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Le corps infra-politique

B. Chorégraphies : le corps contraint

Si le vêtement est une forme de communication non verbale, c’est bien parce que le langage des corps est une façon pour le féminin de se définir à l’écran. Dans les séries du corpus, c’est d’abord par l’imposition de postures ou de gestes que se révèle une infériorité diégétique du féminin. Du classement et de l’inspection des corps féminins dans Orange is the New Black aux postures de la déférence et de l’assujettissement dans The Handmaid’s Tale, le corps reçoit et signale l’état infra-politique du féminin, au sens où l’entendent Muriel Combes et Bernard Aspe203. Dans les séries dystopiques à l’étude (Black Mirror, The Handmaid’s Tale) comme dans Orange

is the New Black, qui s’intéresse à l’univers carcéral, le corps féminin est soumis à des

règles autoritaires. Les corps des femmes apparaissent contraints et évoluent à l’écran en empruntant des postures imposées. Ici, pas de possibilité de les percevoir comme des « corps [qui] s’habillent de nouvelles habitudes, habitent des images empruntées, s’y augmentent »204 comme le suggère Marielle Macé à propos des démarches que les femmes reproduisent, inspirées par les actrices américaines. C’est au contraire par l’emprunt forcé de gestes ou de postures que le féminin est relégué à un état infra-politique. Les travaux de Giorgio Agamben mettent au jour la puissance politique contenue dans les postures, les mouvements et les gestes :

[u]ne vie – la vie humaine – dans laquelle tous les modes, les actes et les processus du vivre ne sont jamais simplement des faits, mais toujours et avant tout des possibilités de vie, toujours et avant tout des puissances.205

Pour les femmes ce sont des possibilités de vie qui sont supprimées par l’injonction à un comportement physique ou à une posture particulière. Bien que cette imposition physique faite au féminin prenne des formes particulièrement variées dans le corpus, une écrasante majorité des personnages se trouve enfermée dans ces chorégraphies. Ces contraintes ne sont pas toujours héritées de règles pénitentiaires, comme c’est le

203 Bernard Aspe, Muriel Combes. « Transparitions/L’intime partagé », op.cit., p. 33. 204 Marielle Macé. Styles. Une critique de nos formes de vie, op.cit., p. 76.

205 Giorgio Agamben. Moyens sans fins. Notes sur la politique. Paris : Payot & Rivages, 2002 [1995], p. 14.

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cas dans d’Orange is the New Black, mais proviennent également d’une vision stéréotypée des corps féminins. Dans Mad Men, le corps de Peggy est soumis aux regards masculins et féminins, et la jeune femme se voit obligée de modifier son physique et sa posture pour répondre aux critères féminins, qui pourrait correspondre à la définition du stéréotype donnée par Geneviève Fraisse :

le stéréotype résume, en une représentation imagée, les assignations auxquelles chaque sexe est renvoyé, psychologiquement, socialement, comme des identités sûres et intangibles.206

En ce sens, les contraintes qui sont imposées aux corps féminins ne sont pas toujours légales ou extérieures, puisque le corps peut également être invité à se conformer à des archétypes ou à des stéréotypes intériorisés. L’obligation ou l’interdiction de réaliser certains gestes en raison de stéréotypes ou d’injonctions sociales dans les séries du corpus participe en ce sens à l’établissement du féminin comme sujet dépourvu d’une réelle liberté politique. Nous pourrons à nouveau convoquer les théories avancées par Giorgio Agamben ou Marielle Macé, qui font des gestes et des postures les lieux mêmes d’une liberté politique personnelle, qui mérite d’être sauvegardée. Ainsi, par l’imposition de règles autoritaires ou stéréotypées, c’est une confiscation des formes de vie qui s’opère. De plus, si les stratégies qui président à la création des personnages féminins sont celles d’une relative identité entre le personnage et le stéréotype, dans cette mesure elles ne permettent pas forcément l’élaboration de sujet politiquement aptes, puisqu’esthétiquement limités. Il conviendra de se demander, au-delà de la diégèse, si l’écran lui-même peut être le lieu d’une contrainte du féminin, notamment au travers de techniques formelles comme le hors-champ ou le brouillage des corps. En effet, si la posture féminine apparaît contrainte, le corps féminin peut parfois être filmé sous certains angles ou selon certaines techniques qui le conditionnent déjà, en amont de la diégèse sérielle. De même, l’adaptation du roman vers la série devra être interrogée puisqu’elle détermine logiquement la forme et le mouvement des corps féminins dans la série. L’ensemble de ces niveaux de sens permettront de circonscrire les limitations corporelles des femmes, qui sont autant d’exemples de confiscation de formes de vie pour celles-ci. Puisque, comme l’écrit Jérôme Game, « le corps est ce

