque élevé de chutes, pourrait grâce à de tels dispositifs vivre seule à son domicile avec un niveau de sécurité relativement élevé.

Représentatif des recherches sur la problématique de la chute, le projet Parachute (www.altivis.fr/-Le-projet-PARAchute-personnes-.html) a pour objectif de proposer une méthodologie et une technologie permettant de déceler chez la personne âgée à domicile une évolution vers un risque de chute. Des capteurs sont intégrés à des dispositifs usuels au domicile sans perturbation de l’environnement habituel ; leurs données sont utilisées pour effectuer une évaluation de la qualité de l’équilibre et de la qualité de la marche.

L’idée qui est à la base de ce type de dispositif n’est pas d’isoler une personne dans une bulle de capteurs, d’ordinateurs et de robots qui se chargeraient d’elle en tout point, permettant au reste des humains de l’oublier. Elle est au contraire de lui permettre de rester le plus longtemps possible chez elle, de différer le plus possible une institutionnalisation non désirée, de la tranquilliser ainsi que sa famille et de faciliter l’action des professionnels ou des aidants naturels en charge de son maintien à domicile. C’est donc une vision de haute technicité pour une bientraitance maximale. À charge pour l’ensemble des acteurs médicaux et sociaux, et de la famille, d’utiliser un tel dispositif à cette seule et unique fin (cf. chapitre 3).

Le télé-suivi des paramètres biologiques

Immédiatement après l’urgence constituée par la chute ou le malaise, c’est le suivi à moyen ou long terme des paramètres biologiques et environnementaux d’une personne sur son lieu de vie qui constitue un sujet de recherche et de développement (Bajolle, 2002). C’est ainsi que le poids, le pouls,

l’électrocardiogramme, l’oxymétrie et bien d’autres paramètres biologiques sont captés directement sur la personne ou par l’intermédiaire d’objets dédiés, analysés par des ordinateurs sur place ou à distance, fusionnés dans des modèles d’analyse multivariée prenant en compte l’ensemble du dossier médical, et présentés sur des écrans à des fins de suivi thérapeutique ou d’étude épidémiologique. Des calculs plus ou moins complexes sur ces données visent : a) l'étude de l'évolution temporelle de ces valeurs à des fins thérapeutiques (chronothérapie, analyse des rythmes biologiques, courbes de tendances…), b) l'identification automatique de classes de données (scénarios) et la reconnaissance automatique de survenue de l’une de ces classes dans un flux continu de données de capteurs, c) l'étude de la phase précédant les situations de crise en vue de repérer automatiquement l’approche de ces situations (identification d’une perte de poids ou de mobilité, ou d’une baisse de l’assurance de la marche), d) la recherche de corrélats entre données de différents capteurs pouvant conduire à l'identification de variables composites utiles à la médecine, e) l'évaluation de l'activité fonctionnelle du patient, etc. Il s’agit là de recherches d’avant-garde, faisant intervenir des outils mathématiques de haut niveau (raisonnement probabiliste, réseaux bayésiens, modèles de Markov cachés, logique floue, etc.) mais dont un certain nombre de sous-produits pourraient être utiles à court terme, soit pour des études épidémiologiques du sujet âgé sur son lieu de vie, soit pour des paramètres cliniques qui pourraient être utiles au médecin pour un suivi journalier du malade (cf. paragraphe suivant).

Les systèmes de mesure du comportement

Dans la lignée des recherches précédemment décrites, la mesure du comportement – ou actimétrie – constitue l’un des champs de prédilection de la recherche. La détection automatique d’un ralentissement de l’activité ou d’un écart de comportement par rapport à des habitudes de vie est une voie de recherche qui se développe depuis quelques années (Chan et al., 1999; Steenkeste et al., 2001; Campo et Chan, 2002; Chan et al., 2002; Duchêne et al., 2003; Banerjee et al., 2004; Campo et Chan, 2004; Barralon, 2005; Couturier, 2005; Scanaill et al., 2006). L’utilisation de tels dispositifs par des ergothérapeuthes et travailleurs

s’enrichit de l’amélioration constante des performances des capteurs, non seulement de chute mais aussi d’actimétrie, de présence en divers lieux d’un appartement ou de ses abords, des détecteurs de préhension d’objets de vie quotidienne (système RFID14) et des divers capteurs de données biologiques (pèses-personnes, cardiomètres, tensiomètres, etc.).

