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Caractéristiques des troubles cognitifs au cours de la DSA

II. TROUBLES COGNITIFS AU COURS DE LA DSA

1. Caractéristiques des troubles cognitifs au cours de la DSA

La DSA est fréquemment associée à des troubles cognitifs et la variabilité des profils cognitifs retrouvés suggère que la DSA représente un groupe de troubles hétérogènes qui requière un traitement adapté et un suivi régulier sur le plan neuropsychologique.

Selon les données de la littérature, les troubles cognitifs seraient présents chez environ deux tiers des patients souffrant de dépression (102).

a. Types de troubles

Ces troubles affectent différentes fonctions cognitives à savoir l’attention, la vitesse de traitement de l’information, la mémoire épisodique antérograde, les fonctions exécutives et les habiletés visuospatiales (103,104,105). Les fonctions exécutives et la vitesse de traitement de l’information apparaissent comme particulièrement vulnérables et assez largement touchées chez les sujets âgés souffrant de dépression (103). Ces auteurs ont évalué plusieurs données (cliniques, psychosociales, biologiques) ainsi que les profils cognitifs de 140 patients âgés de plus de 60 ans présentant un EDC et de 40 sujets contrôles sains. Les patients avaient des performances cognitives significativement plus faibles dans tous les domaines comparativement aux sujets sains. Les troubles cognitifs étaient significatifs chez plus de 50% des patients, et les domaines les plus altérés étaient la vitesse de traitement de l’information, les habiletés visuospatiales, la mémoire et les fonctions exécutives. Concernant ce dernier domaine, les performances les plus faibles concernaient les capacités de flexibilité mentale. La réduction de la vitesse de traitement de l’information semble par ailleurs être un élément important avec un impact sur la réalisation de plusieurs tests évaluant les autres domaines cognitifs. De plus, ces difficultés semblent persister malgré l’amélioration de la symptomatologie dépressive. Cette étude s’est également intéressée aux facteurs ayant une influence sur les troubles cognitifs associés à la DSA. Parmi eux, les patients les plus âgés et ceux dont l’intensité de la dépression était la plus sévère avaient des performances cognitives

plus faibles. Au contraire, un niveau d’éducation élevé était un facteur de protection et était associé à une vitesse de traitement de l’information plus élevée. Ces résultats ont été retrouvés dans d’autres études comme celle de Sheline et ses collègues qui retrouvaient que l’âge, le niveau de sévérité de la dépression, le niveau d’éducation, l’ethnie et la présence de facteurs de risque cardio-vasculaires contribuaient de façon significative et indépendante à l’altération des fonctions cognitives au cours de la DSA (106).

Une des hypothèses avancées à l’existence de ces troubles cognitifs au cours de la DSA serait la présence de dysfonctions au niveau des circuits fronto-striataux et/ou des hippocampes qui pourraient en partie résulter d’anomalies vasculaires cérébrales. Des liens entre la présence d’hyperintensités de la substance blanche (HSB) en IRM cérébrale et l’apparition d’une dépression sont fréquemment retrouvées dans les études sur la DSA. Il a été proposé que les anomalies vasculaires traduites par ces hyperintensités contribuent au développement de la DSA en affectant les circuits reliant les structures frontales et sous-corticales impliquées dans la régulation des émotions. Plusieurs facteurs contribuent à l’étiopathogénie des HSB, en particulier l’âge et les comorbidités médicales comme le diabète, l’hypertension artérielle ou les maladies cardiovasculaires. Une étude a comparé la topographie et le volume d’HSB entre un groupe de patients âgés souffrant de dépression et un groupe de sujets contrôles (107). Cette étude a mis en évidence que ni le volume des HSB, ni le degré d’atrophie corticale ou sous- corticale n’étaient corrélés au niveau de performance aux tests neuropsychologiques. Par contre, les auteurs ont retrouvé que la localisation des HSB avait un impact sur les résultats des tests. En effet, les performances cognitives étaient significativement plus faibles chez les patients quand les HSB étaient situées dans les régions de substance blanche assurant la connexion au cortex cingulaire, à l’insula et aux amygdales, régions impliquées dans la régulation émotionnelle.