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qui force à penser depuis la matière, à la faveur d’un geste ou d’une posture, à même les choses plutôt que par-dessus elles »207, il est essentiel d’observer l’ensemble des contraintes qui pèsent sur ce dernier comme des contraintes esthétiques et politiques. L’identité féminine et la chorégraphie hétéronome

Black Mirror instaure dans son premier épisode The National Anthem (1.01) le

corps politique féminin comme hautement vulnérable, puisque l’un des deux personnages centraux de l’intrigue, la princesse Susannah, est kidnappée et séquestrée. Retransmis sur tous les écrans du monde, son corps violenté n’apparaît dans l’épisode que pour reprendre en boucle les mêmes gestes et expressions de souffrance. L’épisode lie le corps féminin, l’incapacité de celui-ci à exprimer autre chose que la souffrance, et la démultiplication des images, des thèmes qui se font le fil rouge de nombre de séries télévisées, notamment dystopiques. Orange is the New Black, The

Handmaid’s Tale et certains épisodes de Black Mirror présentent des ordres totalitaires

ou pénitentiaires qui semblent justifier l’établissement de règles concernant les modes d’être et d’apparaître du féminin. Le corps féminin est alors scruté, assujetti et forcé dans des postures et des gestes prescrits. L’un des flashbacks de June nous ramène au

Rachel and Leah Center, centre de détention des handmaids, où Aunt Lydia gère leur

formation. Bien avant de contraindre les jeunes femmes à se vêtir d’une certaine sorte, ou de leur apprendre à utiliser leur corps pour procréer pour d’autres, Aunt Lydia leur inculque une posture de déférence. Les règles totalitaires qui s’appliquent aux corps féminins tronquent leurs manières d’apparaître : leur tête se doit d’être baissée en signe de déférence, le regard au sol. Les postures sont figées, et l’hétéronomie corporelle des personnages se traduit à l’écran par des plans qui soulignent l’aspect « rangé » des corps féminins, quelle que soit leur catégorie sociale208. Les corps féminins sont soumis à des règles strictes qui limitent leurs apparences à l’écran bien au-delà des

207 Jérôme Game (dir.). Images des corps/corps des images au cinéma. Lyon : ENS, 2010, p. 13.

208 On peut toutefois remarquer que les corps féminins sont filmés de manière différente selon qu’ils appartiennent à une classe sociale ou une autre. Les handmaids sont montrées en plongée extrême, accentuant leur statut inférieur, tandis que les épouses, dans le plan utilisé précédemment, sont filmées en légère contre-plongée, conférant une sorte de distinction à ces dernières.

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impositions vestimentaires. A l’instar des personnages féminins de The Handmaid’s

Tale, ceux d’Orange is the New Black doivent se conformer aux normes pénitentiaires.

Les femmes sont soumises aux fouilles des gardiens de la prison et aux contrôles quotidiens. C’est donc l’espace privé du corps qui est envahi par les règles pénitentiaires : le maintien d’une posture de respect et de soumission, l’acceptation d’une potentielle invasion de l’espace corporel menaçant chaque instant dans l’enceinte de Litchfield. Aux injonctions de respect des gardiens et du système pénitentiaire répondent en effet des façons de se tenir (droite, les bras le long du corps, le regard fixe), et des manières de parler.

Handmaids alignées, The Handmaid’s Tale (1.06).

. Piper Chapman et Miss Claudette sont inspectées par Mendez, Orange is the New Black (1.04).

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Des détenues sont fouillées dans la cour de la prison, Orange is the New Black (1.04). Les personnages féminins se meuvent dans la prison selon des règles spatiales, horaires et corporelles strictes. Bien que ces règles découlent de nécessités différentes – s’assurer de l’absence de menace de la part des détenues pour Orange is the New Black, instituer le féminin comme inférieur au masculin pour The Handmaid’s Tale – elles président aux déplacements des corps dans les séries du corpus. Dans « 15 Million Merits » (Black Mirror, 1.02), la vaste majorité des corps sont soumis aux lois strictes d’un système futuriste dans lequel chaque personne doit pédaler pour amasser une forme de monnaie virtuelle. Les temps de la journée sont organisés pour les personnages, laissant un maigre champ d’action à la protagoniste Abi. Alors qu’elle pense avoir trouvé une porte de sortie en participant à une émission de télé-réalité, la jeune femme se voit forcée d’accepter de devenir actrice pornographique. En miroir de l’épisode d’ouverture de la série, c’est l’omniprésence sur les écrans gigantesques des habitations qui retransmet l’assujettissement du corps féminin au travers des séquences où Abi apparaît dans des poses suggestives. Le corps féminin se meut donc à un rythme et selon des règles particulières qui entravent sa liberté. Nous dirons avec Macé que ces manières de se mouvoir engagent la question d’un style féminin, c’est-à-dire d’une forme de vie particulière au féminin qui serait confisquée par l’ordre totalitaire ou carcéral. Dans les séries du corpus, cette contrainte est la traduction esthétique de l’état infra-politique du féminin, c’est-à-dire l’état de personnes dont la vie n’apparaît pas digne d’intérêt ou d’attention. Or, Giorgio Agamben explique que

