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Chronologie et faciès céramique

Dans le document LATTARA (Lattes, Hérault) 2014. (Page 61-63)

Eric Gailledrat et Ariane Vacheret

teur 67 en cours de fouille, après enlève ment d’un épais remblai de sable (69032) A

2.3. Conclusions sur la phase 1S

2.3.1. Chronologie et faciès céramique

Avec un total de plus de 3500 fragments de céramique attribuables à des niveaux de la phase 1S, nous disposons d’un échantillonnage suffisant pour pouvoir proposer une première caractérisation de ce mobilier, tout en précisant la chronologie de cette phase dont il est désormais avéré qu’elle correspond aux premiers niveaux d’occupation, sinon de Lattara, du moins

de cette partie du site (PL. I-III).

Les enjeux sont en effet nombreux, en particulier eu égard à la confron- tation des données acquises ici avec celles de l’autre zone où les niveaux anciens du site ont été atteints, en l’occurrence la zone 27 (Lebeaupin 2014).

La datation proposée pour la phase 1S est le premier quart du Ve s. av. n.

ère, datation qui s’accorde avec celle proposée pour cette zone 27, à savoir l’intervalle -510/-480, avec « une préférence pour la partie récente de la fourchette » (Lebeaupin 2014, p. 323). On rappellera que dans ce quartier, construit en même temps que le premier rempart, les données matérielles (architecture et mobiliers) ne laissent aucun doute quant à la reconnais- sance d’une implantation étrusque.

Au niveau de la zone 1, le mobilier céramique (fig. 60) comprend un

certain nombre de marqueur chronologiques fiables, au premier rang des- quels on mentionnera la céramique attique ainsi que les amphores de Mar- seille, tandis que d’autres catégories possédant des fourchettes chronolo- giques plus larges ne peuvent au mieux que nous confirmer la datation retenue, sans pour autant pouvoir l’affiner.

Le mobilier étrusque présent ici comprend ainsi plusieurs formes de bucchero nero tardif, limitées aux bols B-NER Bo4 et B-NERO Bo5, of- frant pour le premier une datation comprise entre -525 et -475 et couvrant

tout les VIe-Ve s. av. n. ère pour le second. La kylix B-NERO Ky5 se rap-

porte quant à elle au même intervalle centré sur la fin du VIe et le début du

Ve s. av. n. ère. On note en revanche la présence résiduelle d’un fragment

plus ancien, à savoir un bord de canthare B-NERO Ct3e1 ou Ct3e2 qui

doit être attribué au début ou à la première moitié du VIe s. av. n. ère. Ce

fragment s’inscrit dans la courte liste de vestiges mobiliers témoignant a minima d’une fréquentation du site avant la fondation reconnue du début

du Ve s. av. n. ère.

Les amphores étrusques, majoritaires, se rapportent principalement au type A-ETR 4 et, dans une moindre mesure, au type A-ETR 3C, tous deux

offrant une chronologie large comprise entre la fin du VIe et le début du IVe

s. av. n. ère. Ici encore, un élément plus ancien considéré comme résiduel est attribuable à une amphore de type A-ETR 3B, ce qui nous renvoie de

manière globale aux trois premiers quarts du VIe s. av. n. ère.

Les amphores massaliètes, à pâte micacée, se répartissent quant à elles de manière assez régulière entre les types A-MAS bd1, A-MAS bd2 et A-MAS bd3, bien que le deuxième type soit le mieux représenté. Si les

bords de type 1 correspondent au premier quart du Ve s. av. n. ère, les bords

de type 2 et 3 présentent une chronologie un peu plus large, couvrant dans

un cas la première moitié du Ve s., dans l’autre les trois premiers quarts de

ce même siècle. De fait, nous avons là un faciès homogène datable des an- nées -500/-475 avec, à l’image de ce qui a été proposé pour la zone 27, le sentiment que l’on se situe plus près de la limite basse de cette fourchette.

La céramique attique, presque exclusivement à vernis noir, nous offre quelques précisions supplémentaires. À côté de formes assez ubiquistes de datation plus ou moins large mais néanmoins cohérentes avec la fourchette proposée, comme la coupelle AT-VN 939-950 (-500/-325), la coupelle

AT-VN 854-862 (-525/-425) ou le skyphos AT-VN 334-349 (-525/-375), d’autres formes indiquent de manière plus précise un intervalle compris

entre la fin du VIe et le début du Ve s. av. n. ère. Il s’agit principalement de

la coupe à bord concave de type C (AT-VN 398-413), datée entre -525 et -475, mais également d’un bord de kylix à figures noires de type AT-FN KyC1, daté quant à lui des années -530/-500. La présence d’un bord de Vi- cup (AT-VN 434-438) évoque en revanche un moment plus récent, à savoir

le deuxième quart du Ve s. av. n. ère. On notera cependant avec intérêt que

le fragment en question provient précisément du niveau de destruction de la phase 1S (us 53960). De fait, la céramique attique nous ne nous permet pas d’exclure une datation autour de -500 pour les niveaux les plus anciens ou, de manière plus prudente, le premier quart du Ve s. av. n. ère, sachant que cette catégorie de vaisselle peut comprendre des formes « anciennes » conservées longtemps en raison de leurs qualités esthétiques ou de l’usage particulier qui en est fait.