De nombreux systèmes de mesure du comportement et de téléassistance automatisée ont vu le jour ces dernières années. Citons, pour la France, le système

PROSAFE développé par le laboratoire LAAS à Toulouse

(www.laas.fr/PROSAFE/), le système AILISA (Noury, 2005) expérimenté dans deux hôpitaux (CHU de Toulouse et Hôpital Charles-Foix, Ivry) et deux appartements privés d’un foyer-logement de personnes âgées, et le système GARDIEN (Steenkeste et al., 2001) qui permet de caractériser différents types de troubles du comportement parmi les personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Plusieurs auteurs ont étudié les déplacements nocturnes de malades atteints de démence (Chan et al., 1999; Steenkeste et al., 2001; Campo et Chan, 2002; Banerjee et al., 2004). Les cris sont également étudiés : les déments crieurs soumettent leur entourage à un stress qui fait passer le besoin de stopper le cri avant la recherche de sa signification ; un système d’analyse de la durée des cris et des agitations d’un patient dément (quiritachronomètre) a également été proposé pour permettre au médecin de donner une signification à ces cris et de les prendre en compte sans être envahi par le facteur émotionnel (Schaff et al., 2005).

Ces systèmes restent largement du domaine de la recherche. Cependant, des versions simplifiées seraient dès aujourd’hui utiles dans les EHPAD. Il serait par exemple utile pour le médecin de pouvoir disposer chaque matin d’un résumé d’activité nocturne avec histogramme du niveau d’agitation d’un malade atteint de troubles cognitifs et incapable de s’exprimer autrement que par gestes, agitation ou cris. Un tel dispositif, utilisé en milieu hospitalier pour des fins strictement

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RFID: Radio Frequency Identification. Ressemblant à des étiquettes, peu onéreux, sans source d’énergie externe et de fabrication de plus en plus courante, ces dispositifs permettent de détecter des actions dans un périmètre réduit (quelques dizaines de centimètres).

médicales, n’aurait d’autre but que d’affiner le traitement, favorisant ainsi l’idéal de qualité de soins au malade. Étant conçu pour des objectifs beaucoup plus ambitieux, les systèmes de plus grande ampleur cités précédemment sont capables de produire de tels objets très ciblés, dont l’utilité est reconnue par les gériatres et les soignants. Cet exemple simple du résumé matinal de niveaux d’activité nocturne montre l’intérêt de ce type de dispositif, mais aussi la difficulté de notre système de valorisation de la recherche d’en extraire des sous-ensembles directement utiles pour le malade, et par conséquent susceptibles de trouver un marché. Le problème ici n’est pas celui de la recherche, ni celui de la médecine, ni même celui de l’industrie : il est entre les trois et ne peut être résolu que par un rapprochement de ces univers. Les outils de rapprochement existent (incubateurs, pôles de compétitivité, …), mais il faut les renforcer.

Les déambulateurs

Les déambulateurs (ou « cadres de marche » ou encore « assistant ambulatoire ») sont dans leur version élémentaire des sortes de cannes à quatre pieds, avec ou sans roulettes, permettant à une personne souffrant de troubles de la marche mais possédant des ressources musculaires suffisantes de se déplacer sur ses jambes. Des chercheurs se sont penchés, depuis une quinzaine d’années, sur le concept de déambulateurs dotés de capacités « intelligentes » telles que l’évitement de collision ou le choix de l’itinéraire optimal en cas d’obstacle (Médéric et al., 2003; Rodriguez-Losada et al., 2005) (cf. aussi 2.7 Les robots domestiques).

En France, le projet le plus prometteur de déambulateur de haute technicité est conduit par le Laboratoire de Robotique de Paris. Il s’agit du déambulateur MONIMAD, constitué par des poignées mobiles pour se mettre debout depuis une posture assise, puis déambuler dans un appartement ou un service. Équipé d’un système de monitorage mobile pour la surveillance des chutes et des paramètres physiologiques15, il est défini ainsi :

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« Monimad possède des roues motorisées, et surtout des poignées "intelligentes" capables d’analyser en temps réel l’effort de poussée produit par la personne. Suivant la pression exercée, Monimad avance, freine ou stoppe. Les poignées intelligentes peuvent aussi détecter des situations de déséquilibre, permettant à Monimad de stabiliser le patient pour éviter la chute, source de traumatismes fréquents chez les personnes âgées. En outre, des capteurs à ultrasons placés à l’avant du robot permettent d’éviter tous les obstacles pouvant se présenter à proximité, et ainsi de guider le patient dans un environnement qu’il ne connaît pas parfaitement. »16

Une étude sur l’usage d’un assistant ambulatoire pas des malades Alzheimer a mis en évidence une amélioration significative de plusieurs variables comportementales et de qualité de vie (Trudeau, 2007).