[l]e fait dont tout discours sur l’éthique doit partir, c’est qu’il n’existe aucune essence, aucune vocation historique ou spirituelle, aucun destin biologique que l’homme devrait conquérir ou réaliser. C’est la seule raison pour laquelle

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quelque chose comme une éthique peut exister : car il est clair que si l’homme était ou devait être telle ou telle substance, tel ou tel destin, il n’y aurait aucune expérience éthique possible – il n’y aurait que des devoirs à accomplir.209

En ce sens, l’imposition de gestes ou de mouvements aux corps féminins équivaut directement à l’imposition d’un devoir, et en creux, d’une hiérarchie entre les genres et les capacités. Ainsi la contrainte chorégraphique du féminin inscrit dans l’espace esthétique une négation éthique de celui-ci, ou de certaines de ses caractéristiques.

Cette chorégraphie particulière va jusqu’à effacer les corps dans The Handmaid’s

Tale. En effet, si la théocratie institue les femmes comme citoyennes de seconde classe,

elle bannit également la sexualité à but non reproductif de la vie quotidienne. Benjamin Campion suggère que la série

[s]’évertue justement à pointer du doigt l’abrogation de l’érotisme et du plaisir charnel (chez l’oppressée comme chez l’oppresseur, d’ailleurs) sous le joug d’un régime tyrannique déshumanisant. Même quand elle prend un bain en préparation de la Cérémonie (1.01), Offred est cadrée de sorte qu’aucun bout de peau inapproprié n’apparaisse à l’écran, comme un redoublement formel de l’asservissement et de la captivité de la jeune femme chez les Waterford.210

Le processus d’abrogation du plaisir charnel occasionne à l’écran un traitement particulier du corps féminin. Dans un grand nombre de scènes, le corps féminin est montré en souffrance, dans des postures d’assujettissement et de déférence, mais la censure du corps sensible et sensitif passe au contraire par une exclusion de celui-ci de l’espace de l’écran. L’installation au pouvoir des théocrates et la mise en place de nouvelles règles concernant le comportement féminin et la sexualité sont des moments de satisfaction pour Serena Joy et son mari, grands instigateurs de la révolution qui se déroule à Boston. Pourtant, la jeune femme semble perdre une partie d’elle-même avec ces changements, comme le figure la première saison.

209 Giorgio Agamben. La Communauté qui vient. Paris : Seuil, 1990, p. 47.

210 Benjamin Campion. « Sexe et dystopie : The Handmaid’s Tale, du repli patriarcal à l’abrogation de l’érotisme ». Libération, 19 mars 2018, document en ligne consulté le 14 avril 2018, http://feuilletons.blogs.liberation.fr/2018/03/19/sexe-et-dystopie-the-handmaids-tale-du-repli-patriarcal-a-labrogation-de-lerotisme/.

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Serena Joy emménage, The Handmaid’s Tale (1.06).

L’épouse dévouée est filmée en gros plan, appuyée sur la porte d’une armoire. Si son corps est visible, le miroir offre d’elle une réflexion tronquée. Son corps semble symboliquement ôté de l’image, relégué hors-champ comme pour appuyer la confiscation de sa liberté sexuelle et gestuelle. Pourtant, Geneviève Fraisse signale que

[l]e hors-champ est bien absent du cadre établi, mais non sans efficace dans l'espace réel offert dans ce cadre. L'invisibilité (qu'elle soit immanente implicite ou infinité du sens) ne signifie pas le rien.211

En ce sens, la suppression du corps sensitif dans la série n’équivaut pas simplement à une relégation de celui-ci comme sujet mineur, mais bien à la traduction esthétique d’une amputation sociale et personnelle imposée aux corps féminins212. S’il est vrai que Serena Joy subit cette confiscation, qui met à mal sa relation de couple, June et l’ensemble des handmaids en font également les frais. Les scènes de bain ou les rendez-vous gynécologiques symbolisent constamment la confiscation du corps féminin comme corps sensible – incessamment car cette exclusion du corps hors-champ actualise plan par plan la suppression des capacités sensitives du corps féminin.

[l]e hors-champ cinématographique a été inscrit d’emblée par le passage des corps à travers le cadre, qui le quittent pour se tenir hors-champ, dans une sorte de réserve, dans le double sens de ce qui se tient en réserve, en attente, et de ce qui existe en creux213.

211 Geneviève Fraisse. Les Excès du genre. Concept, image, nudité, op.cit., p. 34.

212 Cette amputation est rendue littérale dans un épisode où Serena Joy est punie pour avoir lu par une amputation de son auriculaire (2.13), mais également au travers des nombreuses blessures que reçoivent les servantes comme Janine ou Emily.

