• Aucun résultat trouvé

Évolution des troubles cognitifs au cours de l’EDC

II. TROUBLES COGNITIFS AU COURS DE LA DSA

4. Évolution des troubles cognitifs au cours de l’EDC

Comme nous l’avons noté, plusieurs études retrouvent la persistance de troubles cognitifs malgré la rémission des symptômes dépressifs chez un tiers à la moitié des patients selon les études (119,128). Une étude a d’ailleurs évalué à 94% la proportion de patients qui continuait a présenté des troubles cognitifs une fois l’épisode dépressif en rémission (119).

Dzierzewski et al. se sont questionnés sur la nature des liens existants entre symptômes dépressifs et cognitifs dans le cadre d’un EDC. Pour cela, ils ont inclus 453 patients de plus de

60 ans qui présentaient un EDC traité par un antidépresseur de la classe des inhibiteurs de recapture de la sérotonine poursuivi pendant 1 à 2 ans après la rémission (129). Les patients ont été soumis à une batterie de tests neuropsychologiques et à la passation d’échelles de dépression pour suivre de façon concomitante les symptômes cognitifs et dépressifs. Ils ont noté des fluctuations importantes du fonctionnement cognitif chez les patients traités sur le long terme, avec un niveau de troubles corrélé à un âgé élevé et à un niveau d’éducation faible. De plus, la présence de symptômes dépressifs chroniques était reliée à un plus faible niveau de fonctionnement cognitif global. Ensuite, ils ont observé que la présence de fluctuations dans l’intensité des symptômes dépressifs en aigu était également corrélé aux fluctuations cognitives et vice versa. Contrairement à leur hypothèse de départ, il ne semblait pas y avoir de relation dans un sens ou dans l’autre, entre la persistance de symptômes dépressifs sur le long terme et le déclin cognitif, et ni l’intensité des symptômes dépressifs ni les troubles cognitifs à un instant t ne prédisait le fonctionnement à 1 an. Cependant, les résultats de cette étude entrent en contradiction avec d’autres qui rapportaient que les symptômes dépressifs prédisaient un déclin cognitif ultérieur ou inversement, que la présence de troubles cognitifs était un facteur prédictif de présenter des symptômes dépressifs (130-133). Les auteurs expliquaient ces différences entre autres par le fait qu’ils avaient inclus des patients souffrant d’un EDC alors que les autres études s’intéressaient à la dépression subsyndromique. Un résultat notable de l’étude de Dzierziewski et al. est le fait que malgré le traitement bien conduit de l’EDC, cela n’empêche pas les fluctuations des troubles cognitifs sur le long terme, ce qui laisse supposer que la DSA est à la fois une pathologie thymique et cognitive, et que l’étiologie et l’étiopathogénie de ces deux types de symptômes doit être reliée (129). Il est possible en effet que des facteurs communs soient à l’origine des symptômes dépressifs et des troubles cognitifs.

Pour rendre compte de l’évolution des troubles cognitifs chez les sujets âgés souffrant de dépression, il est important de prendre en considération l’âge de début des troubles dépressifs. En effet, certaines données de la littérature retrouvent qu’un âge précoce d’apparition d’un trouble dépressif soit souvent associé à une évolution plus sévère du fait d’une durée plus longue d’évolution avec plus d’épisodes thymiques. La DP serait alors plus délétère sur le plan cognitif via des altérations neuronales au niveau hippocampique via la dérégulation de l’axe corticotrope. Il a été montré dans des études récentes que les dommages observés au niveau des hippocampes étaient associés à une altération des fonctions cognitives, et que la dépression était associée à des modifications du volume de ces structures de façon bilatérale. Nous pourrions supposer que cette atrophie soit plus importante en cas de DP par rapport à la DT du fait d’une durée d’évolution plus longue et d’un plus grand nombre d’épisodes mais cela

ne semble pas être le cas dans la littérature. Au contraire, certains auteurs ont retrouvé une tendance inverse avec une atrophie hippocampique plus marquée chez les patients avec une DT, ce qui laisse supposer que les mécanismes conduisant à ce phénomène soient différents entre les deux sous-types de dépression. Sur ce point, Sachs Ericsson et al. ont mené une étude où ils comparaient les niveaux de dépression et de troubles cognitifs de deux groupes de patients âgés présentant un EDC (DP versus DT) sur une période de suivi de quatre ans (134). Ces auteurs ont remarqué que l’intensité de la dépression des patients du groupe DP était plus importante que dans le groupe DT, et ce du début à la fin de suivi. Sur le plan cognitif, aucune différence significative n’était notée en début de suivi mais le déclin cognitif était plus important au cours du temps dans le groupe DT, y compris en contrôlant sur le paramètre du volume hippocampique, ce qui suggère que le niveau de fonctionnement cognitif n’est pas complètement dépendant du volume des hippocampes. Sur le plan morphologique, aucune différence significative n’a été retrouvée entre les deux groupes sur les volumes de l’hippocampe ou sur les lésions de la substance blanche. Par contre, la diminution du volume hippocampique était plus rapide au cours de temps dans le groupe DT.

Pour l’heure, il est donc difficile de savoir précisément si un début précoce de la dépression est un facteur de risque de déclin cognitif, si la DT est responsable de cette association ou si DT et DP sont des facteurs de risque d’altération cognitive mais peut-être en opérant par différents mécanismes. En effet, l’avancée en âge peut aussi être associée à des anomalies neurologiques en particulier d’origine vasculaire qui peuvent contribuer en parallèle de la dépression à l’émergence de troubles cognitifs, en altérant les réseaux sous-corticaux (108,135).