Par ailleurs, il paraît important de faire la distinction entre les formes précoces et tardives de dépression chez le sujet âgé car les données de la littérature suggèrent que ces deux entités seraient sous-tendues par des mécanismes étiopathogéniques différents. Certains auteurs suggèrent qu’au cours de la dépression précoce (DP), la neurotoxicité induite par le stress et qui se cumule au gré des épisodes dépressifs récurrents entraine une atrophie hippocampique alors qu’au cours de la dépression tardive (DT), il semblerait que les lésions prédominantes se situent au niveau de la substance blanche en lien avec la survenue des maladies cérébrovasculaires (108). Concernant le profil cognitif des patients souffrant de DT ou de DP, les données de la littérature restent contradictoires. Plusieurs études suggèrent que la DT serait plus fréquemment associée à des troubles exécutifs ou attentionnels, alors que les troubles

mnésiques seraient prédominants au cours des DP (109,110). Une méta-analyse récente retrouvait que les patients souffrant d’une DT avaient plus de troubles exécutifs et une vitesse de traitement de l’information réduite comparativement aux DP mais les deux groupes avaient un fonctionnement cognitif global inférieur aux sujets contrôles sains (105). Cela pourrait laisser supposer que les troubles exécutifs soient plus spécifiques des DT, ce qui est d’ailleurs cohérent avec le fait que les lésions vasculaires s’accumulent au fil du temps et sont donc plus présentes chez les sujets plus âgés.

b. Biais de négativité et de positivité

La cognition joue également un rôle important dans la régulation des processus émotionnels et au cours de la dépression, les troubles cognitifs peuvent induire un biais de négativité avec un traitement préférentiel des informations à contenu émotionnel négatif au détriment des informations à valence positive. La cognition sociale intervient dans les relations aux autres dans le sens où elle permet de comprendre les processus de pensées d’autrui et de s’y adapter. Quand il existe un biais de négativité, cette compréhension peut être modifiée par des biais d’interprétation, pouvant au maximum conduire à des pensées d’ordre persécutrices vis-à-vis de l’interlocuteur (11).

Avec l’avancée en âge, les performances cognitives déclinent pour les tâches nécessitant des efforts intenses et volontaires. C’est le cas pour ce qui est de la vitesse d’exécution d’une tâche, la mémoire de travail, l’attention sélective et divisée, les capacités d’imagerie mentale, les capacités de raisonnement et de résolution de problèmes. Parallèlement, il semble que les sujets âgés augmentent leurs performances en termes de fonctionnement émotionnel. Selon la théorie de la sélectivité socio-émotionnelle, les objectifs sont toujours replacés dans un contexte temporel. Quand les gens perçoivent le temps comme expansif, comme c’est le cas dans la jeunesse, ils tendent à se concentrer sur la projection dans le futur. Ils investissent alors leur temps et leur énergie pour acquérir des informations et étendre le champ des possibles. A l’inverse, quand les gens perçoivent des limites temporelles, ils recentrent leur attention sur les informations émotionnellement pertinentes, comme le désir de mener une vie intéressante, d’avoir des relations sociales de qualité au niveau émotionnel et de se sentir socialement connecté. La vieillesse étant un moment de la vie où la perspective temporelle est limitée, cette théorie suppose des modifications de la motivation en lien avec l’âge. Les sujets âgés mettent alors plus de motivation pour aboutir à des objectifs émotionnellement satisfaisants, en investissant leurs ressources cognitives et sociales dans ce but. Plusieurs auteurs suggèrent plus

précisément qu’il existerait un biais de positivité chez les sujets âgés avec un traitement préférentiel des informations à valence émotionnelle positive par rapport aux stimuli négatifs ou neutres, contrairement aux sujets jeunes qui traiteraient préférentiellement les informations à contenu négatif (112,113). En accord avec la théorie de la sélectivité socio-émotionnelle, la concentration sur les informations à contenu émotionnel positif au détriment des informations à valence négative semble opérer au service d’un bien-être émotionnel, ce qui pourrait contribuer aux différences de psychopathologie observées entre les catégories d’âge, par exemple dans le cadre des troubles psychiatriques comme la dépression.

2. Chronologie d’apparition des troubles cognitifs