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Chronologie d’apparition des troubles cognitifs

II. TROUBLES COGNITIFS AU COURS DE LA DSA

2. Chronologie d’apparition des troubles cognitifs

Certains auteurs ont mis en évidence que la présence de troubles cognitifs pouvait constituer un facteur prodromique de dépression quelques années plus tard. Une étude suédoise a ainsi porté sur une cohorte de 700 sujets non déprimés initialement, qui ont été soumis à des tests cognitifs (mémoire, flexibilité mentale, fluence verbale, vitesse psychomotrice) puis suivis pendant trois ans avec des évaluations régulières de leur statut vis-à-vis de la dépression (114). Les auteurs ont fait le constat que les sujets qui développait une dépression au cours des trois ans avaient des scores aux tests de mémoire plus faibles que ceux qui n’avaient pas de dépression. Les troubles mnésiques pourraient donc constituer un facteur de risque de développer une dépression. Cependant, ces résultats doivent être pris avec précaution car parmi les sujets qui développaient une dépression, certains avaient déjà eu un épisode antérieurement, ce qui peut introduire un biais de confusion.

b. Présence dès le premier EDC

Plusieurs études retrouvent la présence de troubles cognitifs chez les sujets dépressifs dès le premier épisode. L’étude de Kyte et ses collègues a rapporté la présence de troubles des fonctions exécutives dès le premier épisode et retrouvait que les patients dépressifs avaient plus de comportements impulsifs dans les contextes de prise de décision en comparaison à des sujets sains, et qu’ils avaient tendance à porter leur attention préférentiellement vers les stimuli tristes, alors que l’attention pour les items neutres était similaire dans les deux groupes (115). Schmid et Ammar ont comparé un groupe de patients présentant un premier épisode dépressif à un

groupe de sujets sains et ont mis en évidence que les patients étaient moins performants sur les épreuves de fluence verbale sémantique et que leur capacité d’inhibition était moindre (116). De plus, les patients avaient une vitesse de traitement de l’information inférieure aux sujets sains, ce qui pouvait en partie rendre compte des difficultés aux épreuves de fluence verbale. Une autre hypothèse réside dans le fait que, par défaut de capacité d’inhibition, les patients peuvent avoir des difficultés à inhiber des pensées négatives ruminatives, celles-ci agissant comme des distracteurs entravant alors la réalisation de la tâche cognitive. Dans cette étude, les autres domaines exécutifs comme les capacités de planification, de résolution de problèmes et de flexibilité n’étaient pas altérés chez les patients. Talarowska et al. ont comparé le profil cognitif de 60 patients présentant un premier épisode dépressif à 150 patients présentant un épisode dépressif récurrent (117). Ils ont mis en évidence la présence de troubles cognitifs dans les deux groupes concernant plusieurs domaines : vitesse de traitement de l’information, mémoire verbale auditive et visuelle, fonctions exécutives, fluence verbale et capacité à apprendre de nouvelles informations. Ils n’ont pas retrouvé de corrélation avec le niveau de sévérité de la dépression mais ont constaté des performances plus altérées dans les domaines cités précédemment chez les sujets souffrant d’un épisode récurrent par rapport au groupe qui présentait leur premier épisode. Enfin, une méta-analyse de 13 études incluant des adultes présentant un premier épisode rapportait la présence d’un ralentissement psychomoteur (taille de l’effet 0.46), de déficits attentionnels (taille de l’effet 0.36), et de troubles mnésiques et visuospatiaux (taille de l’effet 0.53) plus importants que ceux retrouvés chez les sujets contrôles sains (118).

c. Persistance malgré la rémission de l’EDC

Plusieurs études retrouvent une persistance des troubles cognitifs malgré la rémission de l’épisode dépressif chez les sujets âgés. Bhalla et al. notent que 94% des patients qui présentaient des troubles cognitifs initialement continuent d’en avoir un an après la rémission et que parmi les patients qui avaient un fonctionnement cognitif non altéré, 23% développent des troubles cognitifs un an après (119). Ces résultats sont corroborés par d’autres auteurs qui notent la persistance d’un fonctionnement cognitif déficient malgré un traitement antidépresseur adapté et/ou la rémission de l’EDC. Ces données pourraient être expliquées par certains facteurs comme un faible niveau de performance aux tests neuropsychologiques avant le traitement de l’épisode, un âge élevé, un début tardif de l’épisode et une atteinte vasculaire

cérébrale plus importante (120). Au stade de rémission de la dépression, ces troubles peuvent persister et pourraient dans ce cas constituer un marqueur trait (persistant entre les épisodes malgré la rémission des symptômes thymiques) ou état (s’améliorant avec les symptômes thymiques) (121). Une revue systématique de la littérature comportant 11 études (soit 500 patients adultes) a en effet retrouvé la persistance de déficits d’attention soutenue et sélective, de mémoire et de fonctions exécutives, malgré la rémission des symptômes dépressifs (121). Des résultats similaires ont été retrouvés dans une méta-analyse de 27 études comparant 895 patients dépressifs à 997 sujets contrôles, et les troubles cognitifs qui persistaient étaient plus importants chez les patients dont le début de la dépression était tardif (122).

A la lumière de ces données, les troubles cognitifs pourraient donc être considérés comme différents marqueurs (123) :

- Un marqueur de risque c’est-à-dire une caractéristique mesurable qui prédit le risque pour un individu de développer un trouble dépressif,

- Un marquer trait qui reflète la présence d’une maladie,

- Un marqueur de progression ou de réponse c’est-à-dire une caractéristique mesurable capable d’indexer la probabilité de réponse au traitement antidépresseur,

- Un marqueur état c’est-à-dire une caractéristique mesurable qui reflète la sévérité et le caractère aigu de la dépression