La datation souvent large des formes de céramique grise monochrome

(VIe-début du Ve s. av. n. ère) ou même des pâtes claires de type massa-

liète, peintes ou non peintes, ne permet pas d’affiner outre mesure ce ta- bleau. Concernant les pâtes claires, largement prédominantes par rapport aux séries à cuisson réductrice, on note toutefois la récurrence de formes

caractéristiques de l’intervalle compris entre la fin du VIe et la fin du Ve

s. av. n. ère. On citera ainsi les coupes à anses CL-MAS 425, particuliè- rement bien représentées, les coupes CL-MAS 429b ou 429c ou encore l’amphore CL-MAS 576. Nous avons donc ici de manière générale un

faciès caractéristique du Ve s. av. n. ère que certains éléments permettent

toutefois de rapporter plutôt à la première moitié de ce siècle. C’est en particulier le cas des coupes à anses de type CL-MAS 423, plus anciennes, datables de l’intervalle -575/-475. On notera également la présence d’un bord de lécythe CL-MAS 551, daté quant à lui des années -525/-450.

Une autre indication nous est fournie par la répartition de la vaisselle entre pâtes claires et grises monochromes. La prédominance des pre- mières, évoquée précédemment, est en effet symptomatique d’un faciès

du Ve s. av. n. ère. Plus précisément, la comparaison entre les données de

Lattara et celles du site voisin de la Cougourlude (Lattes) qui offre une

séquence couvrant le VIe et le début du Ve s. av. n. ère, montre que si les

grises monochromes dominent largement durant le VIe s. av. n. ère et en-

core à la fin de ce siècle, une inversion assez rapide entre ces productions et celles à pâte claire se produit durant l’intervalle -490/-475 (Lebeaupin 2014, p. 323).

La confrontation de ces différents éléments conforte la proposition de

datation de cette phase dans le premier quart du Ve s. av. n. ère. Si cette

image doit encore être affinée, elle n’en demeure pas moins cohérente avec les données acquises au niveau de la zone 27.

Ce faciès céramique de la zone 1,se doit également d’être appréhendé en termes culturels, avec en arrière plan la question de « l’identité » du site, autrement dit de la part réelle de la composante étrusque et de l’éven- tuelle mixité de sa population. Or, la comparaison avec les données de la

zone 27 est à ce titre riche d’enseignements (fig. 61).

En effet, en se référant aux niveaux d’occupation et d’incendie de la zone 27 (phase 27I2) (Lebeaupin 2014), on note en premier lieu la très grande disparité quant à la représentation de la vaisselle étrusque, qu’il s’agisse du bucchero nero ou de la céramique commune associant vases de cuisson et mortiers. Dans la zone 1, la présence de bucchero nero est anecdotique, et celle de la céramique commune diamétralement inférieure à celle de la zone 27, révélant ainsi un usage marginal de la vaisselle fine étrusque tandis que la batterie de cuisine des occupants du quartier Est de Lattara a principalement consisté en des urnes non tournées.

Cette céramique non tournée régionale présente dans la zone 1 un taux plus de deux fois supérieur à celui de l’autre zone, tandis que les céra- miques à pâte claire peintes ou non peintes affichent des taux relative- ment semblables. La vaisselle prise dans sa globalité (vases de table et de cuisine) est donc largement dominée par la céramique non tournée, nous renvoyant un faciès bien plus « indigène » que dans la zone 27. Cette im- pression est accentuée par l’absence de graffiti en langue étrusque, quant à eux abondants dans cette même zone méridionale. Enfin, bien que mi- noritaire sur le total des fragments de vaisselle, la céramique attique est non seulement bien mieux représentée dans la zone 1 (alors que marginale dans la zone 27), mais elle se situe à un taux relativement élevé pour un contexte indigène du Languedoc oriental. On note toutefois que le panel de formes, pour ainsi dire exclusivement constitué de vases à boire, est conforme à ce que l’on trouve normalement dans ce type de contexte. Cette importance de la céramique attique ne saurait donc être surinter- prétée et doit avant tout à la nature portuaire du site et son ouverture aux apports méditerranéens. Reste un choix qui ne peut être défini autrement que comme « culturel », faisant que dans un cas on privilégie la vaisselle fine étrusque (zone 27), dans l’autre la céramique grecque (zone 1).

Concernant les amphores, la différence constatée quant à la réparti- tion amphores/vaisselle tient avant tout à la nature des ensembles mis au jour dans la zone 27, à savoir des entrepôts. Ce point ne saurait donc à lui seul être révélateur d’une différence dans les pratiques de consom- mation entre les deux quartiers. On note en revanche que les amphores étrusques, pour ainsi dire exclusives dans la zone 27, sont ici certes ma- joritaires, mais laissent néanmoins une place importante aux productions massaliètes. Ici encore une logique prévaut, qu’elle soit d’ordre écono- mique ou sociale.

Une fois de plus, cette image première demande à être précisée en comparant les différents états reconnus au sein de la phase 1S, mais un point semble d’ores et déjà acquis, à savoir que l’on peut désormais rejeter l’idée d’un site alors exclusivement occupé par une population étrusque. Sur le plan du mobilier, le faciès de la zone 1 se présente en effet de ma- nière radicalement différente, les marqueurs proprement tyrrhéniens de la zone 27 étant ici absents ou anecdotiques. Si les grilles de lecture doivent encore être affinées, notamment quant à la signification donnée à la cé- ramique non tournée indigène dans un contexte « colonial » (Gailledrat 2014), l’image qui se dessine est celle d’un site mixte, associant diverses composantes ethniques et sociales occupant semble-t-il des quartiers dis- tincts. Le partenaire indigène semble bel et bien présent dès cette phase ancienne du site ; reste à déterminer si hormis les Etrusques une autre composante méditerranéenne (Grecs ?) a pu prendre place à Lattara au

début du Ve s. av. n. ère dans un contexte qui est alors clairement celui

d’un emporion fonctionnant en binôme avec le site voisin de La Cougou- rkude / Mas de Causse (Gailledrat 2014 ; Gailledrat à paraître).

Dans le document LATTARA (Lattes, Hérault) 2014. (Page 61-63)