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Comme le propose Jean-Louis Comolli, l’hors-champ organise un passage, une réserve du corps à l’écran, qui marque activement son exclusion. Ainsi, l’ensemble des scènes où les corps des handmaids apparaissent tronqués, amputés ou scindés formellement rappelle la contrainte qui pèse sur ces derniers.

La confiscation des formes de vie féminines transparaît dans les techniques employées par la série pour mettre en scène les femmes. L’utilisation de la lumière dans la capture sérielle des corps joue un rôle prépondérant dans l’illustration de cette confiscation. The Handmaid’s Tale accorde par exemple un soin particulier au traitement de la lumière, qui semble tomber sur les corps de façon quasi-divine. Pourtant, de nombreuses scènes, comme celle qui ouvre la série, font apparaître les personnages à contre-jour, laissant visible à l’écran le simple contour des corps féminins.

June, The Handmaid’s Tale (1.01).

Cette mise en scène du corps féminin tient à la fois de l’intensification de la présence féminine à l’écran et de l’effacement du corps. L’imposition de la silhouette dans la lumière diffuse de la fenêtre semble constituer un halo qui découpe le corps à l’écran. Martine Beugnet entreprend de définir ce processus :

[l]a dématérialisation de la forme humaine – qui devient tache ou trou et semble voiler ou crever la surface de l’image – est l’expression visuelle d’une subjectivité qui oscille entre présence et néant.214

Les corps féminins s’inscrivent à l’écran par l’imposition de leur silhouette à contre-jour : cette technique témoigne dans la série d’un évidement du féminin comme individu singulier et sensible. Il n’est donc pas anodin de retrouver cette technique

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dans Top of the Lake ou Black Mirror : l’utilisation répétée de l’évidement du corps féminin se retrouve dans les séries du corpus pour mettre en évidence un effacement du féminin sensitif. Dans Black Mirror (1.02), le corps d’Abi se détache face aux jurés de l’émission : son bassin et ses jambes voilent l’écran et détourent la silhouette de la jeune femme, anticipant la suppression prochaine du contrôle qu’elle peut avoir sur son corps.

Abi face au jury de l’émission Hot Shot, Black Mirror (1.02).

Dans Top of the Lake, les services de police sont présentés comme des environnements hautement sexistes, dans lesquels la détective Robin Griffin a parfois du mal à affirmer son autorité. La silhouette de la jeune femme est happée par les corps masculins, contrainte dans les recoins de l’écran. Dans le plan suivant, les regards masculins sont fixés sur Robin, et l’omniprésence des officiers sature le champ. Face à ses homologues masculins, le corps de Robin voile l’écran d’un halo noir, qui semble suggérer en creux son incapacité à s’établir comme corps autonome et indépendant dans le milieu misogyne.

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Robin Griffin face à ses collègues de la Southern Lakes Police, Top of the Lake (1.01). Il est possible de constater que l’ensemble des séries du corpus mettent en œuvre des techniques similaires pour figurer la vulnérabilité ou l’incapacité du corps féminin. Ces caractéristiques confirment dans l’espace esthétique de l’écran la confiscation de certaines formes d’être et d’apparaître : dans les milieux dystopiques et carcéraux, comme dans les environnements sexistes, les femmes peuvent se voir contraintes d’obéir à des règles hétéronomes, les forçant à des chorégraphies qui leur sont étrangères. Le corps est ainsi

[s]ite d’inscription de forces diverses où se lisent les vulnérabilités comme les stratégies de résistance à l’ordre des discours, il est aussi ce qui ne cesse de reposer la question de ce à partir de et à travers quoi le mouvement sur l’écran, la productivité interne au film comme l’économie de son sens demeurent actifs et en jeu.215

Partant, nous proposons que le corps féminin dans les séries est à la fois le lieu d’une mise en acte des règles totalitaires et pénitentiaires, mais aussi ce par quoi elles adviennent dans l’espace de l’écran. Les gestes hétéronomes sont l’incarnation esthétique de ces règles. Pour autant que ces gestes sont contraints, ils constituent une confiscation du style féminin, et limitent les manières d’apparaître des personnages à l’écran. Ainsi, plus qu’une limitation esthétique, c’est une limitation politique qui est mise au jour dans l’ensemble des séries du corpus. Pourtant, ce statut infra-politique du féminin n’est pas systématiquement hérité de règles explicites et extérieures au féminin, comme en témoignent certains arcs narratifs déployés dans Mad Men, This is

England ou Top of the Lake.

Le féminin et l’imposition des stéréotypes

Il semble qu’il y ait en effet dans certaines séries du corpus une imposition de règles implicites qui régissent les mouvements et les apparences des corps féminins.